BD : "Une saison en Ethiopie", ou les tribulations de deux journalistes français à Addis Abeba
Il y a du Joe Sacco et du Monsieur Jean de Dupuy et Berberian dans Une saison en Ethiopie (Editions Steinkis) : la bande dessinée est à la fois très documentée et pleine d’humour. Karim Lebhour débarque à Addis Abeba en 2014 pour prendre le poste de correspondant de l’AFP. Il arrive de New York où il couvrait les activités onusiennes. Le choc est terrible. Dans la tête de Karim, l’Ethiopie se réduisait à la famine et aux concerts de solidarité. Or, il va le découvrir très vite, le pays a changé et continue de se transformer à marche forcée.
Made in China ou la Chinafrique
L’Ethiopie a tout importé de la Chine : le développement tous azimuts, une croissance économique à deux chiffres, la répression et le musèlement des libertés d’expression. Karim arrive donc dans une capitale en pleine ébullition où les signes de la présence de la Chine sont visibles partout, jusqu’aux vendeurs à la sauvette qui parlent chinois. Karim découvre aussi un pouvoir paranoïaque, dont la culture du secret atteint des sommets. Addis Abeba est importante pour Pékin, une étape importante dans sa "Nouvelle route de la soie".
Dans cette BD co-écrite par deux journalistes ayant réellement vécu en Ethiopie, Karim Lebhour et Vincent Defait, et dessinée par Léo Trinidad, on découvre un pays à la fois fermé et ambitieux, autoritaire et nostalgique d’un passé fantasmé. La BD fourmille de détails croustillants, quelquefois hilarants ou tout simplement absurdes comme cette conférence de presse lunaire d’un régime tellement confiant en lui-même qu’il annonce, en toute démocratie, que le parti au pouvoir a remporté 100% des sièges. Ou encore quand l’auteur doit établir son autorisation de travail et de résidence. Bienvenue dans les dédales d’une bureaucratie en folie. Et ce sont ces petites scènes qui narrent le mieux les paradoxes d’un pouvoir lancé dans une fuite en avant, complètement déconnecté de la population.
Les auteurs racontent aussi une population qui tente de se débrouiller comme elle peut, et une jeunesse qui rêve d’un ailleurs forcément plus clément. Pour arriver en Europe, les jeunes candidats à l’exil passent par le Soudan et la Libye, avec souvent la mort au rendez-vous.
Une saison en Ethiopie : Chinafrique, Etat d’urgence et Macchiato (éditions Steinkis), une bande dessinée géopolitique, pleine d’humour et d’empathie. Un coup de cœur.
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