"Charlie Hebdo", dix ans après : redécouvrir Wolinski et Cabu en deux livres indispensables

Deux albums des caricaturistes morts dans l'attentat ressortent aujourd'hui enrichis par des préfaces et des dessins originaux.
Article rédigé par Zoé Ayad
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Les dessinateurs Georges Wolinski (à gauche) et Cabu (à droite) à l'avant-première du film "C'est dur d'être aimé par des cons" au Festival de Cannes, le 17 mai 2008. (FRANCOIS MORI / AP / SIPA)

Le 7 janvier 2015, dans les locaux de Charlie Hebdo, aux alentours de 11h30, huit membres de la rédaction du journal satirique sont assassinés par les frères Kouachi. Parmi eux, les dessinateurs de presse Georges Wolinski et Jean Cabut, dit Cabu. Pour commémorer cet attentat, les éditions Le cherche midi rendent hommage aux caricaturistes et publient deux nouvelles éditions de leurs albums : Fou d'amour de Wolinski et Toujours aussi cons de Cabu sont à paraître le 2 janvier 2025.

Rien ni personne n'échappait au coup de crayon de Wolinski et de Cabu. Leur terrain de jeu ? La société française, ses vices et ses travers représentés sous les traits grimaçants d'hommes politiques, de religieux, d'"idiots de service" et parfois d'eux-mêmes. Une manière amusante de traiter de sujets graves – intouchables pour certains – qu'ils ont payés de leur vie.

Un album inédit toujours d'actualité

Trois cents caricatures de Cabu sont compilées dans un album avec 50 nouveaux dessins dont trois inédits. Préfacé par Riss, l'actuel directeur du journal satirique, Toujours aussi cons rend hommage au génie de la caricature. Le père du Grand Duduche et du Beauf continue de marquer des générations de dessinateurs par la justesse de son trait et de son propos.

Cabu utilisait la caricature comme exutoire : "Le dessin de presse était un dessin vengeur, un dessin qui permettait de régler leur compte à ceux qui l'énervaient et le révoltaient (...) Une bonne caricature est celle qui révèle la personnalité véritable du sujet, ses tares, ses petitesses, ses bassesses. Quand il parvenait à transmettre cela, Cabu avait le sentiment d'avoir vengé le lecteur", affirme Riss en début d'ouvrage.

Couverture du livre "Toujours aussi cons" de Cabu, dans une nouvelle édition. (LE CHERCHE MIDI EDITEUR)

Un dessin vengeur certes, mais un homme profondément non-violent, très discret et friand de pâtisseries. Il était avant tout un passionné de dessin doté d'un regard personnel et concerné par l'état du monde. Celui qui était capable de dessiner "à l'aveugle" sur son carnet dans sa poche consignait chaque semaine les événements qui retenaient son attention.

De là sont nés quantité de caricatures et de gags mythiques regroupés dans cet album : les beaufs, les racistes, les obsédés, les culs bénits, tout le monde a le droit à son chapitre. Retour sur cinquante ans de vie politique mouvementée, de débats sur l'immigration ou de scandales sexuels avec des dessins finalement toujours d'actualité.

Wolinski, éternel amoureux

Des femmes, beaucoup de femmes, souvent nues et assoiffées de sexualité. Voici les scènes que Georges Wolinski se plaisait à imaginer puis à dessiner. "Les hommes sont des brouillons et les femmes sont des chefs-d'œuvre", écrit-il dans son album Fou d'amour qui témoigne de ce culte infini voué aux femmes et à leur corps.

Un homme à femmes ? Plutôt l'homme d'une seule femme, la sienne, Maryse, qu'il aimait par-dessus tout représenter à ses côtés dans des scènes de l'intimité. Maintenant décédée, elle a préfacé cet ouvrage et loué les caricatures de son mari qu'elle jugeait "jamais ridicules".

Couverture du livre "Fou d'amour" de Wolinski, dans une nouvelle édition. (LE CHERCHE MIDI EDITEUR)

Derrière l'humour osé et les dessins explicites, on décèle un homme à l'opposé de ses caricatures, amoureux et profondément mélancolique : une vie tragique marquée par l'assassinat de son père alors que le dessinateur était seulement âgé de 2 ans, une mère éloignée de lui pour des raisons de santé la majeure partie de son enfance et une première épouse disparue tragiquement dans un accident de voiture.

Wolinski navigue entre la légèreté des femmes nues et une mélancolie ancrée en lui pour produire un cocktail explosif d'humour trash et engagé. Un humour dont lui seul connaissait la recette et qui l'a condamné à mort. Sur sa tombe, comme sur celle de son père avant lui, on peut lire l'inscription : "Assassiné".

"Toujours aussi cons" de Cabu, aux éditions Le cherche midi, 304 pages, 19,90 euros.
"Fou d'amour" de Wolinski, aux éditions Le cherche midi, 112 pages, 21 euros.

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