"L'Illusion magnifique" d'Alessandro Tota, subtil récit romanesque en BD de l'âge d'or des comics
L'héroïne est une "plouc" du Kansas qui va "monter" sans le sou à New York. Roberta Miller est jeune, elle veut réussir sa vie. Elle aime les histoires et va se trouver des qualités pour en raconter. Elle devient scénariste de petits polars dessinés et surtout de récits de super-héros.
Le succès pointe alors son nez. Mais Alessandro Tota, l'auteur italien de cette formidable BD, ne nous emmène pas sur les chemins trop lus d'une "success story" à l'américaine. Il fait un pas de côté.
L'action se situe à la fin des années 1930, juste avant la Grande Dépression. Roberta fréquente des communistes et des syndicalistes. Elle est une femme, homosexuelle, dans un milieu d'hommes plus ou moins fiables ou honnêtes. La vie est dure, fantasque et joyeuse aussi dans cette ville, New York, qui fascine autant qu'elle effraie.
L'héroïne croise la route de nombreux immigrés, d'artistes, de vrais auteurs de BD comme Bob Kane, le créateur de Batman, de mafieux, de flics et de danseuses de cabaret dans des décors qui nous rappellent ceux d'Edward Hopper.
Et si l'illusion est magnifique, la réalité est bien vilaine. "Bienvenue dans le monde le plus tordu et le plus impitoyable qui soit : celui des comic books", fait dire Alessandro Tota à l'un de ses personnages.
L'auteur est allé plus loin que l'épopée romanesque. Le succès grandissant des super-héros fait miroiter de superprofits à des éditeurs peu scrupuleux. Il faut produire vite et beaucoup. Les auteurs sont mal considérés et les contrats les privent souvent des droits sur leurs personnages.
Avant d'écrire ce récit, Alessandro Tota s'est documenté sur la genèse de la bande dessinée aux États-Unis. "Sur l'industrie du comic book, tout est vrai dans mon récit. J'ai juste inventé les personnages principaux et changé quelques noms", explique le dessinateur. "Les auteurs de BD formaient le prolétariat de l'art. Ils travaillaient sans compter les heures pour presque rien", poursuit-il.
L'Illusion magnifique n'est pas pour autant une bande dessinée historique. Le récit est romanesque, le scénario bien mené. Les personnages sont attachants, agissant parfois avec panache ou médiocrité. C'est souvent très drôle. Au dessin, Alessandro Tota nous régale, jouant avec les cases, les trames et les couleurs comme autant de clins d'œil aux comics de l'époque. Le récit est prévu en deux tomes. Le premier est déjà un incontournable pour tout amateur de BD.
"L'Illusion magnifique. Livre 1 - New York, 1938". Alessandro Tota / Éditions Gallimard. 30 euros.
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