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Festival d'Angoulême : une journée dans les pas de Riad Sattouf
Auteur de "L'arabe du futur" (Allary Editions), énorme succès en librairie, et récemment des "Cahiers d'Esther", Riad Sattouf est un habitué du festival d'Angoulême. Dédicaces, rencontres, retrouvailles… Une journée à Angoulême dans les pas du dessinateur. Marathon et rigolade au programme.
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"Angoulême c'est le festival de Cannes de la BD avec la bière à la place du champagne !"
Quand je le retrouve en début d'après-midi au bar du Mercure (le QG des auteurs du festival), il vient de débarquer à Angoulême. Veste grise élégante, son badge autour du cou, il est en train de déjeuner avec ses amis Joann Sfar et Mathieu Sapin. Pas de doute, on est bien à Angoulême. Un peu plus tard dans le bar de l’hôtel, Riad Sattouf raconte : "Je viens à Angoulême depuis plus de 10 ans. Depuis que je suis auteur en fait. Certaines années je ne viens pas, parce qu'il faut le savoir, quand on vient à Angoulême, c'est parce qu'on est invité par un éditeur. Avant d'être auteur, je ne venais pas. C'était toute une organisation, venir (de Bretagne), se loger, c'était trop compliqué et trop cher", raconte-t-il. "Je me souviens très bien de la première fois où je suis venu bien sûr", poursuit-il. "C'était avec Delcourt, mon éditeur à l'époque pour "Petit verglas", un album réaliste. J'étais hyper fier. Angoulême c'est quelque chose dans la symbolique de la BD, c'est un peu le festival de Cannes de la BD, l'endroit où l'on rencontre les plus grands, où l'on boit des verres avec eux, le lieu où l'on trouve les exemplaires rares épuisés, les dédicaces, les originaux. C'est hyper bien quand on est jeune et que l'on rêve de devenir auteur."À Angoulême, il court. "Je n'ai pas le temps d'aller voir les expos. Au début, les premières années, j'y allais mais là je n'ai plus le temps." À Angoulême, Riad Sattouf enchaîne rencontres et dédicaces, quelques intermèdes amicaux quand son programme lui laisse un peu de temps. "J'adore les séances de dédicaces. Parce que j'ai des lecteurs. J'ai connu la solitude de l'auteur devant sa pile de bouquins, et que les gens regardent en passant avec l'air de dire 'oh ! J'aimerais pas être à la place de ce type'. Maintenant j'ai des lecteurs, et comme en plus ils sont intelligents, beaux et adorables, j'aime beaucoup ça", sourit-il.
Plus de 50% de mes lecteurs sont des femmes
Sur la polémique qui a agité Angoulême quelques semaines avant l'ouverture, et qu'il a en partie lancée en se retirant de la liste du grand Prix, Riad Sattouf n'a pas envie de se lancer dans de grandes analyses. "C'est juste que quand je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de femme dans la liste où j'étais pour la première fois nominé, je me suis senti ultra mal et totalement illégitime. Parce que des femmes auteures de BD éblouissantes, comme Claire Brétecher, qui est une vraie fondatrice de la BD moderne, n'y étaient pas. Dans les années 70, Brétecher était la seule dans le monde à faire ces BD qui parlaient de problèmes de société, à part Crumb aux États-Unis peut-être. Plein d'auteurs d'aujourd'hui lui doivent énormément, et moi, le premier. Elle fait partie des auteurs qui ont transcendé le genre, comme d'autres, des hommes, mais elle, et d'autres femmes aussi, traduites dans le monde entier, comme Posy Simmonds, qui méritent d'être Grand Prix", explique-t-il."Je ne veux pas me lancer dans des grandes analyses générales, il faut leur demander leur avis à elles, mais moi j'ai eu une réaction personnelle, de me sentir mal d'être dans cette liste tandis que des femmes auteurs que j'idolâtre n'y étaient pas. Sur la parité en BD en général, je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que moi j'ai de la chance, plus de la moitié de mes lecteurs sont des lectrices…"
"Angoulême, c'est quand même le royaume des microbes"
Et la fête à Angoulême ? "Je ne suis pas sûr d'être très représentatif des auteurs à Angoulême", sourit-il. Ah bon pourquoi ? "Parce que j'aime bien me coucher tôt. Au début quand je venais je faisais la fête, et après je tombais malade ! C'est le royaume des microbes Angoulême, c'est connu pour ça. D'ailleurs Trondheim a même fait des pages là-dessus je crois", ajoute-t-il en sortant de sa poche un flacon de désinfectant pour les mains. "Non maintenant je fais plus ça, la fête. Après, il faut 15 jours pour s'en remettre. Je veux pourvoir recommencer à dessiner lundi sans être éreinté", poursuit-il.Pour la photo dans le bar du Mercure, le dessinateur tique un peu. "Avant ici il y avait une déco années 60 c'était marrant j'aimais bien. Là ils ont tout refait genre lounge avec des guirlandes", et il s'amuse à photographier la nouvelle déco (menus sur des bulles, bar lumineux, projections sur les murs).
Mais c'est pas tout ça, il faut y aller. Il a une rencontre à 15 H30.
Rencontre avec le public
Devant le conservatoire d'Angoulême, où a lieu cette rencontre, il y a une longue file d'attente. À l'entrée, plan Vigie Pirate. le vigile ouvre les sacs. Riad Sattouf engage la conversation. Il est comme ça. Il s'intéresse. Le vigile raconte des anecdotes (des histoires de godemichés dans les sacs des dames…). Ça rigole. "C'est le premier dessinateur sympa !", s'exclame le vigile. "Parce que y en a, c'est 'boujour au revoir'et puis c'est tout". Riad Sattouf observe, laisse traîner ses oreilles. On essaie de visualiser ce qu'il pourra en tirer dans ses cases.Juste avant d'entrer sur la scène, il a l'air un peu tendu quand même. Quand on lui demande s'il a le trac : "J'ai toujours une petite appréhension, que quelqu'un se mette à m'insulter ! Ça m'est arrivé une fois lors d'une rencontre autour de mon film 'Les beaux gosses'", confie-t-il avant d'entrer dans l'arène, pleine à craquer.
Mais l'ambiance est ultra détendue. Riad Sattouf revient sur ses débuts, fait rire la salle. Il parle de ceux qui l'ont fait avancer dans le métier, comme le dessinateur Emile Bravo, qui lui a conseillé de ne pas trop se soucier du dessin. "Je voulais devenir un grand dessinateur réaliste. J'étais très complexé par le dessin. Emile Bravo m'a dit 'ça ne sert à rien, c'est puéril, il faut écrire avec la BD. Avancer en même temps le dessin et l'écriture'. Il avait raison. La BD réaliste, si vous n'êtes pas très très fort, ça fait peinture de fête foraine, c'est moche." La salle rigole.
Il raconte aussi sa rencontre avec Guillaume Allary et la BD de reportage, et comment il a fait pour de vrai son "Retour au collège" pour les besoins de son album. "C'était affreux de retrouver le rythme des cours, l'obligation de faire les contrôles qu'à la fin je séchais. Et j'ai fini par complètement laisser tomber", dit-t-il. Il raconte aussi la censure, les coulisses de "La vie secrète des jeunes" (une planche chaque semaine dans Charlie Hebdo). "Pour l'inspiration, je prenais tous les jours la ligne 9, et j'allais dans les fast-food de la place de la Nation. Il y a des lieux comme ça, c'est comme les coins à champignons…"
"C'est touchant, les gens qui attendent des heures pour une dédicace"
Plus tard on le retrouve en dédicace sur le stand de Fluide Glacial. Une file de fans. "Les cahiers d'Esther", "L'arabe du futur" ou "Pascal brutal" ou "Le manuel du puceau" sous le bras (chacun ses goûts). Le dessinateur prend le temps d'engager la conversation, gentil, ou/et curieux, à l’affût d'une bonne histoire. On a l'impression qu'il engrange, toujours au travail, l'air de rien. "La je viens d'apprendre plein de trucs sur la physique des matériaux !", déclare-t-il, tout content. "Il pose des questions sur notre vie, sur notre métier… ", explique Magali, qui lui a fait dédicacer deux livres ("L'arabe du futur" et "Les cahiers d'Esther"). "Je suis technicienne en recherche à l'INRA. Il m'a dit qu'il avait y avait fait un stage d'été quand il était plus jeune, qu'il avait travaillé sur des plantes transgéniques et qu'il avait tout mélangé. Et que ça avait mis un sacré bazar ! C'est sympathique, ces anecdotes, il y a un échange !", raconte Magali, ravie de ce moment partagé avec le dessinateur. "J'aime bien ses BD, c'est un regard sociologique, c'est super intéressant", dit elle.Riad Sattouf prend soin de chacun de ses visiteurs, les questionne, répond à leurs attentes, même les plus incongrues : "Il y a une jeune femme qui est venue avec sa mère, et qui m'a demandé de lui dessiner une femme avec un nez carré et une queue de cheval basse, c'était une dédicace pour une personne qui lui a fait découvrir la BD. J'ai bien fait tout comme elle m'a demandé. 'Plus basse la queue de cheval', elle m'a dit quand le dessin était terminé. C'est touchant ces personnes qui attendent pendant des heures pour une dédicace." Et c'est pour ça qu'il ne dit jamais non. Encore moins quand c'est Franck, le sosie de Pascal Brutal, qui vient lui demander une dédicace.
"Je vais me coucher tôt"
La journée n'est pas terminée. À Angoulême il y aussi la nuit. En début de soirée, on le retrouve dans un café pas loin de son hôtel. Il est en conversation pour un projet d'adaptation d'Esther pour une série d'animation. Autour de lui, ses copains de la maison d'édition L'Association, où il a publié plusieurs livres, notamment "Le manuel du puceau". "La plus grande maison d'édition de la BD", dit-il, "celle qui a révolutionné la bande dessinée en France".Entre boulot et détente, il fait rigoler les filles en racontant sa journée. "Je vais aller me coucher tôt", dit-il. Ça, c'était avant la choucroute. Quelques heures plus tard, la journée s'achève.
"Je vais me coucher tôt", il avait dit.
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