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Angoulême : "L'Amant" de Marguerite Duras présenté dans sa version manga

"L'Amant", de Marguerite Duras, fait partie des classiques de la littérature française. Avec ce roman, elle obtiendra le prix Goncourt en 1984, l'année de sa publication. L'adaptation de cette œuvre par la mangaka Kan Takahama, aux éditions Rue de Sèvres, permet de l'aborder de façon différente. Rencontre avec l'autrice.

Article rédigé par Laetitia de Germon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'AMANT (Crédits : © Kan Takahama / Rue de Sèvres)

L'un des grands classiques de la littérature française existe désormais en bande dessinée. A travers des illustrations délicates, on découvre dans cette version de "L'Amant" un personnage, identique à celui de Marguerite Duras, à la fois attachant, mais presque inaccessible de par sa volonté d’indépendance.

L'autrice Kan Takahama, qui présentera ce manga au Festival d'Angoulême 2020, a découvert L'Amant à l'adolescence un peu par hasard. "Il était très différent des livres mis en avant dans la bibliothèque scolaire." Le roman l'a tout de suite marquée. "Il m'a plongé dans une sorte de tristesse, de mélancolie", et elle s'y retrouve un peu. "Ma mère, comme celle de Marguerite Duras , était enseignante (professeure d’art), divorcée, sévère, et attendait beaucoup de moi et de mon frère sur le plan scolaire", explique Kan Takahama. "Plus tard, j'ai eu une période d'alcoolisme dans ma vie et à ce moment-là des impressions que j'avais eues en lisant 'L'Amant' me sont revenues, et j'ai mieux compris tout un tas de choses."

Tout l'univers de Marguerite Duras comme source d'inspiration

Dans cette autofiction, Marguerite Duras raconte son adolescence et sa première expérience sexuelle. À l'époque, elle a 15 ans. Elle vit en Indochine, avec sa mère, veuve, et ses deux frères. Pensionnaire dans un lycée pour étudier les mathématiques, elle rêve de devenir écrivain. Alors qu'elle attend le bac pour traverser le fleuve, qui sépare son lycée de sa pension, elle croise un riche Chinois. C'est le début d'une relation ambiguë entre l’homme et la jeune fille. Pendant un an et demi, ils se voient régulièrement. Bien que mature, l'héroïne va devoir affronter la honte, la peur, la jalousie.

L'AMANT (© Kan Takahama / Rue de Sèvres)

Adapter Marguerite Duras n'est pas une chose aisée, mais Kan Takahama n'a pas eu d'appréhension en s'attaquant à L'Amant. "C'est plutôt après avoir dessiné le livre que j'ai commencé à m'inquiéter de la manière dont il serait perçu, accepté. Maintenant, (qu'il est sorti) je vais mieux."

La mangaka explique que "certains romans sont tellement écrits qu’il n’y a pas de place pour le dessin, pour l’imaginaire ; le dessinateur ne peut s’immiscer nulle part.

L’écriture de Duras laisse la possibilité au lecteur, au dessinateur, de se projeter entre les mots, entre les lignes. Dessiner la narratrice-héroïne la rend visible aux yeux du lecteur.

Kan Takahama

à franceinfo

Pour adapter le roman de Marguerite Duras, elle s'est basée sur "l'œuvre originale". Elle a aussi "lu ses autres romans (Un barrage contre le Pacifique, L'Amant de la Chine du Nord). C'est aussi tout cet univers qu'elle a intégré à l'adaptation de L'Amant. Pour les personnages, "Marguerite Duras donne des détails, notamment vestimentaires. Donc, on peut dessiner d'après ce qu'elle décrit. Mais en faisant cela on risque de se retrouver très proche du film de Jean-Jacques Annaud", ce que ne voulait pas Kan Takahama. Elle a donc "cherché des documents photographiques" sur lesquels elle s'est basée "pour créer (ses) propres personnages." La mangaka s'est même rendue au Vietnam pour trouver "des impressions, des ambiances qui (lui) permettraient de rentrer davantage dans les pas de l'auteur et du personnage du roman."

L'AMANT (© Kan Takahama / Rue de Sèvres)

"L'amour est un sujet universel"

Les scènes de sexe ne sont pas éludées, mais ne sont pas majoritaires. Un choix volontaire. "Je n'ai pas eu le sentiment qu'il était nécessaire d'insister fortement sur les scènes érotiques. Il y avait d'autres choses dans le roman. J'ai l'impression que Duras cache quelque chose de la sexualité derrière les mots. Le fait qu'elle l'aimait. J'ai l'impression que dans la réalité on peut imaginer ce genre d'amour que l'on se cache."

L'Amant traverse le temps sans se démoder. "L'amour est un sujet universel. Le livre permet à tout le monde de s'y retrouver. Quand on est jeune cela peut paraître simple, mais quand on prend de l'âge on pense au mariage, ou à une relation qui doit s'installer et il peut y avoir en face une personne qui n'est pas prête à recevoir ce genre d'amour ou à l'accepter. C'est tout ça que raconte Marguerite Duras."

Curiosité, détermination, tristesse, désenchantement, tous ses sentiments sont exprimés à travers le regard que l’autrice donne à sa Marguerite Duras. Les décors et paysages du Vietnam de l'époque sont restitués dans une palette de couleurs douces. Le manga s’ouvre et se conclut sur une touche de mélancolie, avec une Marguerite Duras vieillissante.

Kan Takahama sera présente au Festival de la bande dessinée d'Angoulême où elle participera à une table ronde sur les adaptations de littérature en manga, le dimanche 2 février, de 15h40 à 16h40. Elle participera également à plusieurs séances de dédicaces durant le Festival.

L'interview de Kan Takahama pour son adaptation de l'Amant, par Laetitia de Germon

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