Festival de la BD d’Angoulême : "L'avantage d'une exposition comme celle-là, c'est qu'il y a plein de portes d'entrées possibles et différentes dans mon œuvre", se réjouit Nine Antico
A 43 ans, Nine Antico semble goûter une reconnaissance plus importante, avec cette exposition dans le cadre du Festival, et après une année 2023 marquée par sa nouvelle BD Madones et putains, considérées comme l'un des meilleures de ces derniers mois.
Alerte et en forme dans le bel hôtel Saint-Simon d'Angoulême, qu'elle a investi de son oeuvre pour quatre jours, elle s'inquiète de savoir si ses parents, venus lui rendre visite, vont pouvoir entrer dans le bâtiment avant de nous consacrer quelques minutes.
Franceinfo : Se retrouver comme ça, exposée de son vivant, ça vous procure un sentiment d'émotion, de fierté, de trac... Ou un peu tout à la fois ?
Nine Antico : J'ai l'adrénaline au max ! J'ai eu un peu du mal à dormir, à redescendre. Il se passe quelque chose avec cette exposition, qui est déjà un grand privilège ici à Angoulême. Voir des gens de tous âges, tout type de public, faire la queue... Évidemment, c'est galvanisant. Les commissaires de l'exposition et les scénographes, qui connaissaient très bien mon travail, ont organisé les thématiques et l'alternance entre couleurs et noir et blanc. On a avancé ensemble, mais on savait qu'on ne voulait pas une exposition que de planches, parce que quand moi-même je parcours une exposition BD, je trouve qu'on a du mal à se concentrer s'il y en a trop.
Est-ce qu'une pièce de cette exposition vous touche plus particulièrement ?
Clairement mes fanzines, ces carnets de cette période quand je dessinais compulsivement et de manière presque boulimique tout ce que j'aimais, et que, petit à petit, ça commençait à toucher des gens et attirer l'attention. Il y a vraiment cet échange-là dans le dessin, les gens regardent et commentent et ça aide à continuer, comme un enfant qu'on encourage à dessiner lorsqu'on l'entoure. Je dessinais en soirées, dans les concerts, et les gens étaient autour de mon dessin, je me sentais comme une photographe, et je viens de là, de ce dessin rapide.
Cette semaine, la réalisatrice Justine Triet confiait à franceinfo que le moment le plus beau et émouvant pour un artiste était quand son oeuvre lui échappait et que les autres se l'appropriaient. Vous vivez aussi ce genre de choses ?
Oui, mais c'est récent. Je l'ai un peu vécu avec mon film Playlist (2021), et c'est vrai que maintenant j'ai un public un peu plus large. Venant de la bande dessinée alternative, du noir et blanc, quelque chose de peut-être rébarbatif, j'avais une communauté. Mais l'avantage d'une exposition comme celle-là, c'est qu'il y a plein de portes d'entrées possibles et différentes dans mon œuvre, peut-être plus pop, et je suis frappée par l'éclectisme des gens qui sont autour de nous pour venir la visiter. Mais je ne peux pas vraiment me plaindre sachant que, dès le début, la presse m'a soutenue, et que je continue à publier les choses que je veux faire. Ma trajectoire a finalement été plutôt simple.
Posy Simmonds, Grand Prix de ce festival 2024, dit qu'elle est heureuse d'avoir infiltré un "boys club" et un milieu de la BD qui serait très, trop, masculin. Vous qui publiez des choses traitant beaucoup de la féminité et du regard des hommes, avez-vous eu à affronter ce contexte ?
Je pense qu'il y avait une ingénuité totale de ma part, arrivant dans ce milieu par le biais de l'art alternatif, et c'est finalement maintenant que je réalise certaines choses, en suivant le rythme de la société elle-même qui questionne et réfléchit ce genre de choses. On se dit qu'il n'y avait pas beaucoup d'autrices avant, en effet, alors que les femmes étaient là, existaient, et avaient bien sûr des choses à dire. Je pense que c'était compliqué avant pour certaines de perdurer, de s'autoriser à être artistes, sans même parler d'être reconnues. Oui, aujourd'hui, j'en suis beaucoup plus consciente, mais je n'y pensais pas quand j'ai débuté.
Exposition "Nine Antico, chambre avec vue" dans le cadre du 51e Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, à voir jusqu'au dimanche 28 janvier.
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