Et si les héros de BD se présentaient à l’élection présidentielle ? Le candidat Astérix

Astérix est un héros bien gaulois qui a surmonté moult épreuves et traversé bien des crises. Invaincu dans la guerre des Gaules, il a fait plier César. Ancien champion olympique, il est reconnu à l’international avec ses aventures traduites en 116 langues ou dialectes. Astérix semble bien avoir toutes ses chances pour cette nouvelle aventure qui le mènerait au sommet de la République. J’ai posé la question à un grand spécialiste du petit Gaulois à moustache, Philippe Durant. Il est l’auteur du "Dictionnaire insolite d’Astérix" paru l’année dernière aux éditions Nouveau monde graphic.

Si Astérix se présentait à l’élection présidentielle, il aurait une chance d’être élu ?

Philippe Durant : Astérix a une cote de popularité gigantesque. Chaque album se vend à plus d’un million d’exemplaires. C’est le héros le plus populaire de la bande dessinée en France. Ce sont des avantages certains quand on se présente à une élection. Mais je ne suis pas certain qu’il a envie de devenir chef ou président.

Astérix ne veut pas du pouvoir ?

P. Durant : Il a conscience des inconvénients d’être un chef. Essuyer les critiques, écouter les mécontents, passer beaucoup de temps dans d’interminables discussions. Il a constaté tout cela avec Abraracourcix, le chef du village qui est d’ailleurs lui-même élu à cette fonction. Non, Astérix aime trop sa liberté. Il est indépendant. La place de président ne lui conviendrait pas mais ce serait, il est vrai, quand même un bon candidat.

Un bon candidat, pour quelles raisons ?

P. Durant : Parce qu’il défend son village tout en restant très ouvert aux autres. On a souvent présenté Astérix comme chauvin, replié sur sa culture. Mais c’est une mauvaise lecture de l’œuvre de Goscinny et d’Uderzo. Dans ses aventures, Astérix est allé très souvent à la rencontre d’autres peuples. Et dans d’autres, le récit tourne autour de l’accueil d’un étranger au village. Le scénariste Goscinny est issu d’une famille juive immigrée et le dessinateur Uderzo est né Italien avant d’être naturalisé Français. Ni eux, ni les héros qu’ils ont créés ne portent des valeurs de replis identitaires.

Précisément, quelles sont les valeurs d’Astérix ?

P. Durant : Les vraies valeurs d’Astérix sont la générosité, la confiance et l’amitié. Après, si vous trahissez sa confiance, ça se passe mal. Il peut y avoir des répercussions musclées à cette trahison. C’est son tropisme pour la défense des siens qui prend alors le dessus. Pour l’amitié, ce n’est pas vraiment une valeur qui existe en politique. Mais si quelqu’un, et pourquoi pas Astérix, la rapporte dans le monde politique, ce serait bien, non ?

L’amitié comme programme d’accord mais ils se donnent parfois de sacrées baffes pour des motifs ridicules comme ces histoires de poissons pas frais… 

P. Durant : C’est un défoulement collectif mais ils finissent toujours pas se réconcilier. Ils n’ont pas forcément la même opinion sur tout mais à la fin, ils s’embrassent tous et ils restent solidaires. On se serre les coudes au village. Même Assurancetourix, le barde qui chante affreusement faux, n’est pas méprisé. C’est cette solidarité qui leur permet d’accueillir les autres et de découvrir de nouvelles civilisations. 

Ouverture aux autres, générosité, confiance, ça se rapproche d’une sociale-démocratie à la gauloise. Vous verriez qui comme premier ministre, Obélix ?

P. Durant : Non pas Obélix mais il y a un personnage qui aurait toute sa place auprès du président Astérix. Le druide serait un excellent conseiller spécial. Panoramix est cultivé, posé, réfléchi, en retrait de l’agitation du village. Il pourrait jouer un rôle important. Comme Premier ministre, je verrais plus Bonnemine, la femme du chef du village qu’elle surnomme cochonnet dans l’intimité. Le pouvoir, elle aime ça en plus. Bonnemine l’a déjà pris dans l’album "La Rose et le Glaive". C’est une femme de conviction. Avec elle, les choses bougeraient, ça marcherait vite.