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"Les Amants d’Hérouville" : l’épopée du compositeur Michel Magne dans un roman graphique intense

Compositeur de 80 musiques de films, créateur avant-gardiste, fondateur du mythique studio d’Hérouville, Michel Magne se suicidait en 1984, amoureux à l’excès et perclus de dettes. Son histoire, récit joyeux et tragique des années 1970, fait l'objet d'un roman graphique signé Le Quellec et Ronzeau.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Première de couverture du roman graphique "Les Amants D'Hérouville - Une histoire vraie" de Yann Le Quellec et Romain Ronzeau (Détail).  (ROMAIN RONZEAU / DELCOURT)

Roman graphique, Les Amants d’Hérouville (Editions Delcourt) revient sur la vie de Michel Magne, compositeur de 80 musiques de films, créateur avant-gardiste, et fondateur du mythique studio d’Hérouville (Val-d’Oise). Il se suicidait en 1984, amoureux et perclus de dettes. Yann Le Quellec au scénario et Romain Ronzeau au dessin signent un récit joyeux et tragique des années 70. Une histoire vraie, comme le souligne le sous-titre de cette biographie documentée, qui témoigne d'une parenthèse enchantée, tuée par l'argent roi.

Grandeur et décadence

1962 : musicien, compositeur en plein essor, Michel Magne achète et rénove avec son ami Jean-Claude Dragomir le château d’Hérouville. Deux ans plus tard, le tout Paris du cinéma, de la musique et des arts défile autour de la piscine pour des fêtes inoubliables. Mort dans un accident de voiture en 1965, Jean-Claude Dragomir laisse seul Magne propriétaire. En 1969, le compositeur perd toute son œuvre dans l’incendie d’une aile du château. Il se relève en créant un studio high-tech qui va accueillir Elton John, David Bowie, Pink Floyd, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell ou Jacques Higelin, en résidence, avec Dominique Blanc-Francard à la console. Les fêtes s’enchaînent, l’amour fuse entre un Michel fantasque et Marie-Claude rencontrée sur la route, qui deviendra sa femme. Puis les ennuis s’accumulent : dépensant sans compter, Michel s’endette dangereusement, le studio est vendu, l’amour s’effrite, et la parenthèse enchantée se referme.

Une double-page du roman graphique de Yann Le Quellec et Romain Ronzeau "Les Amants d'Hérouville - Une histoire vraie". (YANN LE QUELLEC ET ROMAIN RONZEAU : DELCOURT)

Sobre et dynamique, le dessin de Romain Ronzeau exprime l’énergie du compositeur, alors que le récit de Yann Le Quellec traduit les débordements dont était coutumier Michel Magne. Dans sa créativité, sa générosité, ses enthousiasmes, il pouvait aller jusqu’à la mégalomanie et souffrait d'un amour possessif. Cet artiste, mal accueilli par la critique, était un novateur qui expérimenta les sons électroniques dès les années 1950, et qui se lança dans des recherches atonales nouvelles. Il a composé des musiques de films culte tels que Les Tontons flingueurs, ou les Angélique, et a managé l’enregistrement d’artistes majeurs dans des conditions inédites en France. Peintre, Magne a aussi créé une œuvre plastique foisonnante et mal connue, où la musique est en première ligne. Une histoire oubliée et passionnante, où la créativité le disputait à un esprit libertaire pop et acide.

Borderline

La bande dessinée est enrichie d’encarts documentaires qui rassemblent des coupures de presse, des photos personnelles, des dessins, et des témoignages qui donnent la densité d’un scrapbook à l’ouvrage. Sa veuve et mère de deux enfants, Marie-Claude Calvet, a largement contribué à cette évocation envoûtante de Michel Magne. Elle apporte sa vision du musicien et de l’homme, comme observatrice et actrice de cette aventure unique dans le paysage culturel français.

Emane de ce récit l’image d’un artiste constamment "borderline". Il est habité d’une créativité, d’une énergie et d’un enthousiasme sans faille dans l’adversité devant faire face à la perte de son ami Jean-Claude Dragomir, à la destruction de l’intégralité de ses partitions et enregistrements, et à la déroute financière. Après une période faste entre 1960 et 1975, la mort rôdait autour de cet être solaire, jusqu’à le rattraper le 19 décembre 1984, suite à une surdose de barbituriques dans une chambre d’hôtel anonyme. Le terme d’une vie brûlée par tous les bouts.

Première de couverture du roman graphique "Les Amants D'Hérouville - Une histoire vraie" de Yann Le Quellec et Romain Ronzeau. (ROMAIN RONZEAU / DELCOURT)

Les Amants d'Hérouville - Une histoire vraie de Yann Le Quellec et Romain Ronzeau, Editions Delcourt / Mirages

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