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"Les Gardiens de la galaxie" : comment Marvel a créé la saga la plus cool de l'univers avec un raton laveur et un Walkman

Le "volume 2" de la saga intergalactique de Marvel sort mercredi en France. Et il est aussi fun et décomplexé que le premier volet des aventures de Star-Lord et sa bande.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Racoon Rocket et Baby Groot, les héros des "Gardiens de la galaxie : volume 2". (MARVEL)

Il y a les films où les spectateurs ne desserrent pas les mâchoires, comme les héros à l'écran, occupés à régler des conflits intergalactiques en slip moulant. Et il y a les popcorn movies qui s'assument, où l'histoire est un prétexte pour retrouver des personnages hauts en couleurs. Sorti en 2014 dans les salles obscures, le premier opus des Gardiens de la galaxie avait dépoussiéré le genre et rapporté au passage 770 millions de dollars de recettes dans le monde. Les Gardiens de la galaxie vol. 2 débarque sur les écrans mercredi 26 avril et confirme que Marvel a trouvé la recette de la potion magique du film cool. En voici les grandes lignes.

Te renouveler tu oseras

La genèse des Gardiens de la galaxie remonte à 2009, quand Marvel, l'éditeur de bandes dessinées devenu une machine à cash cinématographique, a initié son "Marvel Writing Program". Une douzaine de jeunes scénaristes se sont vus confier, durant quelques mois, des séries secondaires du tentaculaire univers Marvel, avec l'idée de défricher de nouvelles pistes de développement.

Une certaine Nicole Perlman se coltine Les Gardiens de la galaxie, un comic book oublié lancé dans les années 1960 que Marvel hésite à arrêter. Elle produit un script très novateur – qui sera ensuite totalement réécrit par James Gunn, le réalisateur – mais lance les bases d'un virage à 180° : fini les héros dotés de super-pouvoirs parce qu'ils ont été mordus par une araignée radioactive, et bienvenue à une flopée d'antihéros improbables.

En 2012, les studios Marvel, fraîchement rachetés par Disney, décident de communiquer sur ces personnages perçus comme les moins bankable par le service marketing : le raton laveur Racoon Rocket (imposé par James Gunn, qui a un raton laveur de compagnie dans le civil) et l'arbre Groot et son unique répartie "I Am Groot" répétée ad nauseam.

Kevin Feige, le grand patron des studios, qui préfère avoir une casquette vissée sur le crâne qu'un costume cravate, se souvient dans le livre The Marvel Studios Phenomenon de l'excitation du lancement : "Quand nous avons lancé le premier Iron Man, l'accueil était assez frais. Pourquoi les gens iraient voir un film avec un personnage dont ils n'ont jamais entendu parler ? Avec les Gardiens, c'était excitant de se retrouver dans la même position."

Depuis, Nicole Perlman s'occupe de tous les nouveaux héros Marvel moins connus du grand public pour les adapter sur grand écran comme la Veuve noire et Captain Marvel, en plus d'un biopic de Neil Armstrong et d'un coup main au script du troisième Sherlock Holmes incarné par Robert Downey Jr.

Masqué tu avanceras

Vu la surprise de la presse spécialisée, qui avait expliqué par A+B que le film n'allait pas marcher, alors que chez Marvel on mettait en avant le risque pris en lançant ce film sans tête d'affiche (à l'époque Chris Pratt n'était pas encore la star qu'il est devenu), on dirait presque que le premier volet des Gardiens de la galaxie a été réalisé avec des bouts de ficelle sans grand espoir de rentrer dans ses frais.

La réalité est toute autre : le film disposait d'un confortable budget de 170 millions de dollars – autant que Captain America, le soldat de l'hiver, sorti quelques mois plus tôt – mais aussi du puissant service de communication de Disney pour la promotion et de 4 000 écrans à sa sortie aux Etats-Unis, en plein mois d'août. Une période considérée naguère comme sinistrée pour le neuvième art mais qui depuis Les Dents de la mer est devenue le moment idéal pour lancer une grosse production.

Aujourd'hui, les blockbusters se disputent ces dates stratégiques. Pirates des Caraïbes, Mission : impossible - Rogue Nation, The Expendables 3 sont, entre autres, sortis en plein cœur de l'été.

Les codes du genre tu briseras

Star Wars, Le Seigneur des anneaux, Matrix... Tous reposent sur un même canevas, isolé par Joseph Campbell dans Le Héros aux mille visages, un essai sur les mythes depuis L'Illiade. "Les Gardiens ne doivent pas être vus uniquement comme une parodie des utilisations des travaux de Campbell, mais comme une réaction à la sur-utilisation, l'usure voire même la cassure du monomythe aujourd'hui", écrit l'universitaire spécialiste des comics A. David Lewis sur le site The Conversation. Les Gardiens de la galaxie mettent ainsi en scène des héros imprévisibles, pour en finir avec ces élus-qui-se-montrent-à-la-hauteur-de-leur-destin trop linéaires. En témoigne la scène où le héros Star-Lord (joué par Chris Pratt) demande à ses compagnons : "Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Quelque chose de bien ? Quelque chose de mal ? Un peu des deux !" 

"Je trouve que la plupart des films à grand spectacle sont devenus très ennuyeux", argumente sur la NPR le réalisateur James Gunn (qui a sans doute égratigné quelques egos chez Marvel en prononçant cette phrase). "La tendance est de faire des films sombres, sinistres même, au point que ça en devient pathétique..." Un autre film décomplexé s'est engouffré dans la brèche ouverte par Les Gardiens de la galaxie. Kingsman : services secrets, sorti lui ausi en 2014, a dynamité un autre genre cinématographique : le film d'espionnage, corseté depuis des décennies par James Bond et Jason Bourne. Le réalisateur Matthew Vaughn a confié à Entertainment Weekly que Les Gardiens de la galaxie étaient "le Rubicon qui a permis le retour des films d'action rigolos".

Aux années 1980 référence tu feras

De la même façon que George Lucas avait ciblé les jeunes avec le premier Star Wars, Les Gardiens de la galaxie jouent à fond la carte de la madeleine de Proust auprès du public qui a grandi dans les années 1980. Les deux opus de la saga sont ainsi rythmés par une bande-son omniprésente imprégnée par cette époque. Le héros, lui, ne se déplace jamais sans son Walkman, ultime souvenir donné par sa défunte maman. Film générationnel, Les Gardiens de la galaxie ? La BO du premier volume s'est écoulée à 2 300 exemplaires... sur cassette. Elle est même arrivée en deuxième position des charts sur ce support vintage cette année-là aux Etats-Unis, s'amuse le magazine Rolling Stone.

Les appels du pied à la génération qui a été biberonnée par MacGyver et sa nuque longue ne s'arrêtent pas là : une blague sur la comédie musicale Footlose dans le premier Gardiens, une vacherie sur David Hasselhoff et K-2000 dans le second, sans oublier la présence de Kurt Russell et Sylvester Stalone, héros icôniques de Tango & Cash... L'interprète de Rambo a même estimé que "les films de super-héros constituent la nouvelle mythologie de cette génération".

De "Star Wars" tu t'inspireras

Au moment où Luke Skywalker reprend du service, il est tentant de comparer les deux sagas, qui sont toutes deux des space opera. Le (redouté) chroniqueur du Los Angeles Times, Kenneth Turan, assure d'ailleurs retrouver l'esprit de la Guerre des étoiles dans le "faussement négligé Gardiens de la galaxie". Gene Del Vecchio, auteur du livre Creating Blockbusters, affirme dans le HuffPost que Les Gardiens de la galaxie sont "le Star Wars de la nouvelle génération".

De fait, les deux histoires évoquent un héros à la recherche de ses parents, bénéficient d'un personnage au langage quasi incompréhensible, des extraterrestres et un méchant au visage crevassé assis sur un trône. "C'est ma version de Star Wars, assume James Gunn dans une interview au site Den of Geek (en anglais). C'est la perspective de pouvoir faire un film comme ça qui m'a fait monter à bord du projet."

Des internautes se sont amusés à réaliser des bande-annonces des Gardiens de la galaxie à la façon de celles de Star Wars, et inversement, pour un résultat bluffant.

Le développement des deux franchises va suivre le même chemin : James Gunn a indiqué que les aventures de Star-Lord et sa bande seraient clotûrées en une trilogie, avant de développer d'autres personnages de l'univers. Précisément ce qu'a commencé à faire Star Wars avec son spin-off Rogue One ou le prochain film, qui se concentrera sur la jeunesse de Han Solo.

Il faut s'attendre à voir de nouvelles productions Marvel de ce genre déferler sur les écrans dans quelques années : le studio a en effet relancé son "Writer Program" il y a peu...

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