Mangas : dans notre sélection d'octobre, les droits des femmes dans le monde, la place des artistes, les NEET et de l'action cyberpunk et surnaturelle

La rédaction de franceinfo vous recommande "Le monde dans leurs yeux", "Neeting Life", "Kore kaite shine", "Tokyo Mystery Café", "Tank Chair" et "Gokurakugai".
Article rédigé par Laetitia de Germon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
La sélection manga d'octobre (© Vega-Dupuis, © Panini, © Ki-oon, © Kana, © Pika, © Dupuis)

Notre sélection d'octobre aborde les droits des femmes dans le monde, s'intéresse aux conséquences de l’isolement à travers un NEET (ni en études, ni en emploi, ni en formation), se penche sur la vie d'artiste et sur les difficultés pour percer, notamment à travers une enquête policière. Pour finir, deux titres un peu violents, loufoques, dans des univers cyberpunk et surnaturel.

Le monde dans leurs yeux, de Ebine Yamaji, chez Vega - Dupuis

Le monde dans leurs yeux (© by Ebine YAMAJI / Enterbrain / Vega-Dupuis)

De l'Arabie saoudite au Maroc, en passant par le Japon, ce manga s’intéresse aux droits des femmes dans le monde.

Dans ce recueil de cinq histoires indépendantes, l'autrice met en évidence les différences culturelles entre cinq jeunes filles et les difficultés auxquelles elles doivent faire face dans leur pays respectif : le Japon, le Maroc, l’Arabie saoudite, l’Afghanistan et l’Inde. L'occasion d'observer les sociétés patriarcales, parfois très oppressives, dans lesquelles elles vivent. Mariages forcés, éducation au rabais, poids des traditions,... Toutes vont devoir faire face à de nombreuses barrières et à des préjugés les empêchant de vivre comme elles le voudraient.

Autant de sujets abordés avec une certaine pudeur, dans un style graphique épuré et doux. Un titre engagé qui a décroché le prix Culturel Osamu Tezuka 2023.

Neeting Life, de Tetsuya Tsutsui, chez Ki-oon

Neeting life (© by Tetsuya TSUTSUI / Ki-oon)

Tetsuya Tsutsui, l’auteur emblématique des éditions Ki-Oon, revient avec un titre sociétal et percutant dans lequel il pointe les conséquences de l’isolement et la pression des systèmes modernes.

En pleine pandémie, les Japonais sont invités à rester confinés. Pour beaucoup, c’est une épreuve difficile, mais pour Kentaro Komori, modeste employé d’une petite entreprise, c’est l’occasion rêvée de réaliser un plan de longue date : passer le reste de sa vie sans sortir de chez lui et devenir un vrai NEET : sans emploi, études, ni formation, et surtout sans comptes à rendre à quiconque. Pour prendre sa retraite anticipée et se retirer du monde, il a économisé et établi un plan au yen près… 
Après avoir transformé son studio, sans voisinage, en cocon, il peut enfin lire, regarder des films ou écouter de la musique à volonté ! Alors qu’il pense pouvoir passer au moins deux décennies de tranquillité, un inconnu tente de s’introduire chez lui. Va-t-il vraiment échapper aux dangers du monde extérieur ?

Un titre au ton légèrement décalé, parfois drôle, dans lequel il critique, sans être moralisateur, la société et ses dérives. Le mangaka met en avant toutes les problématiques d’un tel mode de vie et les facilités offertes par le "tout en ligne", mais aussi les dérives que cela entraîne. À cela, s’ajoute une intrigue qui s’installe progressivement et nous tient en haleine.

Kore kaite shine, de Minoru Toyoda, chez Panini manga

Kore Kaite Shine (© by TOYODA Minoru / Shôgakukan / Panini)

Kore Kaite Shine explore avec justesse le cheminement de la création dans une ambiance scolaire, insulaire et drôle. Cette série a été récompensée au Japon.

Ai Yasumi habite Izuoujima sur une petite île située au sud de Tokyo. Passionnée de manga, la lycéenne prend conscience, à la suite d'un évènement, que la lectrice qu'elle est pourrait devenir mangaka. Une vocation naît en elle, un besoin impérieux de raconter ses histoires, mais est-ce que sa volonté et sa détermination seront suffisantes pour se faire une place dans ce milieu ?

Le mangaka Minoru Toyoda aborde le sujet avec passion, mais en ayant un ton frais et des héroïnes hautes en couleurs et très attachantes. Si les débuts s’annoncent compliqués pour Ai Yasumi, elle ne se laisse pas abattre et arrive à transmettre tout son amour de la lecture avec ses créations maladroites. On suit avec plaisir l’évolution de la lycéenne dans son parcours pour devenir mangaka. Un premier tome rafraîchissant.

Tokyo Mystery Café, Tome 1 - La disparue d'Akiba, Atelier Sento, chez Dupuis

Tokyo Mystery Café (© Dupuis)

Une série d'enquêtes à Tokyo qui nous donnent l’occasion de parcourir la capitale, de s’imprégner d’une atmosphère, et de mener une réflexion sur la place des artistes à l’heure de l’intelligence artificielle.

Tout juste arrivé au Japon, Nahel, aspirant mangaka, est déboussolé par sa découverte de Tokyo. S'il a aisément trouvé un logement, intégrer un atelier d'auteur ou une maison d'édition lui apparaît vite comme un défi insurmontable. Et lorsque sa mystérieuse voisine se fait enlever et qu'il est lui-même pris en chasse, il va découvrir un tout autre aspect de la capitale nippone. Ses mésaventures vont l'amener à rencontrer Soba, une jeune collégienne un peu en marge et un étonnant patron qui offre à celui qui pousse la porte de son restaurant les meilleurs plats nippons et ses services de détective...

Malgré lui, il va partir à la recherche de l'inconnue disparue. Mais la découverte de la véritable identité de la victime va plonger Nahel et ses nouveaux amis dans un univers impitoyable dont ils ne soupçonnaient pas l'existence.

Le dessin, tout en aquarelle, donne un aspect très réaliste et se rapproche presque d’un carnet de voyage. Les tons collent parfaitement aux différentes ambiances et moments de l’histoire.

Les évènements s'enchaînent, le rythme est rapide, haletant un peu comme une course dans laquelle on se lance avec plaisir. Les auteurs abordent la place des robots et de l'intelligence artificielle et les risques qu'ils représentent. L’album se termine par un dossier-reportage sur Tokyo qui permet d'aller plus loin dans la compréhension d'un monde dans lequel les robots ont déjà toute leur place.

Tank Chair, de Manabu Yashiro, chez Kana

Tank Chair (© by Manabu YASHIRO / Kôdansha / Kana)

Bienvenue dans un univers inspiré du mouvement cyberpunk, où la morale n’existe pas, où les personnages sont totalement loufoques et où la violence est monnaie courante. À cela s’ajoute un héros particulier, puisqu’il est en fauteuil roulant, mais ce dernier réserve quelques surprises.

Nagi Taira était le meilleur des tueurs à gages, mais il est plongé dans un état végétatif depuis le jour où il a reçu une balle dans la tête pour protéger sa petite sœur Shizuka. Le seul moment où il reprend temporairement conscience c’est lorsqu’une pulsion meurtrière est dirigée vers lui.
Afin de lui faire retrouver son état normal, sa sœur Shizuka va volontairement l'envoyer sur des missions suicides ou faire appel aux pires assassins pour qu'ils tentent de tuer son frère. Elle espère ainsi déclencher chez lui un stimuli assez puissant pour qu'il reprenne conscience de façon définitive.

Les personnages sont très stylisés : des hommes-gorilles, une fillette parasitée par un poulpe,..., et des postures de combat incroyables. Le fauteuil roulant va s’avérer être une arme redoutable, aux évolutions multiples. C’est un véritable tank faisant écho au titre de l’œuvre Tank Chair.
Les décors sont très détaillés, le découpage est ultra-nerveux, et l'univers s'enrichit à chaque chapitre. L’auteur s’attarde sur le côté psychologique des personnages, ce qui en fait un peu plus qu’un manga d’action.

Gokurakugai, de Yuto Sano, chez Pika

Gokurakugai (© by Yûto SANO / Shûeisha / Pika)

Dans ce shônen captivant, chaque chapitre révèle de nouvelles affaires palpitantes et l’intrigue se met rapidement en place avec des personnages secondaires qui prêtent main-forte aux protagonistes mais également avec l’apparition rapide d’une organisation obscure aux desseins douteux qui semble être responsables de la pullulation de Maga dans le quartier…

Animé, coloré, saturé d’odeurs de plats savoureux, Gokurakugai a tout du quartier populaire par excellence ! Du moins… en apparence. Car les différentes populations qui s’y croisent et la nature de leurs activités en font davantage une zone de non-droit. Quand le ciel s’assombrit, que les lumières des rues déclinent, Gokurakugai dévoile un côté obscur et hostile envers ses habitants. Face au danger, seul le “bureau des résolutions”, tenu par Tao & Alma, peut vous prêter secours ! Cette fois, leur mission consiste à aider un jeune garçon à retrouver son ami disparu. Tout porte à croire que cette affaire est liée à la multiplication de cadavres d’animaux sauvagement massacrés dans le quartier…

Les chapitres s'enchaînent et avec eux les affaires. C’est certes violent, mais pas seulement car le récit alterne entre actions et moments plus calmes. Ces derniers nous permettent d’en savoir plus sur l’univers, les créatures effrayantes qui s’y trouvent et les enjeux des personnages. Les paysages des quartiers fictifs sont très détaillés et vivants.

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