Notre sélection mangas d'avril : la vie avec un masque, rêve d'enfance, bouddhisme et fresque guerrière
Avec New Normal, vous verrez comment le masque change le regard sur les autres, Boken shonen nous montre qu'il ne faut pas renoncer à ses rêves d'enfant. Si le bouddhisme vous intéresse, Ikkyu est fait pour vous. Enfin, Shut Hell nous propose une fresque historique, guerrière, captivante.
New Normal, de Akito Aihara, chez Kana, 12 ans et plus
Et si le port du masque devenait la nouvelle norme ? Quel rapport la jeune génération aurait-elle avec la partie cachée de nos visages ? La bouche deviendrait-elle un objet de fantasme ?
Après une pandémie dévastatrice, l’humanité toute entière est contrainte de porter un masque quotidiennement. Voir le bas du visage de quelqu'un est exceptionnel. Hata, un jeune lycéen, va par hasard, apercevoir la bouche de sa camarade Natsuki. Après un moment de gêne, Natsuki, qui éprouve une certaine fascination pour le monde d’avant, va se rapprocher de Hata pour assouvir sa curiosité et tenter de partager des moments comme il en existait avant la pandémie.
Le dessin fin et délicat des visages et les expressions mettent en avant l'importance des émotions et transforment presque en trésor ce que l'on ne peut pas voir. On partage avec les personnages l'envie de découvrir ce que cache le masque. Lorsqu'il tombe, on a l’impression de voir quelque chose d’interdit, parfois d'extrêmement sensuel, alors que ce n’est qu’une bouche. Ici, les regards, les odeurs, les repas, n'ont rien de banal.
Au-delà de la romance, ce manga nous interroge sur ce que nous avons vécu ces dernières années, sur le monde qui nous entoure, le mode de vie des jeunes et leurs rapports amoureux. A cela, s'ajoute une petite touche de suspens/thriller avec ces zones désertées en raison de la pandémie, isolées par de grands murs de béton et interdites d'accès.
Boken shonen, de Mitsuru Adachi, chez Nobi Nobi, 12 ans
Mistsuru Adachi est de retour ! Si vous ne connaissez pas cet auteur, Boken Shonen une excellente manière de le découvrir et d'aborder ses œuvres. Dans ce recueil d'histoires courtes, le mangaka nous rappelle que l'enfant que l'on a été est toujours présent en nous, tout comme nos rêves, et qu'il peut parfois nous permettre d'avancer. Les rêves ne sont pas réservés aux enfants.
Lorsque nous étions enfants, tout nous semblait possible. Nous étions insouciants et nous pensions être invincibles. Une fois adulte, cet esprit d’aventure est sûrement encore en nous, mais il est bien enfoui. À travers sept histoires tendres, un peu étranges, drôles et touchantes, découvrez une partie de l'univers de Mitsuru Adachi, peintre virtuose de la jeunesse sur laquelle il jette ici un regard en arrière empreint de nostalgie.
Chaque récit aborde le rapport entre l’âge adulte et l’enfance. Ils mettent en scène des hommes adultes qui repensent à leur enfance en présence d'un objet, lors d'un événement, en croisant quelqu'un... Tous imaginent quelle serait leur vie si leurs rêves d'enfant s'étaient réalisés. Mitsuru Adachi pose un œil bienveillant sur cette période de notre vie. Ici, il n'est pas question de regrets ou d'amertume. Il y a simplement un peu de nostalgie et des souvenirs qui nous font rire. Pas besoin non plus de grands discours, certaines planches n'ont quasiment pas de texte et tout se passe à travers l'atmosphère et les expressions des personnages que l'auteur maîtrise parfaitement. On a parfois envie de relire immédiatement l'histoire que l'on vient de terminer pour être sûrs de ne pas avoir loupé toutes ses subtilités.
Ce titre de Mitsuru Adachi est inédit en France. Il bénéficie d’un format plus grand, 15x21 cm, pour permettre aux lecteurs de profiter pleinement du graphisme de l'auteur. Boken Shonen est publié en même temps que Katsu, une série longue du même auteur qui se déroule dans l’univers de la boxe.
Ikkyu, de Hisashi Sakaguchi, chez Revival, 14 ans
Ikkyu est une véritable porte d'entrée dans le monde bouddhique à travers l'histoire d'Ikkyu Sojun, moine zen, poète et philosophe, du 15e siècle qui s’est distingué en critiquant les institutions sociales et religieuses et en établissant une voie originale de réalisation personnelle. Son esprit libre et ses préceptes vont profondément marquer le bouddhisme japonais pendant plusieurs siècles.
Ce premier tome commence par l'enfance d'Ikkyu que l'on va voir évoluer au fur et à mesure des années. Petit garçon malin, intelligent et espiègle, fils illégitime de l’empereur Gokomatsu, il est confié par sa mère à un temple bouddhique afin qu'il échappe aux agitations politiques. Agé de 6 ans, il va devoir se construire loin de ses proches dans un environnement parfois hostile. Ikkyu a l'esprit vif et cela va lui permettre d'éviter de nombreuses punitions. Curieux et très intelligent, il va passer beaucoup de temps à s’instruire et va finir par acquérir des connaissances très pointues sur la religion zen. Il suit l’enseignement du bouddhisme Rinzai, apprend le chinois et se révèle doué pour la poésie. A 17 ans, il abandonne cette école pour suivre l’enseignement de Ken.Ô, un maître bouddhiste qui vit dans la pauvreté. Il va parcourir le monde, et marquer de son empreinte toutes les écoles bouddhistes du Japon. Loin des monastères et des palais, il attendra sereinement la mort.
Pour ce manga, Hisashi Sakaguchi a rassemblé des faits historiques, des récits populaires, des écrits d’Ikkyu et a laissé libre cours à son imagination. On découvre la dureté de la vie de l'époque et les intrigues politiques. Avec ses dessins très précis, détaillés et réalistes, le mangaka nous plonge dans le Japon du XVe siècle. Il n'hésite pas à bouleverser la mise en page case par case pour réaliser de grandes illustrations hors cadre afin d'immortaliser un moment, d'arrêter le temps. Les notes explicatives en fin d’album permettent de mieux comprendre certaines scènes ou situations.
Hisashi Sakaguchi a reçu le Fauve patrimoine au Festival d'Angoulême pour son manga Fleurs de pierre, paru également chez Revival. Hisashi Sakaguchi meurt en 1995 alors qu’il venait de finaliser la couverture du dernier Ikkyu. Cette nouvelle édition de Ikkyu, parue en France pour la première fois en 1996, comptera quatre volumes aux éditions Revival.
Shut hell, de Yu Ito, chez Panini
Une fresque historique, guerrière, captivante, avec une héroïne au destin tragique.
Nous sommes en Chine sous l’empire Tangoute lors de l’invasion mongole. Au début du XIIIème siècle, une guerrière sanguinaire nommée Shut Hell, l'esprit vengeur, sème la terreur au sein de l'armée mongole, pourtant réputée invincible.
Cette ancienne soldate tangoute (peuple d'Asie) semble en effet dotée d'une force surnaturelle et capable d'échapper à la mort. Mais son destin bascule le jour de sa rencontre avec Yurul, un jeune prince mongol en exil cherchant à protéger une mystérieuse collection de tablettes de jade...
Tout oppose les trois personnages principaux. Harabal, un guerrier avide de reconnaissance, a renié ses origines pour arriver à ses fins. Il est prêt à tout pour retrouver la gloire passée de son clan. Yurul, son jeune frère de 10 ans, veut sauver l’héritage culturel de leur mère, et va tout faire pour préserver les textes sacrés Tangoutes. Shut Hell, quant à elle, est l’unique rescapée d’un massacre perpétré par les Mongols. Cette combattante Tangoute est devenue une terrible guerrière assoiffée de sang et de vengeance. L’évocation de son seul nom fait trembler les rangs ennemis.
Ce manga est un très beau mélange d'aventure, d'histoire, de fantastique, où il n'est pas juste question de vengeance. Les personnages sont complexes, tout comme le contexte historique dans lequel cette série s'inscrit, plusieurs siècles après les événements décrits dans le manga Kingdom. Ici, il n'est pas question que d'action non plus. L'autrice s'intéresse à la préservation de l’héritage culturel, à l'importance du savoir, que ce soit soi-même ou pour la pérennité d’un peuple. Elle met aussi en avant la barbarie des hommes et certaines sont assez sanglantes.
Une fresque envoûtante servie par des dessins soignés tant au niveau des décors que des scènes d'action.
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