"Mon métier, c'est l'art du dérapage contrôlé" : star du dessin de presse au Monde, Plantu et sa petite souris s'apprêtent à tirer leur révérence
Timide à la voix douce mais caricaturiste redouté des politiques... Plantu s'est imposé au Monde comme un pilier du dessin de presse, guère apprécié par ses pairs et suscitant parfois la polémique. Il quittera le journal le 31 mars.
Celui qui fêtera fin mars son 70e anniversaire en même temps que son départ du quotidien du soir a vu défiler des décennies d'histoire avec son crayon. Le gaucher a commencé à dessiner sous le septennat de Georges Pompidou et rend son tablier juste après le départ de Donald Trump de la Maison-Blanche. Avec, omniprésente dans son oeuvre, une petite souris malicieuse qui devient vite sa signature.
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— PLANTU Officiel (@plantu) November 28, 2020
La paix comme thème de prédilection
Son thème favori, c'est la paix. Il a d'ailleurs créé en 2006, avec l'aide de l'ex-secrétaire secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, "Cartooning for Peace", un réseau international de dessinateurs de presse engagés qui combattent, avec humour, pour le respect des cultures et des libertés.
Comme pour mieux illustrer son sujet fétiche, la colombe façon Picasso est elle aussi récurrente. Le volatile est présent dès le premier dessin qu'il publie dans Le Monde, en octobre 1972, consacré à la guerre du Vietnam. Et, sur un croquis daté du 22 janvier, on retrouve la colombe, drapeau américain dans son bec et surplombant le nouveau président américain, Joe Biden.
Né le 23 mars 1951 à Paris, Jean Plantureux, c'est son nom, a un père dessinateur industriel à la SNCF et une mère, paraît-il, un peu langue de vipère. De quoi faire un bon caricaturiste... Et sa passion au lycée, c'est justement de dessiner. "A Henri-IV, j'étais le seul à suivre les cours de dessin. C'était en 1968, la bagarre, c'était pas mon truc".
Mais, une fois qu'il a le bac en poche, ses parents préfèrent l'inscrire en école de médecine. "Un soir de 1971, j'annonce à mes parents que j'arrête médecine, que je vais faire de la BD à Bruxelles et que je me marie!" Avec Chantal, dont il aura quatre enfants.
"Vous, vous pouvez tuer !"
Financièrement, c'est difficile et le voilà vite revenu à Paris. Il vend des meubles aux Galeries Lafayette, rayon bois blanc. Mais continue à dessiner et réussit à caser des premiers dessins au Monde. 200 francs pièce. C'est parti pour une carrière qui le verra aussi croquer dans d'autres titres comme L'Express.
En 1978, il a droit à son premier croquis en Une du Monde. Ce sera ensuite chaque samedi puis, consécration en 1985, tous les jours ! André Fontaine, alors directeur de la publication, veut "rendre sa place à la tradition française des dessins politiques". Le monde politique va vite se mettre à trembler... "Vous, vous pouvez tuer !" lui dit un jour François Mitterrand.
C'est vrai qu'il n'est pas toujours tendre. Il croque Edouard Balladur - qui, dit-on, "le vomissait" - en chaise à porteur, Simone Veil en maillot de bain ou encore Nicolas Sarkozy en Iznogoud.
Des croquis polémiques
Certains dessins font polémique. Comme en 2010 quand, face au scandale des enfants violés par des prêtres, il publie un croquis du pape sodomisant un enfant, intitulé "Pédophilie: le pape prend position". "Mon métier, c'est l'art du dérapage contrôlé", disait-il en 2018 dans Vanity Fair.
En 2016, il raille le lancement par Dolce & Gabbana d'une collection de hijabs en montrant une musulmane voilée portant une ceinture d'explosifs et le commentaire "A quand la fashion ceinture ?" Tollé sur les réseaux sociaux où certains l'accusent de faire un amalgame entre islam et islamisme. "Je veux défendre l'image de la femme", se défend-il. D'autres n'apprécient pas non plus ses dessins sur les "gilets jaunes", le traitant de "néo-poujadiste" ou de "conservateur rance".
Dans le petit monde français de la caricature, il n'est pas toujours très aimé. "Son départ du Monde, c'est un non-événement, ça ne me touche pas. Je l'ai rencontré une seule fois et je dois avouer que je n'ai jamais prêté trop d'attention à ses dessins", a déclaré vendredi à l'AFP Jacek Wozniak, qui travaille pour Le Canard enchaîné. "Inélégant", "individualiste", lâche un autre.
D'autres lui reprochent toujours de s'être prononcé en 2006 contre la publication des caricatures de Mahomet. Lui invoquait alors "la responsabilité journalistique du dessinateur", une "autocensure" parfois nécessaire.
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