Mort de Martial Solal : Vincent Sorel rend un hommage personnel au jazzman de légende avec sa BD "Une vie à l'improviste"

Le pianiste de jazz français Martial Solal est mort jeudi, à l'âge de 97 ans, a annoncé son fils Éric Solal.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Martial Solal, une vie à l'improviste", une BD signée Vincent Sorel. (EDITIONS DU LAYEUR)

Le monde du jazz perd l'un de ses grands ambassadeurs, Martial Solal, pianiste adulé et roi incontesté de l'improvisation, mort jeudi 12 décembre à Versailles. Interprète, il a enregistré plus d'une centaine de disques, en solo, duo, trio ou encore en big band. Il était également compositeur, arrangeur et chef d'orchestre. C'est à cette figure multiple du jazz que l'auteur de BD Vincent Sorel consacrait un livre sorti il y a tout juste deux mois, le 10 octobre 2024, aux éditions du Layeur.

L'auteur, qui est aussi musicien et adore le jazz, a voulu avec ce roman graphique réaliser "un portrait personnel et subjectif" de son héros Martial Solal, né à Alger il y a 97 ans. Sa longue et riche carrière entamée dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés l'a mené très tôt aux États-Unis où il a joué avec les plus grands, mais il a aussi œuvré dans la musique de films, à commencer par À bout de souffle de Godard.

"On ne sait jamais ce qu'il va faire la seconde suivante, il ne se répète jamais"

En parallèle aux éléments biographiques, Vincent Sorel exprime son point de vue (en dessins aussi) sur la musique de ce grand improvisateur à l'esprit libre. Martial, "on ne sait jamais ce qu'il va faire la seconde suivante, il ne se répète jamais (…) Quand il joue un standard (…) il a l'air de chercher jusqu'où il peut déformer une mélodie sans la perdre de vue", écrit-il.

Et plus loin, il ajoute : "Et s'il sent qu'il perd le public, il revient au thème, il fait une blague, une citation incongrue, et la machine repart de plus belle".

Une page de la BD "Martial Solal, une vie à l'improviste" qui illustre le talent d'improvisation qui a rendu célèbre le musicien. (EDITIONS DU LAYEUR)

Vincent Sorel se met aussi en scène lorsqu'il va interviewer son héros chez lui en banlieue parisienne et n'en mène pas large. Le musicien lui parle notamment du son recherché et de la technique nécessaire : "On me reproche parfois d'avoir trop de technique… J'ai toujours pensé que je n'en avais pas assez. Jouer beaucoup de notes le plus vite possible, ce n'est pas ce que je recherche. La technique, c'est aussi toute une gamme de sonorités possibles, d'harmonies, d'accords, à chercher sur l'instrument. Jouer une seule note avec puissance ou délicatesse, c'est déjà une question technique. Si on veut que le public saisisse une idée, il faut l'exprimer avec une grande précision et beaucoup de clarté."

Solal était une légende de la musique. Et pourtant, dans le livre, il avoue avoir souffert d'un certain mépris en tant que compositeur, plus que comme musicien. Que ses concertos aient finalement été joués par l'Orchestre national de France à Radio France lui a donné l'impression que sa musique était enfin reconnue par le monde classique et institutionnel.

"C'est un pianiste total"

Dans le monde du jazz en revanche, la reconnaissance de ses pairs est une constante. Dans le livre, cinq pages sont consacrées aux citations des musiciens qui rendent hommage à Martial Solal, de Duke Ellington à Oscar Peterson, en passant par Bill Evans, Ahmad Jamal ou Baptiste Trotignon. McCoy Tyner disait par exemple : "Martial Solal sonne vraiment de façon originale. Il possède sa propre identité musicale, ce à quoi tout musicien aspire." Et le jazzman français Laurent De Wilde d'ajouter : "Un maître, l'aboutissement absolu de lui-même. Il va, avec une obstination remarquable, jusqu'à ses limites physiques et intellectuelles. C'est un pianiste total."

Avec sa BD, Vincent Sorel cherchait à retrouver un peu de la liberté du jazz. Il y parvient dans ce bel hommage à l'attachant Solal, qui l'a autorisé à broder sur ce qu'il savait de lui.

"Martial Solal, une vie à l'improviste", Éditions du Layeur, 224 pages, 28 euros

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