Riad Sattouf : "Les cahiers d'Esther", l'album
Pendant 8 ans, Riad Sattouf a chaque semaine dessinĂ© dans Charlie Hebdo "La vie secrĂšte des jeunes", des scĂšnes observĂ©es dans la rue. PoussĂ© par l'envie de raconter des choses plus "positives", dit-il, il se lance dans le rĂ©cit des aventures d'une fillette. Elle existe vraiment, raconte Riad Sattouf. pour prĂ©senter Esther. "Un soir, un couple d'amis est venu dĂźner Ă la maison avec leur fille de 10 ans . Elle s'est mise Ă me raconter des histoires sur ses amies, les jeux dans la cour, les lois de l'attraction entre les Ă©lĂšves, ses groupes prĂ©fĂ©rĂ©s, ce qu'elle aime, ce qu'elle dĂ©teste, sa vision de la sociĂ©tĂ©âŠ", raconte le dessinateur. Il a tout de suite envie d'en faire une BD". "En tant qu'auteur, cela m'apportait Ă©normĂ©ment d'essayer d'avoir un autre point de vue que le mien sur la jeunesse, celui d'un jeune justement", souligne le dessinateur, pour qui la jeunesse est un des thĂšmes favoris. Et c'est le dĂ©but des cahiers d'Esther, publiĂ©s chaque semaine depuis octobre 2014 dans L'Obs. Riad Sattouf passe rĂ©guliĂšrement un coup de tĂ©lĂ©phone Ă la vraie Esther pour qu'elle lui raconte sa vie, et il dessine.
RĂ©sultat : une histoire par planche, oĂč l'on dĂ©couvre le quotidien d'une fillette d'aujourd'hui, ses passions (la pizza quatre fromages et L'Iphone, un graal), son pĂšre (prof de sport, un Dieu), ses copines ("Ma meilleure amie, c'est EugĂ©nie. J'aime bien Cassandre aussi"), les garçons ("Je sais pas quoi raconter sur les garçons, Ă part qu'on leur parle pas justement parce que c'est des garçons") la musique qu'elle aime (Tal, "Elle bouge bien, genre elle est dynamique", Black M, "c'est surtout les garçons qui Ă©coutent. Mais j'aime bien", son pĂšre moins, "L'air de cette chanson, c'est comme une gastro ! Tu la chopes sans faire gaffe et tu la gardes des plombes !"). On partage aussi avec Esther ses premiers Ă©mois (un mariage, quand mĂȘme, cĂ©lĂ©brĂ© en bonne et due forme dans la cour de rĂ©crĂ©), ses aversions (les araignĂ©es, ou son frĂšre, "cet abruti").
Chronique tendre et acide
Toute la petite vie d'Esther y passe, et Ă travers la sienne une peinture subtile et rĂ©jouissante de la sociĂ©tĂ© française d'aujourd'hui. En miroir de "L'arabe du futur", dans lequel Riad Sattouff racontait sa propre enfance en Syrie, les "cahiers d'Esther" sont une chronique de la vie d'une petite parisienne Ă©levĂ©e dans un environnement protĂ©gĂ© (quartier bourgeois, Ă©cole privĂ©e, tĂ©lĂ©phone portable interdit). Des enfances trĂšs diffĂ©rentes dans des mondes aux antipodes, et pourtant, la place des filles et des garçons dans la cour d'Ă©cole n'est pas si Ă©loignĂ©e que ça : les garçons jouent au foot, bastonnent et plastronnent, les filles jouent au papa et Ă la maman, discutent, se disputent, et rĂȘvent de princes charmants (on appelle ça des BG maintenant).On retrouve dans cet album les recettes gagnantes de Riad Sattouf : un sens de l'observation aigu, une bonne rasade de tendresse, un nuage d'aciditĂ© et une maniĂšre bien Ă lui de dĂ©rouler ses cases, des textes qui jouent le dĂ©calage en juxtaposant le rĂ©cit Ă la premiĂšre personne, les bulles et les apartĂ©s, soutenus par des dessins hyper stylisĂ©s, rehaussĂ©s d'aplats colorĂ©s. Tout cela sonne juste, si juste que si vous avez des enfants de cet Ăąge, ou que vous avez l'occasion d'en observer de prĂšs, vous allez vous demander si Riad Sattouf ne leur a pas aussi passĂ© un coup de filâŠ
Bref, une rĂ©galade. Et cerises sur le gĂąteau (il y en a deux) : celui-lĂ , d'album de Riad Sattouf, vous pouvez le partager avec vos enfants, mĂȘme les plus jeunes. Et aussi, perspective de prolongation de la rĂ©galade : Riad Sattouf a dĂ©jĂ annoncĂ© qu'il comptait faire un album "Esther" chaque annĂ©e, jusqu'aux 18 ans de la jeune fille (8 albums prĂ©vus, donc), hĂąte qu'il a "d'observer l'Ă©volution de la construction de la personnalitĂ©" d'Esther, et nous aussi !
Les cahier d'Esther - Histoires de mes 10 ans Riad Sattouf
(Allary Editions - 56 pages - 16,90 euros)
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