BD : "La meute", chronique picturale d'un village bouleversé par la disparition de deux adolescents
Publié le 8 février aux éditions Futuropolis, La meute, premier roman graphique du romancier et éditeur Cyril Herry, raconte avec des magnifiques peintures d'Aude Samama la fugue de deux adolescents, le probable retour du loup, et les bouleversements que cette fuite ne manque pas de provoquer dans le village où ils habitent.
Marina et Victor ont fugué. Victor est un enfant placé, Marina vit seule avec son père. Ils ont quitté l'ambiance pesante de leurs foyers respectifs, et se réfugient dans la forêt. Au même moment, des moutons sont retrouvés égorgés. Le loup serait-il de retour dans la région ?
Ces deux événements concomitants provoquent l'effervescence dans le village, où la rumeur de la disparition des deux adolescents s'immisce partout, du café au salon de coiffure, en passant par le supermarché ou dans l'intimité des foyers, chacun y allant de son petit commentaire. Pour certains, la fuite des deux enfants fait échos à des douleurs présentes, pour d'autres, ravive de vieilles blessures.
Le récit alterne entre l'escapade des deux jeunes, la naissance de leur amour en pleine nature, isolés du monde, et la vie au village après leur disparition. On fait donc la connaissance de multiples personnages dont on partage les préoccupations, évoquées en quelques scènes, en quelques pages.
Atmosphères
A travers ce fait divers, c'est toute la vie d'une communauté humaine et l'intimité -secrets, douleurs, bonheurs, peurs- des uns et des autres, qui sont évoquées par petites touches. En filigrane, c'est aussi la question des rapports de force, intrafamiliaux mais aussi sociaux, qu'aborde ce roman graphique ("Au rayon lessive, Amandine croise le fils du maire, il lui tire tout le temps les cheveux à la récré. La maîtresse ne le punit jamais").
La relation des hommes à la nature, y est aussi évoquée en arrière plan mais de manière omniprésente, comme un lieu de refuge, le loup s'avérant de manière allégorique plus protecteur pour sa meute que la communauté humaine.
Rien n'est jamais souligné, le scénario suggère plus qu'il n'explique, laissant le lecteur en position de spectateur, l'œil dans le viseur d'une caméra circulant dans les rues, dans les espaces de vie, collectifs et privés, parfois en surplomb, qui capterait les moments de vie d'un microcosme chamboulé par la survenue d'un événement inhabituel.
Ce récit tout en nuances, qui joue sur les atmosphères, sur les non-dits, sur le hors champs, est magnifiquement mis en valeur par les peintures d'Aude Samama. Dans chaque case conçue comme un tableau, l'illustratrice brosse aussi bien la nature, la forêt, les loups, que les rues du village, les intérieurs des foyers, les corps ou les visages, dans les traits desquels on croit reconnaître parfois des acteurs. Les images, jamais redondantes, nourrissent l'histoire et l'imaginaire, donnant au lecteur ce que les mots ne disent pas.
"La meute", récit de Cyril Herry et peintures d'Aude Salama (Futuropolis, 152 p., 22 €)
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.