"Le ciel dans la tête" : l'incroyable odyssée de Nivek, enfant soldat, des mines du Kivu jusqu’en Europe
Le roman graphique Le ciel dans la tête (Denoël Graphic), donne le ton dès sa scène d’ouverture : un adolescent est coincé dans une mine et d’autres enfants essaient de l’en extirper. Finalement le jeune Nivek, douze ans, est sauvé par un autre enfant, Joseph. Pour le chef de la milice, les deux enfants méritent la mort car ils ont ralenti la cadence de l’extraction du coltan. Pour sauver leur vie, Nivek devient enfant soldat et Joseph cuisinier. Bienvenue au Kivu, territoire oublié des dieux et maudit par les hommes. Le grand malheur de la République démocratique du Congo (RDC) est sa richesse en matières premières. D’où les guerres infinies, les milices, les appétits voraces, la corruption, les seigneurs locaux… et les firmes étrangères. Entre l’avidité des uns et des autres, les civils.
"Des adieux bien comme il faut"
Nivek est désormais un kadogo, un enfant soldat. Drogué, il devient une machine à tuer. Et pour le couper totalement de son ancienne vie, son chef lui intime l’ordre de faire "des adieux comme il faut à ses parents". S’en suit une détresse morale abyssale. Et un désir d’un ailleurs plus clément. Alors, aidé et accompagné de Joseph, Nivek entreprend de rejoindre l’Europe depuis son Kivu natal. L’occasion d’un périple haut en couleurs : l’Afrique avec tous ses paradoxes. Belle à avoir mal, onirique, violente, sage, l’Afrique que découvre Nivek, et que nous découvrons avec lui, est à la fois magique et tragique. Son voyage initiatique le mène aux enfers et au tréfonds de lui-même.
Du Kivu donc jusqu’aux côtes libyennes. La traversée du désert s’achève en impasse. Nivek, avec ses compagnons d’infortune, dont la belle Aïsha, finissent dans un marché d’esclaves en Libye. Vendus, éparpillés, ils doivent tout endurer s’ils veulent un jour espérer atteindre l’eldorado. "Je veux que ta semence noie celle de ceux qui m’ont violée et prostituée. Je ne sais même pas qui est le père… C’est un enfant serpent", confie Aïsha à Nivek, avant d’embarquer pour l'Italie. Entre elle et son rêve, un cimetière nommé Méditerranée. Bien documenté, porté par un graphisme inspiré de l’illustre Sergio Garcia Sanchez, Le Ciel dans la tête est une œuvre essentielle. Antonio Altarriba signe un chef d’œuvre poétique et politique.
"Le ciel dans la tête", Antonio Altarriba, Sergio García Sánchez, traduit par Carrasco Alexandra, Denoël Graphic, 28 euros
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