"Le roman des Goscinny, naissance d'un Gaulois" : pourquoi le nouvel album BD de Catel est un bijou
René Goscinny devient pour la première fois un personnage de bande dessinée sous la plume de Catel. Précipitez-vous, c'est une régalade.
Dans Le roman des Goscinny, naissance d'un Gaulois, qui paraît aux éditions Grasset le 28 août, Catel raconte l'incroyable destin de René Goscinny en faisant du père d'Astérix un personnage de bande dessinée. Ce nouveau roman graphique est un bijou. On vous dit pourquoi.
Parce que la vie de René Goscinny est une véritable aventure
Dans ce passionnant et bouleversant nouveau roman graphique, Catel raconte le destin singulier de René Goscinny. Sa naissance à Paris en 1926, d'Anna Goscinny issue d'une famille juive ayant fui les pogroms ukrainiens, les Beresniak, fondateurs de la célèbre imprimerie, et de Stanislas Goscinny, petit-fils de rabbin polonais, dont le père avait fui en 1906 l'antisémitisme de son pays.
Stanislas est un ingénieur aventurier. Il embarque toute la famille en Argentine, où René Goscinny passe toute son enfance. René, très bon élève, est un enfant joyeux, qui très tôt se fixe une mission pour la vie : faire rire. Puis ce sera la guerre, la déportation pour une partie de la famille Beresniak, et les premiers dessins de René. "Quand on est jeune, l'humour est une défense… Par la suite, il peut devenir une arme", dit-il.
Parce que Goscinny a toujours choisi l'humour et l'amitié, envers et contre tout
Des débuts difficiles : on suit René à New York, où il décide de s'installer avec sa mère après la mort de son père, pour trouver du travail dans le dessin, animé par sa passion pour Disney, le cinéma, et la bande-dessinée. Le rêve américain se transforme vite en désillusions, dans une vie faite de refus, de petits boulots et de pauvreté. Puis c'est le retour à Paris, en passant par Bruxelles et le début de ses collaborations avec Uderzo, avec Sempé, avec Morris.
René Goscinny a enfin trouvé sa voie, qui n'est pas le dessin mais l'écriture. Il devient le grand scénariste que l'on connaît, le père d'Astérix, du Petit Nicolas, et le scénariste de Lucky Luke, d'Iznogoud… Et on assiste (c'est si émouvant !) à la naissance d'Astérix.
On suit aussi les combats, moins connus, de Goscinny pour défendre les droits des auteurs et dessinateurs de bande dessinée, qui conduisent à la création de Pilote, un magazine qui révolutionne la presse jeunesse. Des projets qui n'auraient pas pu voir le jour sans ces associations profitables, scellées par l'amitié, toujours centrale dans la vie de Goscinny. "Vous savez", disait-il, "on se fait des amis d'enfance jusqu'à un âge très avancé".
On découvre aussi un René Goscinny passionnément attaché à sa mère Anna, sa première lectrice, et son amour pour son épouse, rencontrée tardivement. Il a 41 ans, elle 24, ils deviendront les parents d'Anne… Dans tous les épisodes de sa vie, heureux comme malheureux, l'humour, sa raison de vivre, accompagne Goscinny. "Me marrer et faire marrer les autres a toujours été ma petite contribution à notre bref passage sur cette terre", disait-il.
Parce que sous la plume de Catel, René Goscinny devient un extraordinaire personnage de bande dessinée
Jusqu'ici exclusivement concentrée sur des portraits de femmes pour ses biographies graphiques (Kiki de Montparnasse, en 2007 chez Casterman, Olympe de Gouge, en 2012, ou Ainsi soit Benoîte Groult, chez Grasset, en 2013, ou encore Joséphine Baker, en 2016) Catel a cette fois pris la plume pour dessiner le destin d'un homme, René Goscinny.
C'est Anne Goscinny, la fille de René qui en a eu l'idée. "Ce n'est pas possible", lui a d'abord répondu la dessinatrice. "Seules les héroïnes m'intéressent. Et ton père n'est qu'un héros !" Mais la fille du père d'Astérix a su trouver les mots. "J'ai parlé de mon père à rebours", confie Anne Goscinny dans la préface. "Dans les yeux de Catel, mon père s'est animé", raconte-t-elle. Et c'est la dessinatrice qui trouve elle-même le dernier argument pour emporter le morceaux : "Je sais ! s'est-elle écriée. Tu vas relayer la parole de ton père. Je voulais une héroïne, je l'ai trouvée".
Parce que l'histoire nous est racontée à deux voix, celle de René et celle d'Anne
Voilà comment le projet est devenu possible, et comment il a trouvé sa forme. L'histoire est en effet racontée à deux voix. Celle de René Goscinny, et celle de sa fille Anne, en forme de chapitres alternés. Catel s'est plongée dans les archives de la télévision et de la radio, pour retranscrire les interviews de René Goscinny, recueillant ainsi sa parole qu'elle met en scène à la première personne. La voix d'Anne est le fruit de conversations entre la dessinatrice et la fille de René Goscinny "pendant des jours, des semaines, des mois à parler de lui", que la dessinatrice met en scène telles quelles.
On connaissait déjà l'histoire des Goscinny ans les grandes lignes, encore racontée récemment dans l'exposition qui lui a été consacrée en 2017 au Mahj (Musée d'art et d'histoire du Judaïsme) et celle de la Cinémathèque en 2018.
La narration à deux voix choisie par Catel offre pourtant un regard neuf, avec une double perspective qui donne à la vie et au personnage de René Goscinny un relief inédit. Ce nouveau roman graphique de Catel se raconte en duo : Anne / René et Anne / Catel, s'inscrivant ainsi également dans une pratique de travail en paire qu'affectionnait particulièrement René Goscinny (Avec Uderzo, avec Sempé). Il faut ajouter qu'à travers cette vie singulière, c'est aussi une histoire européenne, et même mondiale du XXe siècle, qui nous est racontée.
Parce que Catel a l'art de raconter les histoires en textes et en images
A l'intérieur de cette construction narrative, Catel entremêle merveilleusement citations, archives (des lettres, des dessins) et dialogues, et injecte, comme un liant, sa propre patte et son humour. Pas de doute que René Goscinny aurait adoré.
Le récit est soutenu par son trait noir appuyé, évoquant les gravures de Frans Masereel, avec des escapades, notamment pour plonger dans le passé, à la plume plus fine ou au crayon de papier. Ces 320 planches sont rehaussées de deux couleurs (la couleur est signée Marie-Anne Didierjean) bleu pour René, jaune pour Anne, qui posent la lumière, et soulignent le parti pris narratif, judicieux et limpide, de Catel.
Parce que derrière l'auteur, on découvre l'homme
Ce roman graphique montre "l'homme intime derrière l'auteur", souligne Anne Goscinny. On était déjà fan de l'auteur, parce qu'il a enchanté nos enfances avec des personnages hilarants comme le Petit Nicolas, Lucky Luke, Rantanplan, les Dalton, Astérix et Obélix… On referme le livre avec l'émotion d'avoir découvert l'être humain exceptionnel, tendre, courageux et drôle, qui se cachait derrière nos impérissables héros.
Le roman des Goscinny, naissance d'un Gaulois, Catel
(Grasset - 344 pages - 24 euros)
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.