Cet article date de plus de cinq ans.

À la Mostra, Robert Guédiguian exprime sa "colère contre le monde dans lequel on vit"

Le cinéaste français est en compétition à la Mostra de Venise, qui s'achève samedi, avec "Gloria Mundi", l'histoire d'une famille modeste qui peine à s'en sortir, Le film a été tourné avec sa troupe d'acteurs fidèles.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Robert Guédiguian à la Mostra de Venise pour la projection de son film "Gloria Mundi", le 5 septembre 2019 (ALBERTO PIZZOLI / AFP)

Robert Guédiguian, 65 ans, n'a rien perdu de sa révolte. "Je suis en colère contre le monde dans lequel on vit" et son "individualisme forcené", clame le réalisateur marseillais. Et c'est de ce constat qu'est parti son film.

Alors que Ken Loach faisait, dans Sorry We Missed You, en compétition au dernier Festival de Cannes, un constat des dérives de l'ubérisation de la société, Robert Guédiguian, autre cinéaste social et inlassable militant, fait lui aussi la critique de l'ultralibéralisme dans Gloria Mundi.

Le film raconte l'histoire de Daniel (Gérard Meylan), qui sort de prison où il a passé de longues années, et retourne à Marseille. Il y retrouve son ex-femme Sylvie (Ariane Ascaride), femme de ménage, et leur fille Mathilda (Anaïs Demoustier), vendeuse, qui vient de mettre au monde un bébé, Gloria.

Mathilda et son mari Nicolas (Robinson Stévenin), qui vient de se lancer comme chauffeur Uber, survivent tant bien que mal. Face à eux, la demi-sœur de Mathilda, Aurore (Lola Naymark), que sa mère a eue avec son nouveau compagnon (Jean-Pierre Darroussin), s'en sort un peu mieux en tenant un magasin de revente d'objets d'occasion. Alors que cette famille tente par tous les moyens de joindre les deux bouts, une agression fait basculer leur univers.

"Faire un constat d'un état de guerre, de tous contre tous"

Cette histoire, dans laquelle chacun tente de s'en sortir, est née d'"une espèce de colère contre le monde dans lequel on vit, contre cet individualisme forcené et cette idée que les seuls rapports qui existent entre les gens sont des rapports d'intérêt, d'argent", a expliqué Robert Guédiguian dans un entretien à l'AFP à Venise. "Je voulais faire une sorte de constat de l'état de guerre dans lequel on est, de tous contre tous."

"L'ensemble des préoccupations individuelles a pris le pas sur les préoccupations collectives, il n'y a plus de projet d'émancipation, de projet général", déplore-t-il encore. Cette colère "m'a donné à penser que les gens qui étaient les plus démunis tenaient le discours de leurs exploiteurs, que les esclaves tenaient le discours des maîtres, donc que la bataille était un peu perdue", poursuit-il.

S'il fait un constat dur dans ce film, le réalisateur de Marius et Jeannette justifie ce pessimisme car, estime-t-il, "il faut faire des films optimistes et des films pessimistes". "Je pense qu'il faut faire des films excessifs un peu, soit qui nous réveillent parce qu'ils sont tragiques, soit effectivement qui nous montrent comment on pourrait résoudre les choses, et ça c'est plutôt des comédies. Je crois que nous avons besoin des deux."

"Je fais des films parce qu'on peut continuer à réveiller les consciences"

Mais il se défend d'être "tout à fait pessimiste", car dit-il, sinon, "il ne ferait pas de films". "Je fais des films parce que je crois qu'on peut continuer, avec des films et d'autres activités bien sûr, des tas et des tas de manières d'agir, à réveiller les consciences", lance le cinéaste, homme de gauche engagé, autrefois communiste et qui a soutenu le chef de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon.

Guédiguian évoque d'ailleurs en plaisantant une "Internationale des cinéastes", dans laquelle il figurerait aux côtés de Ken Loach, des frères Dardenne, de Nanni Moretti ou Aki Kaurismaki, des gens "qui ont quand même beaucoup de choses à se dire".

Avec Gloria Mundi, le Marseillais retrouve aussi comme dans la plupart de ses films sa ville natale. "Je crois que Marseille c'est mon théâtre. J'ai un théâtre et une troupe", dit-il. "À peu près tous les deux ans, on confronte notre rapport à nos vies, au monde, au cinéma, et on essaie de raconter une nouvelle histoire à Marseille."

Cette troupe, composée de son épouse Ariane Ascaride, de Gérard Meylan ou Jean-Pierre Darroussin, c'est aussi un groupe d'amis qui "par capillarité racontent quelque chose tous ensemble", raconte-t-il. "On peut discuter, être en désaccord parfois. Mais on est d'accord sur l'essentiel. Personne ne vote à droite parmi nous !"

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.