Mort d'Alain Delon : "Il se respectait et il attendait qu'on le respecte", souligne Gilles Jacob, ancien président du festival de Cannes
"Il se respectait et il attendait qu'on le respecte", souligne Gilles Jacob, ancien président du festival de Cannes de 2001 à 2014. Il était interrogé au matin du dimanche 18 août sur franceinfo, après l'annonce du décès d'Alain Delon, acteur qu'il a bien connu et qu'il a rencontré à de multiples reprises dans le cadre du festival de cinéma. Au-delà des souvenirs, Gilles Jacob estime que le décès de l'acteur "est un soulagement pour lui, car sa maladie était affreuse, c'est la seule chose dans sa vie qu'il n'a pas pu contrôler". "Je suis sûr que là où il est, il est mieux", ajoute-t-il.
franceinfo : Alain Delon, c'était un immense acteur avec une centaine de films à son actif, mais est-ce que dans la vie quotidienne, il incarnait également un personnage ?
Gilles Jacob : Il savait très bien ce qu'il représentait. Ce qu'il représentait, c'était la marque Delon et il fallait la considérer avec sérieux. Quand mon téléphone sonnait, il disait seulement "C'est Alain", d'une voix basse. Des 'Alain', il y en a beaucoup dans le cinéma, mais s'il sentait qu'on ne l'avait pas reconnu tout de suite, il raccrochait. C'est dire s'il se respectait et il attendait qu'on le respecte. Ce n'est pas du tout comme Belmondo, Belmondo, c'était un frangin. Delon s'identifiait respectueusement à Delon. Avec lui, on aura été flic, gangster, tueur, homme traqué, professeur, amoureux de sublimes créatures, on aura joué des rôles inouïs qui resteront dans l'histoire du cinéma, on aura fréquenté des metteurs en scène de génie, on aura vécu des vies pas ordinaires, on aura souri, on aura vécu.
Ce que vous décrivez, c'est aussi ce qui a fait une partie de sa légende, un personnage antipathique, autocentré, amoureux de lui-même ?
Ce n'est pas un personnage antipathique, c'est un personnage qui entendait être pris au sérieux. Je me rappelle une fois, je vous cite une anecdote, il venait à Cannes. Comme toujours, on envoie une voiture à l'aéroport à Nice, mais pour je ne sais quelle raison, la voiture n'était pas là. Donc Delon attendait sur le trottoir avec sa petite valise, et heureusement, un autre chauffeur est passé et l'a emmené. Dans la voiture, il était furieux, il a dit : "Emmenez-moi chez Jacob directement, il va voir ce que c'est qu'Alain Delon." Bien sûr, je me suis confondu en excuses, même si ce n'était pas de ma faute, mais il n'est jamais plus revenu autrement que par ses propres moyens. Il prenait un hélicoptère et il n'a jamais plus voulu dépendre du festival.
Alain Delon disait qu'il n'avait jamais joué de sa vie, qu'il vivait ses rôles, c'est comme ça qu'il a pu devenir le grand acteur qu'il était ?
C'est vrai qu'on se fait beaucoup soi-même, mais il était très observateur. Il avait compris qu'il fallait très peu bouger, qu'il ne fallait pas gigoter. C'était quelqu'un d'extrêmement sobre, une majesté, un grand fauve en réalité qui bougeait dans le cinéma comme les fauves en Afrique et qui arrivait à dominer tout le monde. À un certain moment, quand il considérait que le metteur en scène n'était pas très compétent, il prenait la mise en scène lui-même. Ce n’est pas ce qu'il a réussi de mieux, car il avait une mise en scène sobre, classique. Non, lui, ce qu'il était, c'était un personnage inouï qui a joué une centaine de rôles différents, mais il arrivait chaque fois avec ses propres valises, c’est-à-dire avec cette vivacité, cette sobriété, cette classe.
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