"Rocco et ses frères", "Paris brûle-t-il ?",' "Le Guépard", "Le Samouraï"... Retour sur les films cultes d'Alain Delon
Une carrière hors norme. Alain Delon a débuté au cinéma en 1957 dans Sois belle et tais-toi, au côté de Jean-Paul Belmondo qu'il retrouvera plus tard, et bouclé la boucle en 2010 dans le téléfilm Un mari de trop. Dans cet intervalle d'un demi-siècle, l'acteur français, qui s'est éteint dimanche 18 août à l'âge de 88 ans, a tourné avec Luchino Visconti, Jean-Pierre Melville, René Clément, Henri Verneuil, Joseph Losey ou Terrence Young.
Outre Jean-Paul Belmondo, avec lequel la presse a inventé une rivalité imaginaire, Alain Delon a joué aux côtés de Jean Gabin, Lino Ventura, Maurice Ronet, Bourvil, Brigitte Bardot, Annie Girardot, Romy Schneider, Mireille Darc ou Sophie Marceau. Retour sur les films les plus emblématiques d'une star d’exception.
"Rocco et ses frères"
C’est Luchino Visconti qui offre à Alain Delon son premier grand rôle, dans Rocco et ses frères en 1960. Production franco-italienne, comme il y en aura beaucoup dans les années 60, Rocco (Alain Delon) se dispute avec son frère Simone (Renato Salvatori) l'amour de Nadia une prostituée (Annie Girardot). Delon crève l'écran et se voit propulsé au rang de star. L'acteur retrouvera Visconti en 1963 pour Le Guépard.
"Plein Soleil"
Toujours en 1960, Alain Delon explose dans Plein Soleil de René Clément aux côtés de Maurice Ronet et Romy Schneider (mais c'est la chanteuse Marie Laforêt qui lui vole le premier rôle féminin). Delon joue le rôle d'un imposteur qui vole l'identité de Maurice Ronet. Un film noir, sous le soleil azuréen, dans lequel le torse nu de l'acteur va imprimer les rétines.
"L'Eclipse"
C'est encore l'Italie qui fait appel à Alain Delon dans L'Eclipse de Michelangelo Antonioni en 1962. Il interprète l'amant arrogant éconduit par Monica Vitti, l'égérie du metteur en scène. Elle lui préfère Francisco Rabal, qui finalement la décevra en la renvoyant face à sa solitude. Un des grands films du maître italien, avec L'Avventura et La Notte sur l'incommunicabilité homme-femme. Le film remportera le Prix spécial du Festival de Cannes 1962.
"Le Guépard"
Toujours en Italie, qui aura largement contribué au lancement de la star, Alain Delon retrouve Luchino Visconti, qui l'a révélé dans Rocco et ses frères. C'est Le Guépard, où l'acteur donne en 1963 la réplique à Burt Lancaster et Claudia Cardinale dans un des plus grands films du maître italien et du cinéma tout court. Immense fresque, avec des airs de Autant en emporte le vent à l'italienne, sur la fin d'une époque. Visconti reviendra sur le thème dans Les Damnés (1969), Mort à Venise (1971) et Ludwig : le crépuscule des dieux (1972), mais sans Delon.
"Mélodie en sous-sol"
Après les films majeurs de ses débuts, Alain Delon inaugure une filmographie plus légère, même si les œuvres restent de belle facture. Dans cette lignée plus divertissante, ressort Mélodie en sous-sol (1963) d'Henri Verneuil, un film de casse en béton avec Jean Gabin à ses côtés (qu'il retrouvera à plusieurs reprises), et les dialogues de Michel Audiard. Du lourd, sur un scénario d'Albert Simonin, scénariste de Touchez pas au grisbi, Le cave se rebiffe ou Les Tontons flingueurs.
"Paris brûle-t-il ?"
Delon ne joue pas un rôle de premier plan dans Paris brûle-t-il ?, de René Clément (qu’il retrouve après Plein Soleil), reconstitution prestigieuse de la Libération de Paris en 1966. Mais il participe d'un casting cinq étoiles, auprès d'Yves Montand, Simone Signoret, Claude Rich, Kirk Douglas, Orson Welles ou Jean-Paul Belmondo, tous dans des rôles fugaces mais historiques. Delon a un rôle de choix : celui du député Jacques Chaban-Delmas, futur Premier ministre.
"Les Aventuriers"
L'acteur reprend du service dans un film d'action à la française, tel qu'on savait en réaliser dans les années 60, avec Les Aventuriers (1967) de Robert Enrico. Après Gabin, Alain Delon joue au côté de Lino Ventura, autre poids-lourds d'un cinéma français qui tient encore la dragée haute à Hollywood en matière de divertissement. Ils sont, de plus, rejoints par Serge Reggiani, qui connaît une belle carrière d'acteur parallèlement à celle de chanteur alors au sommet de sa gloire. Action, exotisme, romance et testostérone sont au rendez-vous : un carton au box-office.
"Le Samouraï"
Après avoir dirigé Jean-Paul Belmondo dans Le Doulos (1962) et Lino Ventura dans Le Deuxième souffle (1966), Jean-Pierre Melville fait enfin appel en 1967 à Alain Delon dans un des meilleurs films du cinéaste et du comédien : Le Samouraï. Chant du cygne d'un tueur à gages solitaire et mutique, l'acteur y est impressionnant dans une interprétation minimaliste, tout en intériorité et pourtant extrêmement touchante. Un chef-d'œuvre.
"Le Clan des Siciliens"
Alain Delon participe au trio d'acteurs phare du cinéma français à l'affiche du Clan des Siciliens signé Henri Verneuil en 1969. Il retrouve en effet Jean Gabin et Lino Ventura. Ne manque que Jean-Paul Belmondo. Formidable polar mené de main de maître par son réalisateur, autour d'un braquage improbable dont le clou est l'atterrissage d'un Boeing sur une autoroute, Le Clan des Sicilien reste également célèbre pour l'excellente partition d'Ennio Morricone composée pour le film. Un must.
"La Piscine"
La star renoue la même année (1969) avec une veine plus intimiste dans La Piscine de Jacques Deray. Il y retrouve Maurice Ronet et Romy Schneider, avec lesquels il partageait l'affiche de Plein Soleil en 1960. Le film distille d'ailleurs quelques similitudes avec celui de René Clément, dans sa lumière azuréenne et l'intrigue romanesque qui lie les personnages (dont Jane Birkin, qui débute alors en France). La scène entre Alain Delon et Romy Schneider au bord de la piscine demeure l'une des plus glamour du cinéma français, et le couple revit dans la fiction sa passion entamée en 1958 sur le tournage de Christine de Pierre Gaspard-Huit. A noter que c'est Romy qui imposa dans Christine un Delon débutant choisi sur photo, et c'est à son tour le comédien qui suggèra l'actrice à Deray pour être sa partenaire dans La Piscine, relançant ainsi sa carrière en perte de vitesse. Beau renvoi d'ascenseur.
"Le Cercle rouge"
Alain Delon reprend du service dans un polar des plus noirs, sous la houlette du spécialiste Jean-Pierre Melville, avec Le Cercle rouge en 1970. Affublé d'une moustache, il interprète un repris de justice qui organise un hold-up avec Gian Maria Volonté, en truand marseillais, et Yves Montand, en ex-flic alcoolique, face à Bourvil dans un rôle à contre-emploi, en commissaire pugnace. Melville retrouvera Delon deux ans plus tard, en 1972, dans Un flic.
"Borsalino"
Le public en rêvait, Jacques Deray l'a fait en 1970 : réunir Alain Delon et Jean-Paul Belmondo. De plus dans un polar familial qui reconstitue le milieu marseillais des années 30 : parfait. C'est Borsalino, un des films les plus populaires du duo de choc du cinéma français. Ils y rivalisent en morceaux de bravoure et réparties, s'amusant à l'écran de la rivalité que leur a inventée la presse, en surfant sur une complicité qui éclate à l'écran. Notamment lors d'un affrontement fatal qui restera dans les annales. Alain Delon reprendra seul son rôle dans une suite médiocre, Borsalino & Co (1974) toujours signé Jacques Deray.
"Monsieur Klein"
Le meilleur rôle d'Alain Delon ? Beaucoup l'ont dit. C'est du moins sans doute sa plus bouleversante interprétation, l'adjectif ne convenant guère au registre de l'acteur, plutôt cantonné dans des personnages calculateurs (Plein Soleil) et froids, tels que Jean-Pierre Melville lui a offert, Le Samouraï en étant l'archétype. Le grand réalisateur américain Joseph Losey (souvent identifié à tort à un britannique pour avoir fait la majeure partie de sa carrière en Grande-Bretagne), lui offrait peut-être le rôle de sa vie dans Monsieur Klein en 1976. Pour la seule fois de sa carrière, Delon incarne une victime qui, durant l'Occupation, s'échine à prouver aux autorités allemandes qu'il n'est pas juif, alors qu'un homonyme utilise son identité pour se protéger. Magnifique.
"Un amour de Swann"
Le réalisateur allemand Volker Schlöndorff s'attaquait en 1984 à un gros morceau de la littérature française en adaptant Un amour de Swann de Marcel Proust, considéré comme inadaptable. Le film s'est fait globalement étriller, sauf pour l'interprétation d'Alain Delon, remarquable dans le personnage proustien fugace mais emblématique de son œuvre : le baron de Charlus. Un aristocrate, sublime et élégant jusqu'au bout des ongles, dandy magnifique, "inverti" tourmenté. L'audace d'interpréter un tel rôle, vaudra à Delon les louanges unanimes de la critique, dont l'acteur n'avait pas l'habitude.
Bonus : Alain Delon réalisateur
Icône française comme acteur, Alain Delon est passé trois fois derrière la caméra, en réalisant Les Granges brûlées en 1973 (cosigné avec Jean Chapot) avec Simone Signoret, Pour la peau d'un flic en 1981, et Le Battant en 1983, avec François Périer, Pierre Mondy et Anne Parillaud. Tous relèvent du polar, genre de prédilection de l'acteur. Dans sa troisième et ultime réalisation, Le Battant, il interprète le rebond d'un ex-truand incarcéré à tord, sorti de prison. Son titre pourrait qualifier le parcours d'Alain Delon. Une star hors-normes.
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