Après l'Ours d'argent, "Félicité" d'Alain Gomis reçoit l'Etalon d'or au Fespaco
"C'est un grand honneur de recevoir ce trophée pour la deuxième fois", a déclaré Alain Gomis qui avait déjà reçu la récompense suprême du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou avec "Tey" en 2013. Il est le deuxième réalisateur à recevoir pour la seconde fois l'Etalon d'or au grand rendez-vous du cinéma africain, après le Malien Souleymane Cissé ("Baara" en 1979 et "Finyé" en 1983). "Félicité" (sortie en France le 29 mars) raconte la vie d'une chanteuse dont la vie bascule quand son fils de 14 ans est victime d'un accident de moto et qu'elle doit trouver de l'argent pour le sauver.
"Un orage africain" de Sylvestre Amoussou reçoit l'Etalon d'argent
Le film anticolonialiste béninois "Un orage africain" de Sylvestre Amoussou, qui met en scène un président africain face aux multinationales occidentales cyniques qui tentent vainement de le déstabiliser après des nationalisations, a reçu l'Etalon d'argent. Les spectateurs présents au palais des Sports ont bruyamment acclamé cette récompense. Le film avait remporté un immense succès lors de ses projections pendant le festival.L'Etalon de bronze est revenu au film marocain "A Mile in My Shoes" de Saïd Khallaf, qui filme la vie sordide d'un enfant d'un quartier populaire de Casablanca, victime de toutes sortes d'abus.
Le prix d'interprétation masculine a été attribué au Français Ibrahim Koma pour son rôle dans le très réussi thriller malien "Wulu" de Daouda Coulibaly, qui ne figure pas, à la surprise générale, dans le trio de films récompensés. Ibrahim Koma est Ladji, un jeune chauffeur de bus qui cherche à s'en sortir et entre dans le crime organisé où il se retrouve mouillé avec les militaires, le gouvernement et Al-Qaïda.
Alain Gomis appelle à se battre pour défendre un cinéma indépendant
Alain Gomis a appelé les "jeunes réalisateurs à se battre". "Le cinéma est en danger. On parle de moins en moins de culture et de plus en plus de commerce", a ajouté le réalisateur sénégalais. "L'arrivée des grands opérateurs nous aide, mais il est aussi un danger. Il faut lutter pour notre indépendance."Le réalisateur de cette "ode à la femme africaine et à la femme en général", a rendu hommage à son actrice principale, Véronique Mbeya Mputu, dont c'était le premier rôle, et qui porte un film particulièrement léché avec des interludes oniriques ou des images de l'orchestre symphonique de Kinshasa "pour permettre au spectateur de souffler et prendre du recul".
Alain Gomis a aussi rappelé à des journalistes que le film était "un travail sur le long terme. Cela a été difficile". "Il a fallu s'adapter aux conditions" à Kinshasa, avait-il raconté pendant le Fespaco.
Un contexte difficile
Il a reçu son prix des mains des présidents burkinabè Roch Marc Christian Kaboré et ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays était l'invité d'honneur du festival et dont la visite scelle la réconciliation entre les deux pays, en froid après la chute fin octobre 2014 du président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir et en exil à Abidjan."Il faut travailler à faire émerger une industrie cinématographique en Afrique. C'est un défi et nous allons nous attacher à travailler pour que cela soit une réalité", a déclaré Roch Marc Christian Kaboré, alors que les salles de cinéma disparaissent du continent.
Le 25e Fespaco se déroulait en effet dans un contexte difficile pour le cinéma africain, que les professionnels cherchent à relancer. "C'est un cinéma qui marche sur une jambe. Nous sommes dans la pire situation qui soit", résume le réalisateur franco-malien Daouda Coulibaly.
Reconstruire l'ensemble de la filière
La filière est sinistrée, privée du soutien des pouvoirs publics qui avait un moment fait sa force. Faible qualité générale, piratage, internet, mauvaise gestion et prix peu attrayants ont tué les salles, remplacées par des supermarchés ou des églises évangéliques. "Une majorité de pays n'abrite plus aucune salle ou des salles délabrées mais le problème ne se situe pas là", analyse Claude Forest, professeur en études cinématographiques à Strasbourg, et auteur de "Au cinéma en Afrique"."C'est un symptôme. Il faut reconstruire l'ensemble de la filière. Avec des salles, on veut juste faire baisser la température: on n'a pas soigné le malade", dit-il.
"Ce n'est pas un problème de salles en tant que tel", convient Baba Hama, délégué général du Fespaco pendant une quinzaine d'années. "Il y a trois gros problèmes : production, distribution et exploitation. Il n'y a pas de maison de production digne de ce nom, des maisons qui savent détecter des projets, recruter un réalisateur, un scénariste, des acteurs, faire un plan d'exploitation", explique-t-il. "Ces trois maillons (production, distribution, exploitation), on en parle à chaque Fespaco mais on ne voit rien émerger", conclut-il soulignant l'importance de la formation, thème de ce 25e festival.
Le palmarès du 25e Fespaco
Etalon d'or de Yennenga : "Félicité" d'Alain Gomis (Sénégal)Etalon d'argent : "Un orage Africain, un continent sous influence" de Sylvestre Amoussou (Bénin)
Etalon de bronze : "A Mile in My Shoes" de Saïd Khallaf (Maroc)
Première oeuvre : "Le puits" de Lotfi Bouchouchi (Algérie)
Prix d'interprétation féminine : Noufissa Benchahida (Maroc) dans "A la recherche du pouvoir perdu" (Algérie)
Prix d'interprétation masculine : Ibrahim Koma (France) dans "Wulu" (Mali)
Scénario : "La Forêt de Biolo" d'Aristide Roamba (Burkina Faso)
Image : "Zin'narriya" (Alliance d'or) de Rahmatou Keita (Niger)
Musique : "Le puits" de Lotfi Bouchouchi (Algérie)
Décor : "The Lucky Specials" de Rea Ragaka (Afrique du Sud)
Son : "Félicité" d'Alain Gomis (Sénégal)
Montage : "L'interprète" d'Olivier Meliehe Koné (Côte d'Ivoire)
Affiche : "The Lucky Specials" de Rea Ragaka (Afrique du Sud)
Poulain d'or du meilleur court-métrage : "Hyménée" de Violaine Maryam Blanche Bellet (Maroc)
Meilleur documentaire : "Kemtiyu, Cheikh Anta" d'Ousmane William Mbaye (Sénégal)
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