Après le malaise Polanski, Woody Allen présente son dernier film, "Coup de chance", à la Mostra de Venise
"Mauvais goût", "affreux", "pas drôle" : après l'accueil glacial réservé par les critiques à la comédie de Roman Polanski, la Mostra de Venise met en lumière lundi 4 septembre un autre cinéaste mis au ban de Hollywood, Woody Allen. A 87 ans, le réalisateur d'Annie Hall et de Match Point, maître de l'humour et de la satire sociale, n'en vit pas moins depuis plusieurs années en marge du 7e art. Il ne tourne presque plus aux Etats-Unis et est devenu pour certains l'un des symboles des violences sexistes et sexuelles.
En cause : les accusations d'agressions sexuelles lancées par Dylan Farrow, qu'il a adoptée, enfant, avec son ex-femme Mia Farrow. Aux Etats-Unis, le documentaire de 2021 Allen v. Farrow montre comment Woody Allen a longtemps bénéficié du soutien indéfectible du milieu du cinéma, malgré les accusations de sa fille, alors que Mia Farrow se disait rejetée par Hollywood.
Mais à partir de 2017, grâce à une tribune de Dylan Farrow et du soutien de son frère Ronan Farrow, avocat, journaliste et l'un des premiers à révéler le scandale Weinstein qui lance la vague #MeToo, le cinéaste se retrouve ostracisé. Contrairement à Polanski, qui fuit depuis quarante ans la justice américaine après une condamnation pour des relations sexuelles illégales avec une mineure, Woody Allen n'est pas inquiété par les tribunaux, et aucune enquête pour agression sexuelle le concernant n'a abouti.
Sursaut créatif ?
Son invitation à la Mostra, dont il devrait a priori fouler le tapis rouge pour présenter hors compétition Coup de chance, a tout pour diviser. D'un côté, ceux qui y voient un symbole de l'impunité des artistes, de l'autre ceux qui appellent à privilégier la présomption d'innocence, ou à séparer l'artiste de son œuvre, comme le directeur du festival, Alberto Barbera.
Côté cinéma, Coup de chance marquera-t-il le baroud d'honneur d'un cinéaste en mal d'inspiration ces dernières années, ou un sursaut créatif ? Dans une interview en 2014 au magazine L'Obs, Woody Allen confiait que "(s)on rêve (était) devenu réalité : devenir européen, ou presque" en tournant et finançant ses films, à partir des années 2000, à Londres, Rome, Barcelone, Paris, jusqu'à être "adopté par l'Europe".
Ce 50e film est son premier tourné en France avec des acteurs français, Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Niels Schneider et Valérie Lemercier. Il s'annonce comme un thriller teinté de vaudeville, autour d'une liaison extraconjugale dans le Paris des beaux quartiers, et sortira dans les salles françaises le 27 septembre.
En lice, Sofia Coppola, Michael Mann et Bertrand Bonello
Côté course au Lion d'or, cette 80e édition de la Mostra, qui se poursuit en l'absence de la plupart des plus grandes stars en raison d'une grève historique des acteurs et scénaristes à Hollywood, est encore très ouverte.
Parmi les favoris des critiques internationaux, à mi-parcours, se détache un film fantastique avec la star américaine Emma Stone, Pauvres créatures, du grec Yorgos Lanthimos (The Lobster, La Favorite).
Ont également été remarqués le Ferrari de Michael Mann, avec Adam Driver, ou La Bête de Bertrand Bonello, avec Léa Seydoux.
Le président du jury, Damien Chazelle (La la Land, Babylon), et ses confrères, dont la réalisatrice Jane Campion, doivent voir lundi deux films attendus : Priscilla de Sofia Coppola, un biopic sur l'épouse d'Elvis Presley, et le nouveau film du Japonais Ryusuke Hamaguchi, Evil Does Not Exist, après le succès de Drive my Car, récompensé à Cannes avant d'aller aux Oscars.
Côté français, sont encore attendus en compétition Stéphane Brizé (Hors-Saison, avec Guillaume Canet) et hors compétition Quentin Dupieux, auréolé du succès estival de sa comédie Yannick, pour son dernier film absurde, Daaaaaali !.
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