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Au FAME, festival de films sur la musique, cinq films à ne pas louper cette semaine

Le Fame, festival international de films sur la musique, tient sa 8e édition jusqu'à dimanche à la Gaîté Lyrique (Paris). Une égérie punk, un groupe de jeunes autistes, un obsédé de sons, un club bruxellois des années 80 et un court-métrage OVNI: voici cinq films qui ont retenu notre attention parmi la quinzaine à l'affiche.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Stanislas en concert avec Astéréotypie dans le film "L'Energie positive des dieux" de Laetitia Møller (2022). (LAETITIA MØLLER)

Toutes les musiques ont rendez-vous du 16 au 20 février 2022 à la 8e édition du Fame, festival international de films sur la musique qui se déroule à la Gaîté lyrique (et au Centre Wallonie Bruxelles). De la rumba congolaise, mise à l’honneur avec trois films, à la french touch (le film Why Versailles ?), ce festival écoute et sonde tous les soubresauts du monde via les ondes sonores. Cette année a toutefois été "un peu particulière. La pandémie a déréglé la machine et saboté le rythme des productions et des sorties", nous explique le co-programmateur Olivier Forest. "D’habitude, des films ayant fait leur première dans un grand festival, comme ceux de Cannes ou Sundance, passent ensuite chez nous. Cette année, beaucoup de films sont sortis directement en ligne. Par exemple le documentaire de Todd Haynes sur le Velvet Underground, que j’attendais depuis cinq ans, est parti directement sur Apple. Le modèle est en train d’évoluer et une de nos nouvelles missions est d’établir un dialogue avec ces plateformes."

"Il y a également une vraie évolution des formats", souligne Olivier Forest. "Une grosse partie de la production de documentaires musicaux correspond à des formats en ligne. Il y a des choses très longues comme la série Get Back sur les Beatles de Peter Jackson. Nous sommes très en veille là-dessus. Au Fame, une journée dédiée aux professionnels va d’ailleurs étudier l’explosion de l’offre de documentaires musicaux, très nette depuis un an, un phénomène qui tient vraiment aux plateformes. Elles ont compris que cela attirait de nouveaux abonnés et de leur côté les labels de musique s'en emparent pour reprendre la main sur le story-telling de leurs artistes et élargir leur audience." Dans le genre, le Fame programme le documentaire sur la pop star Charli XCX : Alone Together, qui la montre réalisant durant le confinement un album entier avec le concours de ses fans, via les réseaux sociaux. Une autre façon de livrer son intimité dans une mise en scène de soi qui tient autant de la créativité que de l’auto-promo.

Voici cinq films de la programmation qui ont retenu notre attention.

"Poly Styrene : I Am A Cliché"

Si le groupe X-Ray Spex n’a réalisé qu’un seul album, Germ Free Adolescents (1978) et une poignée de singles, dont le classique Oh Bondage, Up Yours, cette formation anglaise reste un emblème du mouvement punk. Sa figure de proue, la chanteuse métisse Poly Styrene, qui a influencé nombre d’artistes comme Neneh Cherry, les Riot Grrrrl et la scène afro-punk, méritait bien un documentaire. Co-réalisé par sa fille Celeste Bell, ce film raconte la trajectoire hors du commun d’une icône punk mais aussi l’enfance chaotique de sa fille, et son long chemin pour renouer avec cette mère hors-norme, emportée par un cancer en 2011. "Cinq ans après sa mort, je me suis enfin plongée dans ses affaires et j’ai été soufflée par son talent artistique", confie Celeste Bell dans le documentaire. "J’ai aimé assembler ensemble les pièces du puzzle qu’elle avait été avant de m’avoir".

Née Marianne Elliott-Said en 1957, Poly Styrene grandit à Brixton, un quartier alors pauvre de Londres, et monte un groupe après avoir assisté à un concert des Sex Pistols. Ses paroles sont uniques, subversives, féministes, critiques du consumérisme. Même chez les punks, son look tranche : couleurs vives, robes en plastique, revendication de ses rondeurs et bracelets de dents. Le succès est majeur, en Grande-Bretagne et à New York, et l’histoire s’emballe. Mais à 21 ans, cette hypersensible est diagnostiquée à tort schizophrène (elle était en réalité bipolaire), et est internée. Sa vie prend un tour tragique, et, détour en Inde chez la secte Hare Krishna compris, sa fille en fera les frais. Très riche en archives visuelles (vidéos, photos, dessins, paroles de chansons), ce film est un beau portrait nuancé, à la fois d’une artiste singulière, d’une mère déviante, mais aussi celui de sa fille en miroir et celui d’une époque en toile de fond.
Poly Styrene : I Am A Cliché de Paul Sng et Celeste Bell (2020, 1h33). Première parisienne Vendredi 18 février 2022 à 20h à l’Auditorium

"A Symphony of Noise – Matthew Herbert’s Revolution"

"Le son c’est la vie" : c’est, résumé à gros traits, le credo de Matthew Herbert. Cet artiste britannique, dont la vie a été révolutionnée par l’achat d’un sampler à l’âge de 16 ans, s'est fait connaître à la fin des années 90, en tant que remixeur au sein de la vague des "bidouilleurs électroniques". Depuis, cet obsédé de sons a marqué les esprits avec l’album Plat du jour (2005), basé sur des échantillons sonores de cuisine et de nourriture puis avec One Pig (2011), qui racontait, toujours en sons, la destinée d’un porcelet, de sa naissance jusqu’à l’assiette. "Je pense que ma responsabilité en tant qu’artiste est de changer les perceptions des auditeurs", dit ce musicien qui pourrait enregistrer l’herbe en train de pousser.

Qu’est-ce que le son de l’amour ? Et celui du système financier ? Qu’entend un arbre lorsqu’un de ses congénères est abattu ? Matthew Herbert se pose beaucoup de questions. Très critique de la société, souvent passionnant mais parfois fastidieux à suivre dans ses raisonnements, il ne donne cependant aucune leçon : "je fais autant partie du problème que n’importe qui", reconnait-il. Pour ce documentaire, le réalisateur a suivi cet original dans ses aventures durant dix ans. On le voit sur et hors scène, élaborer des dispositifs siphonnés, enregistrer sur la tombe de Gustav Malher ou dans un fish and chips (et faire frire une trompette), mais aussi monter The Brexit Big Band, un groupe de chanteurs et musiciens venus de tous les pays d’Europe "pour faire l’opposé du Brexit, quelque chose d’ouvert et de généreux". Aujourd’hui, il passe au stade supérieur : acoquiné avec un astrophysicien, Matthew Herbert s’est mis en tête d’écouter l’univers…
A Symphony of Noise – Matthew Herbert’s Revolution de Enrique Sanchez Lansch (2021, 1h33), Première parisienne Samedi 19 février 2022 à 13h45 à l’Auditorium

"L’énergie positive des dieux"

"Ça m’emmerde le médicament, la pilule bleue, quand est-ce qu’on va l’arrêter ?" demande Kevin, sur quelques notes de piano. "Ce qui me met en colère, c’est quand les gens se moquent de moi", enrage Stanislas sur un déluge sonore énergique. Dans le groupe Astéréotypie, un projet à la fois éducatif et artistique monté en 2010, ils sont quatre chanteurs à se relayer : Yohann, Stanislas, Aurélien et Kevin. Quatre jeunes gens autistes dont les paroles atypiques et les phrasés lunaires aimantent l’oreille sur un genre de post-punk énergique tirant parfois sur le garage-rock ou le noisy. Ponyo sur la falaise, Le cachet, Marie-Antoinette, Alphabétix : leurs chansons, dans lesquelles ces hypersensibles partagent leurs angoisses et leurs enthousiasmes, tiennent sacrément la route, surtout sur scène où la mixture, à la fois surréaliste et habitée, déménage follement.

Ce film, déjà récompensé au Champs Elysées Film Festival, nous plonge au cœur de leur processus créatif, en compagnie de Christophe L’Huillier, patience d’ange et sacré guitariste, qui veille comme le lait sur le feu sur cette aventure humaine et musicale. Il gère les séances d’écriture, les répétitions et les concerts mais aussi les humeurs, les difficultés et les oublis des uns et des autres, et donne lui aussi tout sur scène, en compagnie de trois autres musiciens, portant haut le "spoken word" des chanteurs. Alors qu’un nouvel album d’Astéréotypie est attendu cette année, le groupe se produit à l’issue de la projection à la Gaîté Lyrique. A coup sûr l’un des temps forts du festival cette année.
L’Energie positive des dieux de Laetitia Møller (2020, 1h10). Projection suivie d’un concert d'Astéréotypie, Samedi 19 février à 17h45 dans la Grande Salle.

"Mirano 80, l'espace d'un rêve"

A Paris, dans les années 80, les fêtards noctambules avaient Le Palace. A Bruxelles, "l’endroit où il fallait être", c’était Le Mirano Continental. "Il y avait un vent de renouveau, on voulait insuffler de la créativité dans tous les domaines", résume un des témoins de cette aventure. Musique éclectique, projections d'images, light show, décors fous, concerts, défilés de mode, happenings, soirées costumées à thème: tout était bon pour en mettre plein la vue et permettre aux clubbeurs (et aux observateurs passifs) de s’éclater. Comme lors de cette soirée romaine restée dans les annales, avec ses figurants déguisés en gladiateurs et son public qui jouait à fond le jeu du glamour et de la réinvention de soi.

Ce documentaire aux couleurs passées nous immerge dans l’atmosphère débridée des années 80, à la rencontre de la petite bande de jeunes Belges qui, inspirée du Club 54 à New York, créa cet espace flamboyant où l’imagination au pouvoir repoussait toujours plus loin les limites de la faisabilité. Niché dans un vieux cinéma abandonné des années 50 et resté dans son jus, ce club était, comme Le Palace, "un lieu de transgression indispensable à l’équilibre sociétal et à l’émancipation de la jeunesse", analyse un intervenant. Mais toutes les bonnes choses ont une fin : pour n’avoir pas vu venir la house et la techno, cette institution du quartier Saint Josse devint elle aussi "has been".
Mirano 80 – L’espace d’un rêve de Luc Jabon, Thomas et Purcaro Decaro (2021, 1h17). Première française en présence des réalisateurs suivie d’un concert de Mathilde Fernandez et d’un DJ set d’Olivier Gosseries, au Centre Wallonie Bruxelles (127-129 rue Saint Martin dans le quartier Beaubourg) Mercredi 16 février à 19h45.

"Le Boug Doug"

Avec ce court-métrage de fiction, le jeune réalisateur Théo Jollet, dont c’est le projet de fin d’études à l’ENSAD, trace une route singulière très prometteuse. Difficile de parler de ce film qui nous a tapé dans l’œil sans risquer de trop en dire. Une bande de jeunes qui rappe en mode freestyle, tape la balle et traîne de terrains vagues en petits rades, va voir son train-train bouleversé par l’apparition d’une créature surnaturelle. Tout est audacieux et réussi dans ce film : l’histoire, la narration, les acteurs, la photo, le montage. Mais aussi la musique, du rap de la petite bande au R&B de la créature. Une musique signée du mystérieux (ou de la mystérieuse) OGRASK. On aurait adoré qu’un concert vienne couronner la projection. 
Le Boug Doug de Théo Jollet (2020, 25 mn). Première parisienne en présence de l’équipe du film, Samedi 19 février 2022 à 19h15 à l’Auditorium (avec deux autres court-métrages).

La 8e édition du festival FAME se tient du 16 au 20 février 2022 à La Gaîté Lyrique (Paris)

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