Avec "Rifkin's Festival", Woody Allen offre l'un des derniers écrins à ses névroses
Ce 13 juillet, ostracisé depuis #MeToo, Woody Allen sort "Rifkin's Festival", une comédie sur un cinéphile vieillissant, sardonique et névrosé. Un film aux allures de testament rempli d'hommages, alors que le cinéaste a confié son envie de raccrocher les gants.
Possiblement l'un des derniers films de Woody Allen, Rifkin's festival sort dans les salles françaises ce mercredi 13 juillet. Au coeur de cette comédie noire : les névroses sentimentales d'un amoureux du cinéma qui prend de l'âge, étrangement semblable au réalisateur new-yorkais, pointé du doigt depuis #MeToo. Comme un début d'adieu pour l'octogénaire, après avoir évoqué récemment la pensée de ranger sa caméra définitivement.
Le réalisateur connaissait déjà des difficultés pour financer ses films, mais a vu l'industrie lui tourner en quasi-totalité le dos après que sa fille adoptive Dylan Farrow l'a accusé de l'avoir agressée sexuellement quand elle était enfant. Woody Allen nie ces accusations, pour lesquelles aucune des deux enquêtes lancées n'a abouti. Rifkin's Festival, disponible en ligne et dans quelques salles aux États-Unis, ne sort que mercredi en France, l'un des pays où le public est le plus fidèle au cinéaste, deux ans après sa présentation en ouverture du festival de San Sebastian en Espagne.
Un personnage auto-biographique
Il a d'ailleurs été tourné sur place, avec pour personnage principal un certain Mort Rifkin, écrivain raté et hypocondriaque. L'acteur et dramaturge Wallace Shawn, proche de Woody Allen et habitué des seconds rôles, incarne cet intellectuel juif obsédé par les femmes, la religion et le sens de la vie - personnage semi-autobiographique omniprésent chez le cinéaste de la côte Est.
Ancien professeur de cinéma, amoureux des grands réalisateurs européens du XXe siècle et de la Nouvelle Vague, Rifkin se rend à San Sebastian pour accompagner sa femme, Sue (Gina Gershon). Il suspecte cette dernière, attachée de presse dans le cinéma, d'entretenir une liaison avec le réalisateur en vogue dont elle s'occupe, et pour lequel il a le plus grand mépris, Philippe (Louis Garrel, parfait dans le rôle du cinéaste tête à claques et nonchalant).
Son hommage au cinéma d'auteur européen
Fatalement, de son côté, Mort tombera amoureux d'une autre femme, Jo (Elena Anaya), une cardiologue bien plus jeune que lui, qu'il va consulter sous tous les prétextes, avant de tenter de la libérer de l'emprise de son mari, un artiste passionné mais violent joué par Sergi Lopez. A 86 ans, l'auteur d'Annie Hall et Manhattan ne sort pas des sentiers battus. Les réparties sont parfois savoureuses, mais les situations quelque peu éculées, dans une comédie en forme d'hommage au cinéma d'auteur européen du XXe siècle.
Les Européens sont arrivés, et les films sont devenus adultes
Mort Rifkin, incarné par Wallace Shawn
Bergman, Fellini, Godard, Truffaut, Buñuel... Le film est parsemé de clins d'oeil aux grands réalisateurs que Woody Allen vénère, lui qui fait dire à son personnage, navré de la production cinématographique contemporaine, que dans l'histoire du cinéma, "les Européens sont arrivés, et les films sont devenus adultes". Allen lui-même est apparu las, lors d'une interview donnée à l'acteur Alec Baldwin, sur le compte Instagram de ce dernier, fin juin, où il n'a pas écarté que son 50e film, qu'il doit tourner à Paris en septembre, soit le dernier.
"Il ose tout"
"Je vais probablement faire ce film supplémentaire mais beaucoup de l'enthousiasme s'est évaporé", a-t-il lâché. "Je ne m'amuse plus autant à faire un film et à le faire projeter sur grand écran", a-t-il ajouté, évoquant l'arrivée du streaming. Woody Allen est-il comme le personnage de Rifkin's Festival, dépassé par les évolutions du monde qui l'entoure, et ne trouvant comme seul refuge que les classiques du 7e art ?
Dans le film, Rifkin rêve, en noir et blanc, rejouant en mode pastiche des scènes cultes de ses films fétiches, de Jules et Jim à Un homme et une femme, jusqu'à se retrouver, comme dans Le Septième Sceau, à jouer aux échecs avec la mort (interprétée par Christoph Waltz)... qui l'enjoint de surveiller son cholestérol pour repousser l'échéance ! Croisé lors d'une projection privée du film à Paris, le réalisateur Claude Lelouch souriait de l'hommage impertinent fait par le New-Yorkais à son cinéma : "Il ose tout !", a-t-il résumé, en sortant de la séance.
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