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Berceau du groupe N.W.A., Compton en Californie sous les feux des projecteurs
"Straight outta Compton", le film qui retrace l'ascension du groupe N.W.A., a mis la petite ville de Compton, berceau du rap de la côte ouest, sous les projecteurs mondiaux... Pour le meilleur et pour le pire.
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Le film "Straight Outta Compton", sur l'épopée du groupe N.W.A, initiateur du "gansta rap", a gardé le devant de la scène au box-office nord-américain pour son deuxième week-end à l'écran.
A Compton, certains se frottent les mains...
Dans la petite ville californienne de Compton, non loin de Los Angeles, certains comme Hodari Subadu, qui organise des visites guidées de Compton, se frottent les mains face au succès du long-métrage produit par Dr Dre et Ice Cube, deux membres de N.W.A. "Ce n'est pas un film, c'est une pub pour mes visites", plaisante-t-il, affirmant avoir vu son chiffre d'affaires bondir. Lonzo Williams, le promoteur, producteur, propriétaire de boîtes de nuit qui a découvert Dr Dre et enregistré le premier titre de N.W.A., se réjouit aussi. Le film "va faire de moi une célébrité", s'amuse-t-il, alors que son personnage est représenté au début du film, et qu'il prépare un livre pour raconter "tous les détails de l'histoire"."Je donne dix sur dix au film en tant que divertissement. Par contre, pour l'exactitude des faits, c'est plutôt cinq", dit-il en riant. Il nie notamment avoir demandé à Dr. Dre, embauché comme DJ dans ses soirées au club Doo-to's, d'arrêter de passer du rap pour privilégier le disco. "J'ai toujours été un grand fan de rap !", assure-t-il. Quant à la scène où Dre arrache la veste mauve que Lonzo lui demandait d'arborer sur scène, il s'exclame, en montrant un costume rouge vif à paillettes porté par le rappeur à l'époque, encadré dans son bureau : "Ils adoraient ces costumes, ça faisait tomber toutes les filles".
Mauvaise réputation
Grand et corpulent, chaîne dorée autour du cou, il se souvient, depuis le studio sombre où Dr Dre, Ice Cube, Eazy-e et DJ Yella ont fait leurs débuts, de la première fois qu'il a vu Dr Dre mixer sur scène: "Ce qu'il a passé était si unique, que tout le monde s'est arrêté de danser pour l'écouter". Il estime que le gangsta rap a représenté un cadeau empoisonné pour Compton. "Cela a donné une très mauvaise réputation à la ville. Quand on écoutait certaines chansons on aurait dit que les rues étaient jonchées de cadavres".Masai Minters, conseiller à l'université UCLA et natif de Compton, estime aussi que la petite ville est souvent injustement représentée. "Nous avons de très bons quartiers, de belles maisons, des familles qui réussissent et un sens de la communauté unique. Je me sens en sécurité ici et je suis toujours fier de dire que je viens de Compton", explique-t-il en conduisant dans de jolies rues bordées de maisons cossues et de jardins bien entretenus, dont celle de son ami Jo Brown, cinéaste.
Ce dernier admet toutefois qu'au moment où N.W.A a commencé à jouer, "la ville a commencé à être touchée par un conflit entre les gangs rivaux des Crips et des Bloods. Ils ont semé violence et terreur". "Le gangsta rap est né de ça", ajoute-t-il en montrant sur les murs d'un bâtiment une véritable bataille de tags rouges et bleus, symboles des Bloods et des Crips, qui sévissent toujours.
Ice Cube et Dre ont raconté leur ville
Pour l'expert musical Greg Everett, le gangsta rap frémissait à la fin des années 1980 ailleurs en Californie. Il attribue notamment les premiers disques e gansta rap à Ice-T, qui venait de Los Angeles. Mais "le succès de N.W.A a braqué les projecteurs sur Compton", poursuit-il.Le journaliste et professeur à l'université de Syracuse Corey Takahashi remarque aussi que les rappeurs de Compton, d'où viennent aussi les jeunes stars Kendrick Lamar ou The Game, ont aussi bénéficié de la proximité avec les grands médias de Los Angeles. Masai Minters dit retrouver l'esprit de Compton dans les paroles de N.W.A., qui parlaient de "passer du bon temps, et des voitures". "Il y avait du sexisme, de la misogynie dans ces chansons. Mais elles étaient aussi inspirantes et elles vous faisaient danser", ajoute-t-il.
Ice Cube et Dre se décrivaient comme des "journalistes" qui racontaient ce qui se passait dans les rues de ces quartiers: la drogue, les gangs, la violence policière. Selon Masai, celle-ci "n'a pas changé du tout" en près de trente ans. Corey Takahashi souligne toutefois que Compton, qui depuis est devenue à majorité hispanique, est bien moins violente qu'à l'époque: "En 1989 la ville avait enregistré 86 homicides. Il n'y en a eu que 7 cette année".
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