Cannes 2013: « La Grande Bellezza », Sorrentino aux confins de Fellini et Céline
De Paolo Sorrentino (Italie/France), avec : Toni Servillo, Luis Tosar, Carlo Verdone - 2h30 - Sortie : 22 mai 2013
Synopsis : C’est l’été à Rome et la cité éternelle brille d’une beauté insaisissable et définitive. Jep Gamberdella a soixante-cinq ans, il continue de dégager un charme sur lequel le temps ne semble pas avoir d’emprise. Auteur dans sa jeunesse d’un seul roman, "L’Appareil humain", il n’a plus rien écrit depuis. Il est devenu un très grand journaliste qui fréquente la haute société romaine et les mondanités. Sa vie est une succession de rendez-vous et de fêtes excentriques dont il est le protagoniste. Jep, cynique, désabusé et souffrant, assiste à la crise d’une société qui semble avoir transformé les hommes en monstres. Seul le souvenir de l’amour innocent de sa jeunesse sortira Jep de la résignation qu’il semble avoir choisie comme existence. Peut-être est-il temps pour lui de se remettre à écrire.
Ville phare de la culture européenne, Rome a inspiré nombre de cinéastes, de « Vacances romaines », à « Journal intime », en passant par « La Dolce Vita » et « Roma » de Fellini. Sans doute le cinéaste italien le plus en phase avec son temps, Paolo Sorrentino consacre son nouveau film à la capitale italienne avec comme guide son acteur de toujours, Toni Servillo. La musique originale de Lele Marchitelli participe également grandement du film, y compris les emprunts fait au dance flor et aux chants liturgiques d’une grande beauté émotive et sensuelle.
En traversant les sphères de la haute société romaine, Sorrentino se situe plus du côté de la « Dolce Vita » que de « Roma ». Jem (Toni Servillo) est une figure de la jet set, enchaînant party sur party, au contact de la société romaine la plus huppée. Journaliste, il a écrit par le passé un ouvrage qui a instaurée sa réputation et sa fortune. Couru, il regarde tous ces courtisans avec dédain et misanthropie. Peu sympathique, il n’en révèle pas moins ses blessures, mais surtout sa sensibilité à vivre au milieu de tant de beautés subjugantes, Rome, que son entourage ne semble plus capable de capter.
Dans le contre-jour de Fellini et de Céline
Bien sûr, dans les personnages qui environnent Jem surgissent quelques figures felliniennes, prostituées, nains, couguars fardées, femmes enveloppées… et Sorrentino s’attarde sur les beautés architecturales romaines, comme « il Maestro » le faisait dans « Roma ». L’héritage est revendiqué et assumé. Mais si la beauté de l’image est envoûtante, des tics de filmage, comme ces nombreux travellings planants deviennent redondants, et au final surfaits. Si le monologue de Jem est parcouru de très belles phrases, maximes et anecdotes, savamment écrites, elles restent imprégnées d’une misanthropie cynique un peu veine, même si sa déclaration finale le remet sur les rails de la rédemption (air connu).
Reste que Paolo Sorrentino donne un film d’une beauté visuelle époustouflante, auquel l’on ne peut rester insensible. Mais avec au cœur un personnage déchiré, dont l’aisance nourrit un cynisme dérangeant, très célinien, qui peut rebuter. Fellini, auquel le film doit beaucoup, faisait de même mais en se référant au peuple (« Roma »), ou à une jeunesse médiatique en plein essor (« La Dolce Vita »), plus fraîche. Autre époque, autres mœurs.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.