Cannes 2013 : "Michael Kohlhaas", film médiéval bancal en compétition
De Arnaud des Pallieres (France), avec :Mads Mikkelsen, Bruno Ganz, Sergi López, Paul Bartel - 2h02 - Sortie : 3 juillet 2013
Synopsis : Au XVIème siècle dans les Cévennes, le marchand de chevaux Michael Kohlhaas mène une vie familiale prospère et heureuse. Victime de l'injustice d'un seigneur, cet homme pieux et intègre lève une armée et met le pays à feu et à sang pour rétablir son droit.
« Michael Kohlhaas » adapte le roman éponyme de 1810 d’Heinrich von Kleist, déjà portée à l’écran en 1937, et deux fois en 1969, dont une version est signée Volker Schlöndorff, et fut présenté en compétition à Cannes. L’action, adaptée de faits véridiques survenus dans une province allemande au XVIe siècle, voit un riche marchand de chevaux floué par un seigneur local, à qui il demande en vain réparations. Econduit, Michael Kohlhaas leva une armée pour gagner gain de cause, puis se retira après négociations, étant arrivé à ses fins, avant d’être tout de même exécuté pour le désordre engendré.
Très beau sujet, la lecture d’Heinrich von Kleist ayant à elle seule déclenché la vocation littéraire de Kafka, selon les dires. Arnaud des Pallières décida de transposer l’histoire d’Allemagne en France dans les Cévennes, à cette époque charnière entre le Moyen-âge et la Renaissance, aux début de la Réforme dont est fortement imprégnée le roman original. Premier faux pas du film : il fait jouer son héros par un acteur danois en français, nanti d’un accent à couper au couteau. Soit. Mais que fait cet Allemand, joué par un Danois, dans les Cévennes, alors qu’il semble implanté et respecté dans la région depuis des lustres, marié à une française, habitant une bâtisse seigneuriale : mystère. Si le mystère participe de la narration, il est ici quelque peu malmené. L'on en déduit qu'il a immigré en raison du culte nouveau, mais cela n'est jamais explicité clairement. Narration et budget au petit pied
L’interprétation de Mads Mikkelsen n’est aucunement remise en cause, il a le charisme du personnage et interprète son stoïcisme luthérien à la perfection. Mais sa présence injustifiée décrédibilise les fondements d’une histoire qui repose sur ses épaules, par un manque de cohérence. Bien introduite, l’intrigue n’ira qu’en s’enfonçant à force d’ellipses plus ou moins maîtrisées. Si la photographie est belle, elle favorise la lumière extérieure, les intérieurs s’avérant d’une extrême rareté. Aussi, la mise en scène souffre visiblement d’un budget de coproduction étriqué, comme si tout l’argent avait été mis dans le casting.
Alors que le texte originel est parcouru de violence et d’exactions diverses, tout est éludé dans le film, sans rendre compte de l’ampleur des dégâts produits par un homme qui ne recherche aucunement à provoquer un soulèvement populaire, une révolution, mais à voir respectés ses droits, à titre personnel. On s’en prend à rêver d’un tel sujet mis entre les mains d’un Paul Verhoven. Une belle scène demeure, celle ou Denis Lavant, en pasteur, met Michael Kohlhaas face à sa conscience, entre sa requête justifiée et les moyens pour la voir honorée. C’est tout le dilemme du sujet et le tournant du film. Mais elle ne rattrape pas une production globalement sentencieuse, sinon prétentieuse, qui ne se donne pas les moyens de ses objectifs.
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