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Cannes 2014 : "Mr. Turner", un biopic solaire sur le peintre signé Mike Leigh
Prix de la mise en scène en 1993 pour "Naked", Palme d'or en 1996 pour "Secrets et mensonges", Mike Leigh est bien récompensé de ses efforts pour être parvenu à réaliser son biopic sur le peintre paysagiste britannique J.M.W. Turner (1775-1851). Tout simplement titré "Mr. Turner", il réalise un film solaire sur "le peintre de la lumière".
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La note Culturebox
3 / 5 ★★★☆☆
3 / 5 ★★★☆☆
Réalisé par Mike Leigh (Grande-Bretagne), avec : Timothy Spall, Roger Ashton-Griffiths, Jamie Thomas King, Julian Seager, Lesley Manville - 2h29 - Sortie : non déterminée
Synopsis : Les dernières années de l’existence du peintre britannique, J.M.W Turner (1775-1851). Artiste reconnu, membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts, il vit entouré de son père qui est aussi son assistant, et de sa dévouée gouvernante. Il fréquente l’aristocratie, visite les bordels et nourrit son inspiration par ses nombreux voyages. La renommée dont il jouit ne lui épargne pas toutefois les éventuelles railleries du public ou les sarcasmes de l’establishment. A la mort de son père, profondément affecté, Turner s’isole. Sa vie change cependant quand il rencontre Mrs Booth, propriétaire d’une pension de famille en bord de mer. Timothy Spall, premier prétendant au Prix d'interprétation
C'est la cinquième fois que Mike Leigh participe à la compétition cannoise. Sa dernière apparition remonte à 2010 avec "Another Year" qui avait enthousiasmé, avec raison, les festivaliers, mais n'avait reçu, au désarroi de tout le monde, aucune distinction. Cette fois, c'est son acteur complice Timothy Spall, dont c'est la cinquième participation à un de ses films, qui se place d'emblée en position pour un Prix d'interprétation, tant sa prestation est remarquable.
Mike Leigh prend William Turner à la fin de sa vie. Il dépeint un homme plein d'énergie, toujours à l'affut d'une nouvelle toile, de voyages inspirateurs, tout en jouissant de l'existence à chaque instant, de la bonne chaire et des femmes. Les retrouvailles avec son père, également son assistant (Paul Jasson) dans la première partie, sont jubilatoires. Il s'amuse des polémiques qu'il suscite, mais est blessé quand on le brocarde un peu trop. Les scènes de préparation au Salon des Beaux-arts, où Mike Leigh croque avec délectation la faune artistique du temps, sont savoureuses. Turner y apparaît particulièrement facétieux et amusé, notamment lors d'une provocation à l'encontre de son rival Constable, comme lui peintre de paysages et de marines. Immersion dans la peinture
Turner n'apparaît pas moins bougon, avec ce visage qu'il qualifie lui-même de "batracien", ses grognements et borborygmes incessants, signes de son humeur, bonne ou mauvaise. L'objectif de Mike Leigh de montrer l'homme derrière le peintre est pleinement atteint, à la fois révulsif et attachant. Notamment dans ses rapports aux femmes, sa gouvernante, et sa dernière maîtresse, Mrs Booth, qui le cajole, le materne et avec lequel elle vit un véritable amour, se fichant bien de sa carrière de peintre célèbre, tout en l'aidant dans sa tâche. La première, réduite à l'état de servante et d'objet sexuel, en tire une grande frustration somatisée dans une terrible maladie de peau. Le film se termine sur elle, un très beau plan traduisant son état de grande solitude. Deux portraits de femmes qui participent pour beaucoup de celui de Turner, d'une grande sensibilité. L'autre réussite majeure du film est de visualiser l'immersion de Turner dans sa peinture. Mike Leigh ne se limite pas à reconstituer sur l'écran des toiles du maître, mais il immerge le spectateur dans sa vision. "Peintre de la lumière", Turner est visualisé comme tel dans l'éclairage de scènes où son observation de la nature transcrit ce qu'il va en déduire sur la toile. C'est le cas de ses marines, de ses couchers et levers de soleil, mais aussi d'une de ses toiles les plus célèbres "Pluie, vapeur et vitesse" (1844), où le peintre évoque la révolution du chemin de fer en Grande-Bretagne. Toutes ces visions rejoignent la performance photogénique du film, signée Dick Pope, servie par une reconstitution historique sobre et atmosphérique, un casting des seconds rôles très évocateur du temps, avec des trognes spectaculaires… Un film magnifique, mais qui aurait gagné, sur sa durée de 2h30, à être quelque peu élagué.
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