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Cannes 2015 : "Amy", vie et mort d'une étoile filante
Auteur d'un biopic remarqué sur Ayrton Senna, Asif Kapadia présente à Cannes son documentaire consacré à Amy Winehouse, l'extraordinaire chanteuse britannique disparue à 27 ans en 2011. Un film qui, grâce à d'innombrables documents inédits, nous plonge dans l'intimité de l'artiste. Bouleversant et parfois dérangeant.
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La note Culturebox
4 / 5 ★★★★☆
4 / 5 ★★★★☆
C'est une adolescente joufflue et souriante, sucette à la bouche. Pour sa copine, elle entonne "Happy birthday". Et déjà la magie opère, cette gamine-là a de l'or dans les cordes vocales. Pour son plus grand malheur. Car le succès va tuer ce petit bout de femme qu'une caméra instable nous fait découvrir en ouverture d'"Amy".
Des documents comme celui-ci, il y en aura d'autres. Vidéos familiales, photos extraites des albums privées, messages laissés sur des répondeurs… Asif Kapadia choisit de laisser ses interviews en "off" et de privilégier cet invraisemblable matériau, au point de nous mettre parfois mal à l'aise. Mais, au final, il faut reconnaître qu'une telle immersion dans l'intimité d'une vie et d'une carrière est exceptionnelle.
La jeune Amy Winehouse n'est pas exagérément inhibée, elle dit tout ce qu'elle pense. Sur le sexe, la drogue ou l'amour dont elle a manqué enfant. Mieux, elle l'écrit, elle en fait le terreau de ses plus belles chansons. Blake, l'amour de sa vie ou les cures de désintoxication. De ses drames, elle nourrit de formidables tubes.
Amy est unique, dotée d'un sacrée caractère. "Elle vous mettait à l'aise pour mieux vous secouer ensuite" se souvient son premier manager, son ami. Mais ses fêlures la menacent. Alors qu'elle rencontre ses premiers succès, elle s'inquiète déjà : "La célébrité me rendrait folle, je crois". Elle le redira plus tard, plus radicale encore : "Si je me prenais pour une célébrité, je me flinguerais".
Mais le succès arrive, couplé à de grosses peines de cœur. Amy picole du matin au soir, enchaîne les aventures, essaie toutes les drogues, bientôt accro. Elle chante aussi de mieux en mieux, comme si sa voix profitait de ses excès. Dès le départ, la chute est écrite.
De moins en moins consciente, elle est traînée de scène en scène par un entourage peu scrupuleux. Il y a des alertes, elle s'évanouit, mais on la met dans un avion, semi-comateuse, pour chanter à Belgrade et "respecter les obligations contractuelles". Sur la scène, elle n'est qu'une loque humaine, défoncée, incapable de tenir debout. Le public hurle "chante ou rembourse". Elle quitte la scène sous les sifflets. Au téléphone, elle dit à son amie "Je crois que j'ai merdé".
Les images font le tour du monde, elle est célébrissime mais on se délecte de son malheur. Dans tous les shows, les humoristes en ont une bien bonne, bien grasse, à son sujet. Des dizaines de paparazzis suivent ses errements dans les rues de Londres, regard perdu, triste à crever depuis que son mari est en prison. La fin, on la connaît, tellement prévisible. Le cœur qui lâche. Et le ballet des parapluies qui s'ouvrent, famille, tourneurs ou managers, qui se renvoient la responsabilité du drame.
On préfère garder une image. Quelques mois avant sa mort. Amy est une star mondiale récompensée par six Grammy Awards, mais elle est intimidée comme une enfant au moment de chanter en duo avec Tony Bennett, l'idole de son père. Bennett qui, dans ce documentaire dit l'essentiel : "C'était une authentique chanteuse de jazz". Un diamant brut.
Présentation du documentaire "Amy", de Asif Kapadia
Reportage : S. Gorny / A. Berthiau / N. Berthier / G. Gheorghita / P. Guény
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