Cannes 2016 : "L'économie du couple", ou l'argent comme arme ultime de l'amour
Elle, Marie (Bérénice Bejo) fin de trentaine resplendissante, lui, Boris (Cédric Kahn) juste un peu plus vieux, un peu plus abîmé. En quinze ans de vie commune, le couple a donné naissance à des jumelles aujourd'hui âgées de 8 ans, et fini par accumuler aigreurs et désaccords. Mais voilà, lui est un loser sans revenus fixes, un peu rêveur et très procratinateur, alors qu'elle est née dans une famille aisée et a toujours travaillé. Au moment de se séparer se pose le problème du partage. Elle a calculé lui devoir un tiers de la valeur de l'appartement, leur bien commun. Lui estime avoir droit à la moitié. C'est sur ce désaccord que va se cristalliser la rancoeur.
Entre Marie et Boris le désamour est à la hauteur de la passion passée, encore perceptible. Le titre du film, ouvre très adroitement plusieurs voies, "économie" pouvant être interprété de diverses manières. Joachim Lafosse propose implicitement des pistes, à chaque spectateur de choisir l'interprétation qui lui convient.
Intimiste sans pathos outrancier
"L'économie du couple", et c'est rare dans la catégorie souvent décriée du film intimiste à la française, n'appuie pas sur le pathos. Les protagonistes ne sont pas un écrivain raté et une libraire introvertie. Ils sont nos voisins, nos amis, nous-mêmes. Marie et Boris sont parents, essaient de s'acquitter au mieux de cette mission. Ils se débrouillent plus ou moins dans la vie. Plus pour elle, moins pour lui. Mais surtout ils ont un passé, une histoire, aussi intense que banale. Joachim Lafosse réussit à rendre sa situation absolument crédible sans pour autant verser dans le cinéma vérité. Et c'est là que réside toute sa force. Cette histoire de désamour passionnel touche ou a touché tout le monde, dans sa propre vie, dans celle de proches, celle de ses parents... Les enfants (les jumelles Margaux et Jade Soentjens) ne jouent pas la comédie, elles vivent les situations, exactement comme si Bérénice Bejo était leur mère et Cédric Kahn leur père. Et tout le film est à l'aune de ce miracle. Le scénario concocté par le réalisateur avec Mazarine Pingeot, Fanny Burdino et la collaboration de Thomas Van Zuylen respire la vérité. Tout est finalement très simple dans cette histoire très compliquée à vivre. Le couple unit dans l'amour reste un couple dans le désamour même et surtout si, parfois, l'amour qui se noie sort la tête de l'eau pour une dernière étreinte.
Le tiers ou la moitié ?
"L'économie du couple" ne se réduit pas à la querelle autour du bilan financier de ces deux-là qui s'aimaient et qui ne s'aiment plus, ou plus assez, ou mal. Le tiers, la moitié du produit de la vente de la maison, finalement, quelle différence ? Boris veut surtout que Marie reconnaisse qu'il a été là, que c'est lui qui a rénové la bâtisse et ainsi augmenté sa valeur. Il veut qu'elle reconnaisse qu'il a été présent, utile, qu'il a lui aussi donné sa valeur à cette famille. L'économie d'un couple, c'est aussi cela, nous explique Joachim Lafosse par petites touches jamais larmoyantes. C'est la valeur ajoutée en amour que chacun a apporté au tout. Et qui ne se résume pas, loin de là, à un tiers ou à la moitié de la valeur d'une maison.
"L'économie du couple"
Film français et belge de Joachim Lafosse
Avec Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Marthe Keller, Margaux et Jade Soentjens
1h38
sortie française date encore inconnue
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