Cannes 2017 : "Okja", fable écologiste coréenne et 1er film Netflix en compétition
Netflix incident
Précédé de la polémique sur la présence de deux films Netflix en compétition à Cannes, qui ne sortiront pas sur les écrans en France, mais seulement sur la plateforme de streaming, la projection d’"Okja" en première de presse à Cannes a été chahutée. Dès que le nom Netflix est apparu à l’écran les huées se sont élevées, rattrapées par autant d’applaudissements. Mais les hostilités se sont prolongées, en raison d’un mauvais cadrage de l’image sur l’écran durant cinq bonnes minutes, fait rarissime au plus grand festival de cinéma du monde, pointilleux sur la qualité de ses projections.Il est étonnant de constater que le film de Bong Joon-Ho, qui subit le dictat du studio pour ne pas être diffusé en salles, ait souffert d’un tel incident… A noter que cette restriction de diffusion ne concerne pour l’instant que la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Corée du Sud, pays du réalisateur, voyant "Okja" distribué dans les salles de cinéma.
Sujet N. Hayter / S. Gorny / N. Berthier / S. Pichavant / R. Torregrosa / C. Labasque
Monstre de technologie
Avec un scénario fondé sur une multinationale exploitant les manipulations génétiques pour produire des animaux gigantesques sous le prétexte d’éradiquer la faim dans le monde, "Okja" actualise le cinéma traditionnel japonais et coréen de films de grands monstres, produits des dérives technologiques, nucléaires notamment, du type Godzilla (Japon) ou Gamera (Corée du Sud). Le premier rôle donné à un enfant comme communicateur privilégié avec la créature est également une constante de ces films, que l’on retrouve dans "Okja".Cinéphile et connaisseur de ces films, Bong Joon-Ho avait déjà traité le sujet dans "The Host" où un monstre gigantesque issu de la pollution d’une rivière décimait une ville coréenne, ce qui a relancé la veine, alors désuète et quasiment abandonnée. Grand raconteur d’histoire, il charge ici particulièrement la firme incriminée dirigée par Tilda Swinton, que le Coréen avait déjà dirigée dans "Snowpierces", toujours formidable dans les rôles de composition.
Végane ?
Bong Joon-Ho cible également toute la politique de manipulation publicitaire et marketing chapeautée par la dirigeante. Elle cultive une image lisse et glamour, bienveillante, tout en s’entourant d’une milice armée agressive. Cette image consensuelle cache une puissante machine de guerre agro-alimentaire, où rien ne nous est épargné de la maltraitance faite aux animaux, et de la cruauté de leur abattage. Des arguments de plus en plus présents pour abolir les régimes carnés et la pelleterie, arcanes de la vague végane très en cours aujourd'hui. "Okja", premier film végan ?L’intervention d’un groupe d’activistes protecteurs des animaux rappelle celui dirigé par Brad Pitt dans "L’Armée des singes" (1995). Les alertes environnementales, de plus en plus prégnantes dans les mentalités, impriment de plus en plus le cinéma, comme c’était déjà le cas dans les années 70 avec la diffusion des thèses écologistes. Par l’histoire de cette petite fille partie à la reconquête d’une créature hybride gigantesque, dont on la prive, "Okja" traite des arcanes du pouvoir, de l’emprise de l’économie sur la moralité, des manipulations de masse. Sous le jour d’une aventure enfantine, aux impressionnants effets spéciaux, et aux images parfois cruelles, "Okja" distille un discours politique absous de toute innocence puérile.
LA FICHE
Genre : Aventure / Science-fiction
Réalisateur : Bong Joon-Ho
Pays : Corée du Sud, Etats-Unis
Acteurs : Seo-hyun Ahn, Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal, Lily Collins
Durée : 2h
Sortie : 28 juin 2017 sur Netflix
Synopsis : Durant dix merveilleuses années chez elle dans les montagnes de Corée du Sud, la jeune Mija a accompagnée et pris soin de son grand ami Okja, un animal imposant. Mais tout change lorsque la firme multinationale familiale Mirando Corporation s’empare d’Okja et l’emmène à New-York où la PDG Lucy Mirando, obsédée par son image et par sa promotion, a de grands projets pour l’amie la plus chère de Mija.
C’est sans stratégie particulière mais avec une idée précise en tête, que Mija se lance dans une mission de sauvetage. Mais cette aventure déjà intimidante s’avère encore plus compliquée dès lors qu’elle doit faire face à des groupes disparates de capitalistes, de manifestants et de consommateurs, tous en compétition pour décider du destin d’Okja…alors que Mija ne rêve que d’une chose : ramener son amie à la maison.
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