Cannes 2018 : bilan avant palmarès, nos coups de cœur, nos coups de gueule
Après deux déceptions relatives au tout début du Festival, avec le film d’ouverture "Everybody Knows" de l’Iranien Asghar Farhadi, avec Penélope Cruz et Javier Bardem, puis l’Égyptien "Yomeddine", d’Abu Bakr Shawky, les choses sérieuses ont bien débuté avec l’extraordinaire "Leto" ("L’Eté) du dissident russe Kirill Serebrennikov.
La suite de la programmation fut d’un bon niveau général, d’où émergent "Cold War" du Polonais Pawel Pawlikowski, "Les Éternels" du Chinois Jia Zhang-Ke, "Une affaire de famille" du Japonais Kore-eda Hirokazu, "BlacKKKsman" de l’Américain Spike Lee, "En guerre" du Français Stéphane Brizé, "Dogman" de l’Italien Matteo Garrone et "Capharnaüm" de la Libanaise Nadine Labaki.
Une sélection riche, cosmopolite et pleine de sens, au sein de laquelle figurent certainement la Palme d’or et les autres prix de ce 71e Festival de Cannes, dont le palmarès est attendu ce soir.
Le palmarès de Culturebox
Notre Palme d’orLa distinction suprême revient sans hésitation à nos yeux à "Leto" de Kirill Serebrennikov, pour l’originalité de son sujet - la naissance de la vague russe rock des années 80 - et la beauté de sa mise en scène. Un accord parfait. Dont acte.
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Notre Grand prix du Jury
"Les Éternels" de Jia Zhang-Ke ressort de cette 71e compétition par la qualité de son scénario qui allie thriller et passion sentimentale dans un contexte social en décrépitude à l’impact désastreux sur des destins individuels. Allié à la magnifique mise en scène du réalisateur de "A Touch of Sin", projeté en 2013, "Les Éternels" mérite de se retrouver au final, comme, on le verra son actrice Zhao Tao.
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Notre Prix du Jury
"Cold War" de Pawel Pawlikowski s’est rapidement imposé comme un favori sur la Coisette. La beauté de son scénario, récit d’un amour impossible entre un musicien et une chanteuse de Varsovie en pleine Guerre froide, allie parfaitement romance, politique et Histoire.
Déchirés par le désir de rester en Pologne et tentés de fuir le régime stalinien, à Paris, ce destin particulier recoupe les enjeux géopolitiques de l’époque. La mise en images, dans un noir et blanc somptueux, format carré, avec une musique remarquable mériterait une récompense.
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Notre Prix de la mise en scène
Reprenant une thématique sociale, au cœur de "La loi du marché" (en compétition en 2015), Stéphane Brizé mériterait la reconnaissance de sa mise en scène pour "En guerre". On croirait le long métrage filmé sur le vif, tel un reportage, alors que son écriture fut méticuleuse, avec une dramaturgie époustouflante, émanant non seulement du script et de la progression narrative, mais aussi de la direction d’acteurs, avec une émotion vibrante et communicative.
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Mais notre cœur balance avec "Carpharnaüm" de Nadine Labaki, qui fait comme Stéphane Brizé le choix d’une mise en scène tout en référence au reportage, en y apportant un lyrisme sans pathos pour en tirer du sens et des émotions justes. Le film ne peut que se retrouver au palmarès.
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Notre prix d’interprétation féminine
À nos yeux Grand prix du Jury, "Les Éternels" de Jia Zhang-Ke mériterait également de voir récompensée son actrice principale Zhao Tao qui parvient non seulement à crédibiliser un même rôle sur une dizaine d’années, mais insuffler une force de caractère à son personnage Elle fait passer tous ses interlocuteurs masculins, des plus machos, pour des gosses se querellant dans une cour d’école.
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Notre prix d’interprétation masculine
Plus difficile de départager les acteurs qui ont dominé dans la compétition. L’évidence serait Vincent Lindon dans "En guerre" de Stéphane Brizé, mais son principal handicap est d’avoir déjà reçu le prix en 2015 pour "La loi du marché " du même réalisateur. Le petit Zain Alrafeea dans "Capharnaüm" de Nadine Labaki circule aussi sur la Croisette. Mais récompenser la première prestation d’un enfant de 12 ans est improbable.
Ressort alors Marcello Fonte dans "Dogman" de Matteo Garrone, qui campe un quidam aimé de tous, harcelé par un gros bras qui l’entraîne dans une spirale infernale et qui va reprendre le dessus. Bouleversant, dans un des meilleurs films de la sélection.
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Notre Prix du scénario
Nombre de scénarios se sont avérés du meilleur cru, mais "Une affaire de famille" de Kore-eda Hirokazu, qui l’a également écrit, est un petit joyau.
L’histoire de cette famille virtuelle composé par un couple stérile, s’inventant une grand-mère et adoptant des enfants laissés à eux-mêmes par leur parents, est d’une originalité absolue, d’une grande humanité, sans verser dans le pathos dans lequel le film aurait pu tomber.
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Les outsiders
Hormis "Everybody Knows" et " Yomeddine" qui repartiront sans doute bredouille, nombre d’autres films peuvent prétendre à une récompense."Plaire, aimer et courir vite" du Français Christophe Honoré n’a pas eu la cote qu’il mérite, avec notamment un trio d’acteurs formidables, Pierre Deladonchamps, Denis Podalydès et Vincent Lacoste dans le premier rôle, de tous les plans, qui peut prétendre au prix d’interprétation masculine.
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"Heureux comme Lazzaro" de l’Italienne Alice Rohrwache a enthousiasmé toute une partie de la critique, notamment internationale, avec son conte rural et biblique.
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"Under the Silver Lake" de l’Américain David Robert Mitchel était sans doute trop attendu pour satisfaire. Il demeure toutefois, pour son scénario original allié à une belle mise en scène et en images. Mais il pèche par son surdéveloppement.
Dédié à la culture pop jusqu’au mysticisme, le film s’avère une curiosité à plus d’un titre.
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"3 Visages" de l’Iranien dissident Jafar Panahi a eu la reconnaissance assez unanime de la critique, sans toutefois provoquer l’enthousiasme. Son propos sur la situation des femmes en Iran et dans le monde musulman recoupe pourtant le thème qui a dominé ce 71e Festival de Cannes. Mais le choix d’étirer le récit freine son impact qui reste toutefois réel.
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"Les Filles du soleil", dans le même ordre d’idée, a peu de chance de se retrouver au palmarès, tant il a été laminé de toutes parts, en France, comme à l’international. Un jugement sans appel pour la Française Eva Husson, excessif à nos yeux. Si son film n’est pas un grand film, c’est un beau film. D’autant qu’il s’inspire d’une histoire vraie, traite de la cause kurde (jamais abordée à l’écran) et d’un bataillon de femme, avec à sa tête une charismatique Golshifteh Farahani,
C’est la mise en scène de la cinéaste qui a été particulièrement attaquée. Alors qu’il s’agit d’un film réalisé par une femme, sur un groupe de femmes, et sur la défense des femmes dans une société patriarcale dominante. Cela vous rappelle quelque chose ?...
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"Burning" du Coréen Lee Chang-Dong a déçu en développant à l’excès un scénario des plus intéressants. Mais délayé à un rythme languissant sur 2h35, il aurait gagné à être raccourci, même si tout son mystère est bien mis en place, tout comme l’évolution du récit. Peu de chances d’être au palmarès.
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"BlacKKKsman" de l’Américain Spike Lee a été très bien reçu, parvenant à faire rire sur un sujet des plus graves aux États-Unis, régulièrement mis en avant avec le retour de la pire frange conservatrice dans le pays, depuis l’arrivée de Donald Trump. Scénario, mise en scène et interprétation impeccables, même si quelque peu classique. Mais qui dit classique ne dit pas académisme.
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"Le Livre d’images" du Suisse Jean-Luc Godard a peu de chances de se retrouver au palmarès avec son côté radical. Mais un Prix spécial, comme l’an dernier revenu à Nicole Kidman, n’est pas à exclure.
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"Le Poirier sauvage" du Turc Nuri Bilge Ceylan, Palme d’or en 2014 avec "Winter Sleep", confirme l’exigence du réalisateur, sensible aux ambiances travaillées, et à la cohérence thématique constante autour de la famille et du couple. Mais son nouvel opus, axé sur des rapports père-fils tumultueux et une personnalité juvénile excessive, s’alourdit de dialogues surabondants sur la création littéraire, la philosophie de la vie et la religion, tant qu’ils en deviennent soulants sur les 3h08 du film. Par contre, le tout premier échange sur l’amour, plus court, est de toute beauté.
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Mais qui c’est celui-là ?
Trois films restent sur la touche et dont on se demande ce qu’ils faisaient en compétition."Asako" de Ryusuke Hamaguchi ("Senses") est trop léger dans sa romance proche du roman-photo pour décrocher quoi que ce soit. Même s’il flirte avec les histoires de fantômes japonais à la Hyochi Kurosawa, mais en passant à côté de leur subtilité.
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"Ayka", de Sergey Dvortsevoy ("Tulpan") d’un misérabilisme à l’excès, aux plans interminables, filmé à l’épaule, multipliant les effets de reportage à outrance, est une déception. Mais pas pour tout le monde, l’actrice Samal Yeslyamova en ayant convaincu plus d’un…
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"Un couteau dans le cœur" de Yann Gonzales est un peu le trublion de la fête. Encensé par les uns pour son "baroquisme", honni par les autres pour son interprétation décalée de tous les acteurs, le film a clivé sur la Croisette.
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Résultat des courses
Les pronostics sont donc très partagés, et tout le monde y va de ses coups de cœurs et coups de gueule, sur un palmarès qui reste très ouvert.Reste une constante : le désaccord chaque année entre la critique et le jury. À vérifier ce soir avec le minute par minute de la cérémonie sur Culturebox à partir de 19h00 environ, suivi de nos commentaires sur le palmarès.
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