Cannes 2018 : "Les oiseaux de passage", narcotrafic et traditions amérindiennes
Attention à la méprise. "Les oiseaux de passage" traite du narcotrafic en Colombie. Il ne faut pourtant pas s'attendre à une énième déclinaison de la guerre si souvent évoquée au cinéma ou dans les séries télévisées entre la CIA ou la DEA et un avatar de Pablo Escobar. Le film de Ciro Guerra et Cristina Gallego, présenté en ouverture de la cinquantième édition de la Quinzaine des Réalisateurs s'intéresse avant tout à l'histoire réelle d'un peuple natif d'Amérique latine.
Il débute en 1968, dans le désert colombien, alors que les Indiens Wayuu comprennent qu'il peut se révéler plus rentable de planter de la marijuana que du café. Leur société s'articule autour de la famille, avec une structure matriarcale et un concept de l'honneur étrangement similaire au code régissant la mafia. Le mélange de ces traditions et du trafic de l'herbe avec des réseaux américains va provoquer une guerre entre les clans Wayuu, mais également établir les prémisses de l'organisation des cartels tels qu'on les connaît aujourd'hui. A ce titre, le film est très éclairant et dissipe bien des idées toutes faites sur les narcotrafiquants latino-américains.
Réalisme
Le film est divisé en cinq actes. Ce choix des réalisateurs accentue le paralèlle incontournable avec la tragédie grecque. Les liens familiaux, les clans, les histoires d'amour interdites ou impossibles, les trahisons, l'honneur, les châtiments, les signes divins, et la main du destin, tous les codes de la tragédie grecque donc,mais aussi du western ou du film de mafia sont ici réunis. La rareté des effets spéciaux, mais surtout l'usage de la langue des Wayuu contruisent un réalisme qui fait toute la force de ce film.
Les réalisateurs ont choisi leurs interprètes sur les lieux mêmes de l'histoire. Certains, à l'image de Jose Vicente Cortes qui interprète le vieil oncle ont même apporté des détails et des anecdotes, issus de leur propre expérience dans les années 70, qui ont enrichi le travail des réalisateurs.
Il y a trois ans, le même duo Ciro Guerra et Cristina Gallego (alors créditée de productrice) avait proposé à la quinzaine des Réalisateurs un film extraordinaire, "L'étreinte du serpent". Il traitait aussi d'un peuple amérindien du sud, mais cette fois en Amazonie. Il était aussi humide et luxuriant que "Les oiseaux de passage" est sec et désertique. Dans tous le cas, il s'agit pour les réalisateurs d'illustrer la confrontation entre une culture traditionnelle indienne et une modernité. Un choc qui tourne rarement à l'avantage de la tradition.Synopsis
Dans les années 1970, en Colombie, une famille d’indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Quand l’honneur des familles tente de résister à l’avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C’est la naissance des cartels de la drogue.
"Les oiseaux de passage" (Pajaros de verano)
Coproduction Colombie Mexique, Danemark, France
Film de Ciro Guerra et Cristina Gallego
Avec Carmina Martinez, Jose Acosta, Jhon Narvaez, Natalia Reyes, Jose Vivente Cotez, Juan Martinez...
2h05
Sortie française le 19 septembre 2018
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