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Cannes 2018 : "La traversée", 50 ans après mai 68 Daniel Cohn-Bendit prend le pouls de la France

Le documentaire "La traversée" rêvé par Daniel Cohn-Bendit et réalisé par Romain Goupil a été projeté hors compétition dans la sélection officielle du festival de Cannes. Les deux anciens gauchistes ont parcouru la France en 2017, rencontrant anonymes et personnalités politiques. Leur film est un instantané de l’état de notre pays quelques mois après l’élection d’Emmanuel Macron.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Daniel Cohn-Bendit et deux étudiantes musulmanes dans "La traversée"
 (Siècle Productions)
Ils sont tout deux d’anciens gauchistes, tout deux aujourd'hui soutiens d’Emmanuel Macron. Au lendemain de l’élection présidentielle, Daniel Cohn-Bendit a eu envie d’établir un état de la France. C’est Romain Goupil  ("Mourir à trente ans") qui tient la caméra, ne s’interdisant pas d’intervenir dans les conversations. Les deux hommes interrogent tous les interlocuteurs avec la même bonhommie, la même chaleur, mais aussi la même franchise. Dany, tout le monde le connait, ou presque. Il tutoie tout le monde, de l’ouvrier au président de la République, et ce tutoiement reste toujours naturel. Il n’y a que Cohn-Bendit pour réussir ça.

Au fil des kilomètres et des 2h21 que dure le film, le duo va rencontrer des sidérurgistes dans l’enfer de leur usine, des ouvriers dans leur scop de crème glacée, un prêtre, des détenus (à visage découvert, ça change), une famille d’agriculteurs, des migrants, des associations et des citoyens qui les aident, des religieux musulmans, des chômeurs, des infirmières, des étudiants… Plutôt que les assommer de questions, Daniel Cohn-Bendit discute avec eux à bâtons rompus n’hésitant pas, parfois à prendre un ouvrier dans ses bras, ému à l’issue de la rencontre. Mais parmi ces anonymes (personne n’est jamais identifié, sans doute pour éviter l’effet "magazine de télé"), les deux compères glissent quelques interlocuteurs connus. José Bové, Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, Robert Ménard, l’ancien gauchiste ancien compagnon de lutte passé à l’extrême-droite, et aussi le président de la République à qui Romain Goupil pose d’entrée et sans tergiverser la question du traitement des migrants. 

 
Daniel Cohn-Bendit est un rusé lascar. Il sait que son parcours politique lui a coûté des amitiés, mais qu’il en a conservé aussi bon nombre grâce à son franc-parler. Il est Dany le rouge pour certains, Dany l’écolo pour d’autres, Dany le centriste pour d’autres encore. Il n’en joue pas, mais il le sait. Tout comme il connait le capital sympathie qu’il a gagné une fois pour toute en mai 68 et pour beaucoup, il restera toujours le gamin frondeur regardant par en dessous un CRS avec un brin d’ironie. Ce sont tous ces Dany là qui parlent à travers la voix du Cohn-Bendit d’aujourd’hui. Ses interlocuteurs se lâchent, il parlent tous avec sincérité à ce type célèbre qui vient les voir en vêtement de tous les jours, sans urgence, qui fait du vélo avec eux jusqu’au sommet du mont Ventoux ou qui met la casquette de leur entreprise sur la tête quand il la visite.
Daniel Cohn-Bendit rencontre le gérant d'une scop
 (Siècle Productions)

C’est la grande force de DCB : alors que tout le monde connaît ses engagements, face à son interlocuteur, quel qu’il soit, il ne représente jamais que lui-même. Et quand il monte dans une voiture de police pour accompagner une patrouille dans Paris, on ne peut s’empêcher de penser avec un petit sourire que c’est le même homme que tous les flics de 68 recherchaient partout en France. Cohn-Bendit, c’est aussi celui qui, spontanément, en visite dans une classe se pose à côté du seul roux de la classe… 

Aujourd’hui mai 68 a 50 ans et Dany, qui n’est plus roux, 73. Avec Romain Goupil, il parle de la mort, les deux hommes tournent d’ailleurs quelques scènes qu’ils imaginent diffuser lors des obsèques de Dany. Tout cela est gai, amical, plein d’humour. Mais à l’image de l’ancien gauchiste devenu macroniste, le film, sonne peut-être le glas des utopies de mai 68, conduites avec fastes à leur dernière demeure à l’occasion de ce cinquantenaire. Un demi siècle après les événements, Daniel Cohn-Bendit a soutenu un candidat qui s’affirmait ni de droite ni de gauche. Ce road movie social et politique a été tourné dans la foulée de l’élection. Aujourd’hui la France connait une crise sociale de grande ampleur. Les conditions étaient à l’évidence réunies lors de "La traversée" de Cohn-Bendit et de Goupil, pour qu’elle éclate. Le duo devrait s’assurer que son candidat élu regardera bien le film. La France d’aujourd’hui est tout entière dedans.

Sur la route dans "La traversée"
 (Siècle Productions)

La fiche

Genre : Documentaire
Réalisateur : Romain Goupil
Avec : Daniel Cohn-Bendit, Romain Goupil
Pays : France Durée : 2h21

Synopsis : La traversée, documentaire de 90 minutes, veut être une "mosaïque" de la France, sans "vouloir rien prouver", une observation du quotidien des Français, 50 ans après mai 1968, portée par deux de ses acteurs : Romain Goupil, leader du mouvement lycéen; et Daniel Cohn-Bendit, figure des étudiants du Quartier latin.

 


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