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Casting de luxe, comédie léchée... les clés du succès de Woody Allen

"Blue Jasmine" sort en salles mercredi. Aux Etats-Unis, le film a fait le plus gros démarrage de la carrière du cinéaste. Le maître new-yorkais renoue avec le public. Explications.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le réalisateur américain Woody Allen présente "To Rome with Love", à Rome (Italie), le 13 avril 2012. (STEFANO RELLANDINI / REUTERS)

En 55 ans de carrière et 48 films, jamais Woody Allen n'avait connu pareil succès. Avec son nouveau long métrage, Blue Jasmine, qui arrive sur les écrans français mercredi 25 septembre, le cinéaste a réalisé son meilleur démarrage aux Etats-Unis. 

Depuis sa sortie, fin juillet, cette comédie romantique portée par Cate Blanchett a récolté plus de 30 millions de dollars (plus de 22 millions d'euros). A ce rythme, le film pourrait même battre le record établi par Minuit à Paris en 2011 (56,8 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, soit plus de 42 millions d'euros), qui est, à ce jour, la plus plus grande réussite publique du maître new-yorkais. Célèbre pour ses aphorismes, Woody Allen assure que "80% du succès, c'est juste de se pointer". La recette est peut-être un peu plus compliquée que ça.  

Faire des films qui parlent aux adultes

Vingt-cinq ans après ses premiers triomphes, notamment les 38 millions de dollars d'Annie Hall au box-office américain en 1977 et les 39,9 millions de Manhattan en 1979, "Midnight in Paris a marqué le retour en grâce de Woody Allen aux Etats-Unis", souligne Jean-Michel Frodon, critique de cinéma contacté par francetv info. "Avec ce film, il a réussi à inverser la tendance. Jusque là, il était pour les Américains 'l'homme dont vous adorerez ne pas voir les films'", commente l'auteur du blog Projection publique sur Slate. 

Car désormais, ses films sont "la parfaite alternative aux blockbusters stupides avec robots et explosions en 3D, et c'est le genre de films pour un public adulte qu'hélas Hollywood ne produit plus", se félicite son distributeur chez Sony Pictures Classics, Michael Barker, dans Le Monde (article payant).

Woody Allen parle aux adultes de leurs névroses et de leurs états d'âme, à l'inverse des superproductions hollywoodiennes produites à la chaîne et ciblant principalement les adolescents, ceux qui vont le plus au cinéma, comme l'expliquait L'Express en août.

Filmer des cartes postales

Cinéaste new-yorkais par excellence, Woody Allen a quitté ses pénates au début des années 2000 pour gagner le Vieux Continent. Il y a tourné sept de ses huit derniers films. D'abord à Londres, avec Match Point, Scoop et Le Rêve de Cassandre, puis à Barcelone pour Vicky Cristina Barcelona. Il a ensuite mis le cap sur la France pour Midnight in Paris, et enfin sur l'Italie pour To Rome with Love.

A chaque fois, il a réalisé des films "comme des cartes postales", remarque Mike Goodridge, du magazine professionnel Screen International, cité par The Guardian (en anglais). Il a fait "la chose la plus commerciale que vous pouvez faire" : "des portraits charmants de villes qui sont essentiellement touristiques"

Vérification au box-office : les seuls films de Woody Allen à avoir dépassé les 50 millions de dollars (37 millions d'euros) de recettes hors Etats-Unis sont Minuit à Paris (94,3 millions de dollars), Vicky Cristina Barcelona (73,2 millions de dollars) et Match Point (62,2 millions de dollars). 

Miser sur un casting glamour

Woody Allen ne fait pratiquement plus aucun film sans aligner une pléiade de comédiens de renom. Drew Barrymore, Julia Roberts, Edward Norton et Natalie Portman se succèdaient dans Tout le monde dit I love you, en 1997. Et deux ans plus tard, le bien nommé Celebrity alignait Leonardo DiCaprio, Charlize Theron, Kenneth Branagh ou Melanie Griffith. Plus récemment, Scarlett Johansson, Javier Bardem et Penélope Cruz étaient le trio de charme de Vicky Cristina Barcelona. Et Minuit à Paris réunissait Owen Wilson, Adrien Brody, Marion Cotillard ou Léa Seydoux.

Tourner pour Woody Allen est devenu un passage obligé dans la carrière d'une star. "C'est flagrant", confirme Mike Goodridge. Woody Allen "reste l'un des grands réalisateurs contemporains. Les acteurs veulent avoir un film de Woody Allen sur leur CV." Et ces têtes d'affiche sont aussi pour le cinéaste la garantie d'attirer un très large public à travers le monde. 

Renouer avec la grande tradition de la comédie

Retour aux Etats-Unis avec Blue Jasmine. Cate Blanchett est l'épouse comblée d'un richissime investisseur financier à la Bernard Madoff, qui perd sa fortune et son rang dans la haute société new-yorkaise lorsque son mari est arrêté pour fraude. Déstabilisée, fragile, Jasmine décide de refaire sa vie à San Francisco et s'installe chez sa sœur, avec laquelle elle n'a aucun point commun.

Le film "est l'héritier direct de la grande comédie hollywoodienne du réalisateur américain Ernst Lubitsch", analyse Jean-Michel Frodon. C'est un "assemblage très réussi d'oppositions binaires : côte ouest contre contre est, riches contre pauvres. C'est une comédie dramatique, ancrée dans des valeurs américaines, qui traite d'un sujet sérieux. Simple sans être simpliste et donc accessible pour un large public." Bref, une "grande réussite commerciale et artistique".

Avoir un bon distributeur

Les quatre derniers films de Woody Allen ont été distribués par Sony Pictures Classics, une société fondée par Tom Bernard et Michael Barker, "deux vétérans de la distribution des films indépendants et étrangers", rappelle Le Monde. Les deux hommes ont mis leur expérience à profit. Ils "ont décidé de sortir [Midnight in Paris] rapidement après sa première au festival de Cannes, pour profiter de la popularité des vedettes américaines à l'affiche, dont les photos sur le tapis rouge ont été largement reprises outre-Atlantique", raconte Le Monde.

Un succès. "Grâce à ce film, Woody Allen a retrouvé des moyens de distribution plus puissants", synonymes d'une "meilleure exposition en salles", de "plus de publicité" et "d'acteurs qui apparaissent à la télévision", note le critique Jean-Michel Frodon. Sony Pictures Classics a appliqué la recette à Blue JasmineLe long-métrage est sorti d'abord dans six cinémas seulement, selon le principe du limited debut exposé par le site spécialisé Vodkaster. Puis le parc de salles a été étendu progressivement en fonction du bouche-à-oreille. Résultat : un sleeper, un film d'exploitation au long cours qui finit par atteindre les sommets du box-office, comme le détaillait à l'époque Paris Match pour Minuit à Paris.  

A 77 ans, Woody Allen a rejoint le club très sélect des réalisateurs totalisant 100 millions de dollars (74 millions d'euros) de recettes mondiales pour un film, relève The Guardian. Un succès public et critique. Le comité des Golden Globes a décidé de remettre au vieux maître, en janvier prochain, le Cecil B. DeMille Award, un prix pour l'ensemble de sa carrière.

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