Cette époque où on "cassait" les animaux pour les besoins d'un film
La Peta accuse l'équipe du film "Le Hobbit : un voyage inattendu" d'être responsable de la mort d'animaux. Retour sur l'histoire des bêtes dans le cinéma.
ANIMAUX - Le film n'est pas encore sorti qu'il fait déjà polémique. Le Hobbit : un voyage inattendu est dans le collimateur de l'association Peta (Pour une éthique dans le traitement des animaux), qui affirme que des bêtes ont péri durant le tournage.
Le milieu du cinéma se montre pourtant aujourd'hui très attentif au sort des animaux, au point de développer une certification "No animals were harmed" (aucun animal n'a été maltraité). Le résultat d'un long cheminement.
Avant : la barbarie à l'écran
Tarzan chez les Singes, 1918. A cette époque, le respect de la vie animale, on s’en moque bien : une séquence du film montre le héros poignardant la dépouille d'un lion tué pour les besoins du long-métrage. L'acteur américain Elmo Lincoln (Tarzan dans le film) se serait même vanté d'avoir massacré l’animal devant les caméras, ce que les producteurs du film ont démenti, affirmant que le lion avait été tué "hors de l'écran", explique le site spécialisé IMDb (lien en anglais).
Cinquante ans plus tard, c'est le film italien Cannibal Holocaust (1980) de Ruggero Deodato qui fait scandale. Le massacre d'une tortue et la décapitation d'un singe auraient été réalisés sans trucages. Trop violent, le film est interdit dans de nombreux pays dont l'Italie. La même année, le western de Michael Cimino La Porte du paradis bouleverse le public en montrant plusieurs animaux, notamment des poulets et des chevaux, réellement brutalisés.
Côté dressage, la méthode brutale a longtemps été de mise : on n'hésitait pas à maltraiter ou à contraindre les animaux pour les besoins d’un film ou d’un spectacle. Des méthodes parfois appelés "circassiennes", en référence aux dresseurs d'animaux dans les cirques. "Les scènes de bataille dans les westerns cassaient sans vergogne des montures quasi-sauvages et qui ne coûtaient pas grand-chose", relève le magazine Cavalière (PDF, page 45).
La naissance du label "Aucun animal n'a été maltraité"
En 1939, deux chevaux sont jetés dans le vide pour les besoins du film Le brigand bien-aimé, d'Henry King. Le réalisateur filme les montures de deux cow-boys chutant d'une falaise. C'en est trop pour l'association de défense des animaux American Humane Association (AHA), qui décide d'installer un bureau à Hollywood pour veiller au respect des bêtes durant les tournages.
Il faudra pourtant attendre 1972 pour que l'association lance sa certification "No animals were harmed" et la dépose pour la première fois sur un film, Le Gang des dobermans, de Byron Chudnow. Ce label n'est pas obligatoire pour la diffusion d'un film, mais les diffuseurs y sont attentifs car il a un impact sur le public. Certaines productions s'en sont toutefois passées, comme Conan le barbare où Arnold Schwarzenegger se bat avec un chameau, ou encore Rambo III durant lequel des fils de fer ont été utilisé pour faire chuter des chevaux.
La pâtée pour remplacer le fouet
Les animaux sont "de plus en plus suivis", a remarqué en vingt ans de carrière Paul Lefranc, de la société de dressage Animaux du Film. Ce dresseur, qui travaille surtout avec des espèces protégées pour des documentaires, explique : "Chacun de mes animaux doit à présent être identifié par une puce électronique." "Pour travailler avec des animaux sauvages, il faut un certificat de capacité et nous sommes régulièrement contrôlés par des vétérinaires", avance Frédérique Flaesch, conseillère animalière chez Animaux du Cinéma.
Les méthodes aussi ont changé. Fini la coercition. "Maintenant on ne soumet plus les animaux, on les incite à faire des choses en les récompensant, avec de la nourriture par exemple", ajoute Paul Lefranc. "On ne peut pas forcer un animal", confirme Frédérique Flaesch. Elle a notamment travaillé sur le film Marie-Antoinette de Sofia Coppola : "Pour le petit chien de Marie-Antoinette, qui avait 3 mois au moment du tournage, tout s'est fait sur le jeu."
Du statut d'objet à celui de star
Depuis que les bêtes sont considérées comme des acteurs à part entière, un véritable showbiz des animaux a émergé. Uggie, le chien qui joue aux côtés de Jean Dujardin dans The Artist, est la star de l'année. En février, il a reçu le prix de l'interprétation canine aux premiers Colliers d'Or et la "Palme Dog" au festival de Cannes en 2011.
Des animaux-acteurs qui doivent parfois laisser leurs places aux machines. "Pour les scènes compliquées, nous faisons fabriquer des animaux synthétiques", explique Frédérique Flaesch. Et il n'est plus question d'épuiser un animal avec des séances de tournage interminables. Pour chaque séquence, "la monture travaillera [...] pour deux ou trois prises maximum, de quelques minutes, afin de lui éviter trop de stress", explique la revue Cavalière. C'est pourquoi il faut parfois multiplier les doublures. Dans Babe, le cochon devenu berger (1995), pas moins de 48 porcelets différents ont été utilisés pour interpréter le héros.
Des associations de plus en plus exigeantes
Même si les conditions de tournage se sont améliorées, les associations de défense des animaux continuent de veiller au grain. L’AHA a ainsi surveillé le tournage de De l'eau pour les éléphants, de Francis Lawrence, pour pouvoir assurer aux spectateurs qu'aucune violence n'avait été subie par les animaux. "L'équipe de l'American Humane Association a pensé à tout et est allée jusqu'à mettre à la disposition des plus perplexes un numéro de téléphone (818.501.0123) et un e-mail (joneb@AmericanHumane.org) où ces derniers peuvent exposer leurs éventuels doutes sur la question", relate le site Allociné.fr. L'AHA n'est pas la seule association à prendre son rôle (un peu trop) au sérieux. Selon le site 01.Net, la Peta avait ainsi condamné en octobre le jeu Pokémons "et l'image qu'il donne aux enfants de la relation aux animaux".
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