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Christian Lara, le réalisateur du premier film antillais, est mort à l'âge de 84 ans

En 1978, le cinéaste français Christian Lara signe "Coco la Fleur, candidat". C'est le premier long métrage de fiction produit en Guadeloupe, dans les Antilles et dans la Caraïbe. L'ancien journaliste, qui a toujours voulu être metteur en scène, est ainsi rentré dans l'histoire du septième art.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Capture d'écran. Le réalisateur Christian Lara lors d'un entretien accordé à la Cinémathèque française en 2011. (CINEMATHEQUE FRANÇAISE)

Le réalisateur guadeloupéen Christian Lara, à qui l'on doit Coco la Fleur, candidat (1978), le premier long métrage de fiction des Antilles, est mort samedi 9 septembre à l'âge de 84 ans en Martinique, rapporte Guadeloupe la 1ère. Né en 1939, à Basse-Terre, il a réalisé une vingtaine de films dont Mamito (1979), Chap'la" (1979), Black (1988), Sucre Amer (1998), 1802, l'épopée guadeloupéenne (2003) ou encore Yafa, le pardon (2020).

"Quand un peuple n'a pas d'images, il n'existe pas", disait souvent le cinéaste et producteur. Depuis la fin des années 70, il s'était ainsi employé à créer "le cinéma de (son) île", plus largement ce cinéma antillais. Il le définissait, dans un entretien accordé à la Cinémathèque française en 2011, comme celui porté par des interprètes principaux antillais, qui se déroule idéalement dans la région, où l'on parle en partie créole et qui est réalisé par un metteur en scène antillais.

Après avoir fait ses armes dans le cinéma érotique, il s'est employé à permettre à ses compatriotes "de se voir enfin à l'écran". Christian Lara rappelait souvent que Coco la Fleur, candidat,  –l'histoire d'un conteur analphabète mais plein de bon sens jeté dans l'arène politique pendant une élection législative, campé par Robert Liensol, "le plus grand comédien antillais" de l'époque , était resté à l'affiche pendant un an à Paris.

Devoir de mémoire

Afin de "promouvoir l'homme noir" et "sa dignité", comme il le confiait dans un entretien télévisé en 2014, il décrira "sa réalité", singulièrement en Guadeloupe et dans les Antilles, au cinéma en suivant le conseil prodigué par Ingmar Bergman, le célèbre cinéaste suédois : "Ne filme que ce tu connais vraiment ! ". Et à l'instar de son grand-père Oruno Denis Lara, le premier historien guadeloupéen, l'ancien journaliste du Figaro se fait l'écho dans son œuvre cinématographique de l'histoire, souvent douloureuse de sa terre natale.

Notamment dans 1802, l'épopée guadeloupéenne (2003) qui raconte la résistance opposée par les Guadeloupéens, réunis derrière le colonel Louis Delgrès incarné par le comédien Luc Saint-Eloy (son acteur fétiche), à Napoléon Bonaparte qui souhaite réaffirmer l'autorité de la France dans ses colonies de Saint-Domingue et de la Guadeloupe en fronde. Objectif : empêcher à tout prix que l'esclavage, aboli huit ans plus tôt, ne soit pas rétabli. La sortie du film dans les salles françaises, le 10 mai 2006, coïncide avec la première commémoration de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition.

"Christian était un grand défenseur du cinéma guadeloupéen. Il le revendiquait. Il a composé, au fil des années, une œuvre riche. Des films fortement ancrés en terre guadeloupéenne mais Christian a aussi promené sa caméra en France hexagonale, réalisé des films fantastiques comme The Legend tourné en Polynésie et fait des films en Afrique, au Gabon et au Cameroun", a réagi Luc Saint-Eloy sollicité par Franceinfo Culture. Le comédien travaillait avec Christian Lara "depuis plus de vingt-cinq ans". "Une longue et belle amitié, écrit-il encore. Une dizaine de films ensemble, le dernier a été tourné en Guadeloupe au mois de mai dernier, L’Homme au bâton, une légende créole, son 26e depuis Coco la Fleur, candidat, le premier long métrage antillais commercialisé."

Une inspiration permanente pour les nouvelles générations

"Avec le décès de Christian Lara, la Guadeloupe perd un monstre sacré du cinéma, un précurseur pour les cinéastes guadeloupéens et l’ensemble du monde du cinéma antillais. En 50 ans de carrière il laisse en héritage une filmographie exceptionnelle et audacieuse érigée en légende. Il a eu à cœur de mettre en valeur le talent de nos acteurs Antillais et les paysages de notre territoire", souligne un communiqué du Conseil régional de la Guadeloupe qui salue également son rôle essentiel auprès des jeunes générations. Christian Lara, avec Euzhan Palcy, "nous ont montré que c'était possible", confie le cinéaste guadeloupéen Franck Salin à Franceinfo Culture.

Christian Lara a été une source d'inspiration pour ceux que le cinéma attire, notamment dans la Caraïbe. Le septième art, estimait-il, est à la fois"une vitrine et un miroir" qui permet de "mieux se faire connaître", entre autres, au sein d'une nation française où les Antlllais sont "des citoyens entièrement à part" comme le disait Aimé Césaire, chantre de la négritude et homme politique martiniquais.

Célébré pour l'ensemble de sa carrière à la 21e édition du Pan African Film Festival de Los Angeles, en 2013, Christian Lara évoquait "la solitude" du pionnier, un sentiment qui aura été moteur pour lui. En cinq décennies, l'adolescent de 14 ans, qui rêvait de devenir metteur en scène, a contribué à faire "exister" le cinéma des Outre-Mer. Au moment de sa disparition, l'octogénaire travaillait sur L’homme au bâton, une histoire bien connue en Guadeloupe que le réalisateur avait entrepris de revisiter.

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