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Cinéma : au-delà de "Creed III", ces films qui ont transformé les salles en foire d’empoigne

Des bagarres ont éclaté dans des salles de cinéma projetant le film "Creed III". La Fédération nationale du cinéma français parle d'"épiphénomène". Pourtant des scènes similaires se sont déjà produites pour d’autres films.
Article rédigé par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Extrait d'une vidéo diffusée sur Twitter de l'avant-première de "Jujutsu Kaisen" au Grand Rex en mars 2022. (CAPTURE D'ECRAN)

Perturber des séances semble malheureusement être devenu un sport pour certains. Des bagarres ont éclaté ces jours derniers dans plusieurs cinémas en France à l’occasion de la projection du film de boxe Creed III, sorti en salles le 1er mars. Une bagarre géante à Thionville, des cannettes et des sodas jetés à Saint-Étienne, des incidents signalées à Charleville-Mézières, à Marseille, des rixes à Paris… Des vidéos ont été diffusées sur les réseaux sociaux, devenant ainsi des "challenges" à relever. 

Le film lui-même ne semble pourtant pas à l’origine des violences. Il s’agit plutôt d’altercations liées à des incivilités, comme une jeune femme dans le Val-de-Marne qui a téléphoné durant tout le film, provoquant la colère des autres spectateurs.

Autre ambiance mais tout aussi dégénérée début janvier dans un cinéma d’Épinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, lors de la projection de Thunivu de H. Vinoth, un blockbuster d’action indien. Pop-corn jeté en l’air, pétards, fumigènes rouges, spectateurs criant et dansant devant l'écran… Rien à voir avec la courtoisie nécessaire à une projection collective.

"Dans ce genre de films venus du sud de l’Inde, il y a toujours des célébrations avant et durant les premières projections, a expliqué à Marianne un spectateur. Là, comme souvent, ça a explosé quand le visage de l’acteur principal est apparu à l’écran…"

Une joie incontrôlée ?

À Marseille, des fans incontrôlables ont perturbé l’avant-première du film One Piece l’été dernier, criant, courant devant l’écran, jetant du pop-corn, se déshabillant, gâchant ainsi le plaisir des autres spectateurs qui ont partagé leur incrédulité sur les réseaux sociaux.

 

 

Des problèmes ont aussi eu lieu à Bordeaux où des spectateurs ont activé l’alarme incendie à 10 minutes de la fin du film. Une tendance ? En mars dernier, le Grand Rex à Paris avait également eu affaire à des fans peu respectueux, déchaînés, gâchant le visionnage de Jujutsu Kaisen, en se donnant en spectacle en train de crier, siffler, danser ou carrément se déshabiller.

Idem lors de séances précédentes de Demon Slayer ou My Hero Academia. Au point que de nombreux fans craignent que cette minorité d'agitateurs jette le discrédit sur la communauté des amateurs de culture japonaise. Un tiktokeur a ainsi partagé son inquiétude que les distributeurs, rebutés par de tels comportements, ne proposent plus d’animés en avant-première.

@thevivizama Le problème des avp au cinéma #onepiecered #pourtoi #cinema #onepiece ♬ Paris - 斌杨Remix

Le film d’horreur reste l’un des genres les plus touchés par le phénomène. En 2016, UGC a carrément refusé de programmer The Conjuring 2 : Le Cas Enfied, échaudé par des expériences antérieures. Et effectivement, les autres réseaux l’ayant distribué ont dû rapidement le retirer des salles à la suite d'incidents survenus lors de projection, cris, téléphones, insultes, bagarres…

En 2014, c’est Annabelle, la poupée de porcelaine tueuse, qui a défié la chronique. UGC avait clairement annoncé ne plus le proposer en raison "des bagarres dans la salle". Deux ans auparavant, même phénomène avec Sinister et Paranormal Activity 4. Comptoirs à confiserie pillés, caissiers insultés, urine sur les fauteuils… Le distributeur Wild Bunch avait jeté l’éponge.

Des jeunes, mais pas que

Le point commun de ces films, outre le genre horreur, est qu’ils sont tous interdits au moins de 12 ans. Et force est de constater que les débordements émanent d'un public essentiellement jeune, entre 12 et 17 ans, "pas assez mature", analysait en 2012 au micro de RTL la psychologue-clinicienne et psychothérapeute Anne Floret : "Ils n'ont pas la maturité pour intégrer l'horreur au second degré, ça va les toucher sans retenue, donc ils expriment leurs pulsions dans une hystérie collective". Ce public se donne rendez-vous en masse "non pas pour non voir le film, mais pour véritablement ‘foutre le bordel", résumait de son côté UGC.

Cela dit, l’horreur en elle-même peut être profondément malaisante. Les premiers spectateurs de L’Exorciste de William Friedkin en 1973 en sont encore traumatisés. On a parlé à l’époque d’évanouissements dans les salles, de vomissements (avec sacs papier distribués aux spectateurs), et même de crises cardiaques ! 

Les festivaliers ayant beau être en smoking et robe de soirée, Cannes aussi est un lieu de réactions souvent exacerbées en salles. Les huées, cris, malaise n’en sont pas absents, loin de là. Déjà en 1960, les ricanements et les sifflets avaient émaillé la projection de L'Avventura, de Michelangelo Antonioni. En 1973, des hurlements ont résonné tout au long de La Grande Bouffe de Marco Ferreri, décrit par certains à la sortie comme "répugnant" et "vomitif". Bien des films ont ainsi fait scandale à Cannes. On peut encore citer Irréversible de Gaspard Noé en 2002. Bon nombre de spectateurs ont quitté la salle en cours de projection, quand ils n’étaient pas victimes de malaise sur leur siège. Ou encore plus récemment en 2021, Titane de Julia Ducournau. "On n’a pas le droit d’aller aussi loin, de montrer tant d’horreurs", réagissait, par exemple, l'une des spectatrices interrogées par Allociné à la sortie. Vomissements, malaises… Les pompiers ont dû intervenir plusieurs fois en cours de projection en raison de l’ultra-violence du film que certains ont qualifié de gore.

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