Cinéma : pourquoi le football bute sur le grand écran
A l'occasion de l'ouverture du festival du film de football La Lucarne, retour sur les liaisons compliquées entre le septième art et le sport le plus populaire du monde.
La boxe a Rocky ou Raging Bull. Le base-ball a Le Stratège. La danse a Billy Elliott. Le foot américain a L'Enfer du dimanche. Et le football... n'a rien. Comment expliquer qu'aucun grand film ne soit jamais sorti sur le sport le plus populaire du monde ? A l'occasion du festival du film de football La Lucarne, à Paris du 23 au 26 avril, francetv info se penche sur ce mystère.
Parce que Hollywood ne comprend rien au ballon rond
Kevin Costner a joué dans huit films sur le sport. Aucun d'entre eux n'est sorti en France. Dans Draft Day, sorti en 2014, il incarne le manager général des Cleveland Browns, une équipe de base-ball, lors du marché des transferts. Il passe l'heure et demie que dure le film pendu au téléphone. Faire des films pointus sur le sport, Hollywood sait faire.
Pourtant, rares sont les producteurs qui oseront miser un dollar sur un film sur le soccer. D'abord parce que Kevin Costner a prévenu que ça ne l'intéressait pas : "Le foot, je m'en fiche royalement", a-t-il prévenu dans le Toronto Sun (en anglais). Ensuite, les échecs au box-office des quelques films ayant traité la question ont sans doute refroidi les producteurs. Une exception : Joue-la comme Beckham, sorti en 2002, a engrangé 30 millions de dollars de recettes.
Le ballon rond a beau avoir dépassé le base-ball en terme d'audiences télé, les producteurs pensent "que le foot, c'est pour les mères de famille de banlieue qui ont des enfants en bas âge", résume crûment Joe Roth, qui a travaillé chez Disney et 20th Century Fox dans le Los Angeles Times. Signe d'un frémissement ? Le fameux A nous la victoire, qui réunissait à l'écran Sylvester Stallone et Pelé, va connaître un remake, rapporte Entertainment Weekly. On espère que l'acteur qui reprendra le rôle de "Sly" au poste de gardien de but aura plus de jugeote : "J'ai encore un doigt cassé pour avoir tenté de bloquer un penalty de Pelé, raconte Stallone à la BBC. Je me disais, c'est du soccer, c'est facile. J'ai pris un sacré coup de pied aux fesses."
Parce que les biopics et les comédies sur le foot,
ça commence à bien faire
En France, le foot a longtemps représenté un formidable prétexte pour des comédies plus ou moins grasses. De Didier (1997) – l'histoire d'un chien métamorphosé en homme, qui devient gardien de but du PSG – aux Seigneurs (2012) – l'histoire de has-been du foot qui atterrissent dans un improbable club breton – en passant par Les Collègues (1999) – une bande d'amis marseillais plus doués pour enchaîner les verres de Pastis que pour aligner trois passes –, ce tropisme est particulièrement développé en France.
Pour des succès à chaque fois mitigés : malgré une spectaculaire campagne de promotion, Les Seigneurs, film d'Olivier Dahan avec des stars comme Gad Elmaleh, Omar Sy, Franck Dubosc ou Joey Starr au générique, n'est pas rentré dans ses frais. Critique sans appel de Vodkaster : "C'est comme tous les films sur le football : si on aime le cinéma, on va être déçu, si on aime le football, on va être déçu."
Une autre menace plane sur les films de ballon rond : le biopic. Jusqu'ici, les amateurs étaient relativement épargnés. Mais deux films sont en chantier : Pelé, un film produit par... Pelé, qui raconte comment, jeune, il est sorti de la misère grâce au foot jusqu'à gagner la Coupe du monde. Et Messi, qui raconte comment le jeune Argentin est sorti de la misère grâce au foot jusqu'à gagner la Ligue des Champions. Les deux films devaient sortir mi-2014 pour surfer sur l'effet Coupe du monde, mais ont été repoussés pour être retravaillés au montage. Ce qui n'est jamais bon signe.
Parce que les réalisateurs ne s'y intéressent pas
Des bons films sur le foot, il y en a. Mais il y en a peu. En France, Coup de tête (1979), de Jean-Jacques Annaud, qui raconte l'épopée de l'équipe de Trincamp en coupe de France, est considéré comme la référence. Outre-Manche, c'est The Damned United (2009), sur les 44 jours cataclysmiques de Brian Clough – le plus grand entraîneur du pays à n'avoir jamais entraîné l'équipe nationale, de l'aveu de l'intéressé – à la tête du club de Leeds, qui tient le haut du pavé.
Les points communs entre ces deux films ? Le football est une toile de fond à l'histoire. Peut-être parce que leurs réalisateurs ne s'intéressent pas du tout au ballon rond. Todd Hooper confie au Guardian que son film "est une bromance". Jean-Jacques Annaud reconnaît sur son site que son "envie était de faire un film sur la fragilité de la réputation, la dérisoire cocasserie du rapport à la star. (...) Avant, je ne m'intéressais pas du tout au football." Autant dire que le grand film du fan de foot pour les fans de foot n'existe pas encore.
Parce que le foot, c'est mieux sur petit écran
Chaque année, les organisateurs du festival La Lucarne traquent les films sur le ballon rond... et peinent à dénicher des longs-métrages potables. "Trouver de la bonne fiction, c'est compliqué, concède Simon Tanguy, un des organisateurs du festival, contacté par francetv info. Le jeu y est souvent mal filmé. L'œil exercé de celui qui regarde beaucoup de foot à la télévision ne retrouve pas du tout les mêmes cadrages." Le football est-il impossible à adapter au cinéma ? Certains s'y sont essayés, comme dans Zidane, portrait du XXIe siècle, comparé par certains à Empire, le plan-séquence de huit heures d'Andy Warhol sur l'Empire State Building.
"La plupart des fictions qui se sont essayées à reconstituer un match sonnent faux. Le style documentaire offre l’avantage de retranscrire l’émotion", assène sur L'Equipe.fr Filippo Macelloni, co-réalisateur du Mondial oublié, un docu-fiction qui raconte l'histoire de la (fausse) Coupe du monde 1942, organisée en Patagonie, où se défient les Indiens locaux, les Mapuches, et les nazis.
Et certains documentaires racontent des histoires qui dépassent la fiction. Saviez-vous que les New York Cosmos ont été créés par la Warner Bros pour faire plaisir au directeur de leur maison de disques, et qu'on a mobilisé Henry Kissinger, ex-secrétaire d'Etat, pour tirer Pelé de sa retraite pour en faire la tête de gondole ? Une histoire racontée dans Once in a Lifetime, l'extraordinaire documentaire sur la genèse du club new-yorkais.
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