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Comment M. Night Shyamalan, le réalisateur de "Sixième sens", est devenu un paria à Hollywood

Depuis le milieu des années 2000, le cinéaste, promis à un grand avenir, enchaîne les revers. Il tente de relancer sa carrière avec "The Visit", en salles mercredi.

Article rédigé par Boris Jullien
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
M. Night Shyamalan sur le tournage de "The Visit", son nouveau film, qui sort mercredi 7 octobre en France. (JOHN BAER / AP / SIPA)

5 août 2002. Le magazine Newsweek consacre sa une à M. Night Shyamalan. L'hebdomadaire voit alors dans le réalisateur à succès, auteur de Sixième sens, d'Incassable et de Signes, le "prochain Spielberg". Une couverture et une prédiction qui le poursuivront toute sa carrière. Treize ans plus tard, l'Américain n'a clairement pas confirmé son statut d'as hollywoodien de la mise en scène et sort, mercredi 7 octobre, The Visit, film d'horreur au budget (très) modeste.

Cinq millions de dollars, c'est ce qu'a coûté le long-métrage, un found footage tourné en moins d'un mois, avec des acteurs inconnus du grand public, selon le site Box Office Mojo (en anglais). Une somme dont M. Night Shyamalan s'est acquitté personnellement. Comment celui qui régnait sur le box-office au début des années 2000 en est-il arrivé là ? Retour sur son ascension fulgurante, avant qu'il ne connaisse un lent déclin.

"Sixième sens" le porte au pinacle

"Je vois des morts." La révélation finale de Sixième sens figure probablement, avec celle de Usual Suspect, en tête des rebondissements les plus marquants du cinéma américain des années 1990. (Le film est sorti le 5 janvier 2000 en France et à l'été 1999 aux Etats-Unis.)

Ce thriller, avec le jeune Haley Joel Osment hanté et Bruce Willis en psy chargé de soigner ses démons, connaît un succès monstre : Sixième sens rapporte près de 700 millions de dollars dans le monde. A 30 ans, M. Night Shyamalan, jusqu'ici inconnu du grand public, devient l'un des réalisateurs les plus en vue à Hollywood grâce à sa maîtrise visuelle et à son sens du suspense – comme Hitchcock, il apparaît en caméo dans chacun de ses films.

La dégringolade après "Incassable" et "Signes"

Suivent Incassable, toujours avec Bruce Willis, et Signes, avec Mel Gibson en tête d'affiche. M. Night Shyamalan est alors au top de sa carrière : c'est à ce moment-là que Newsweek le compare à Steven Spielberg pour ses talents indéniables de réalisateur, avec des plans à la composition très travaillée (notamment avec Brick Mason, qui dessinera les story-boards de tous ses films). Une mise en scène soignée et maligne, que décrypte le site Vodkaster dans la vidéo ci-dessous :

A l'instar de Sixième sens, Incassable et Signes développent des intrigues qui tournent autour de phénomènes paranormaux et qui s'achèvent généralement par un twist que le spectateur n'avait pas vu venir. Des caractéristiques qui font le style de M. Night Shyamalan. 

Sauf que le cinéaste répète cette formule à l'envi dans Le Village, La Jeune Fille de l'eau et Phénomènes. Et tombe dans une caricature de sa propre œuvre. Le public ne suit plus : il devient même une sorte de mème internet. "Et si M. Night Shyamalan faisait tous ces films nuls pour surprendre tout le monde avec un autre brillant bientôt ?" se moque ainsi l'image ci-dessous :

Y a-t-il une vie après "After Earth" ?

En 2010, il sort Le Dernier Maître de l'air et s'essaie au cinéma d'action. Pas franchement concluant. En 2013, les studios Columbia lui confient quand même la réalisation d'After Earth, avec Will Smith et son fils Jaden. Le blockbuster, produit par Sony, coûte 130 millions de dollars. Un peu avant la sortie du film, surprise : le nom de M. Night Shyamalan n'apparaît pas sur l'affiche ni dans la promo du film. "Il est, sans l'ombre d'un doute, un réalisateur de classe internationale, se défend alors Jeff Blake, le directeur marketing de Sony, cité par le Huffington Post (en anglais). Nous avons décidé de concentrer notre campagne sur l'action et l'aventure." Dur.

Surtout, le film ne convainc personne. La critique n'épargne pas After Earth, notamment pour sa morale proche du dogme scientologiste, comme le rappelle Le Figaro. Le public américain boude aussi le blockbuster, seulement sauvé de l'échec commercial par ses recettes à l'international. Bref, même avec un film à gros budget, porté par la star Will Smith, M. Night Shyamalan ne renoue pas avec le succès et signe surtout un nouveau nanar.

Comme quelques gloires passées du cinéma, le metteur en scène tente ensuite de rebondir à la télévision, en produisant Wayward Pines, une série qui n'a pas convaincu notre blog Pop Up'. Du coup, il revient avec un film d'horreur, genre qu'il affectionne, auto-produit aux côtés de Jason Blum, le producteur des sagas à succès (et à petits budgets) Paranormal Activity, Insidious et Sinister. Assez pour relancer sa carrière ? Si l'accueil est moins hostile, reste que le cinéaste utilise, comme le note le Guardian (en anglais), un procédé relativement éculé (Le Projet Blair Witch, [REC], etc.) : la caméra subjective. Pas franchement le meilleur moyen de faire taire les critiques.

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