Corée du Sud : après le décès de l'acteur de "Parasite" Lee Sun-kyun, le rôle des médias et la police mis en cause
Le corps sans vie du comédien de 48 ans a été retrouvé dans sa voiture ce mercredi 28 décembre à Séoul. Selon l'agence de presse Yonhap, une note "s'apparentant à un testament" était également présente dans le véhicule. Lee Sun-kyun faisait l'objet d'une enquête ouverte en octobre par les autorités pour la consommation présumée de cannabis et d'autres psychotropes.
Dans un pays très strict en la matière, ce scandale a entaché l'image de l'acteur, le privant notamment de contrats publicitaires et d'apparitions à la télévision et au cinéma, pour un manque à gagner évalué à dix milliards de wons (7 millions d'euros) par la presse sud-coréenne. Des experts ont depuis déploré l'absence de présomption d'innocence, engendrant une ambiance malsaine. L'affaire a été couverte avec un sensationnalisme largement alimenté par la diffusion d'éléments de l'enquête. La police est soupçonnée d'être à l'origine de la fuite de pièces confidentielles, comme des extraits audio de conversations téléphoniques privées.
"Un meurtre social"
En plus de la pression médiatique, Lee Sun-kyun devait se plier aux interrogatoires des forces de l'ordre : le dernier d'entre eux, quelques jours avant sa mort, avait duré dix-neuf heures. "Il n'y avait pas le besoin de nommer le suspect dans cette enquête", a estimé auprès de l'AFP Vladimir Tikhonov, professeur d'études coréennes à l'université d'Oslo. "En Corée du Sud, à un niveau bien plus élevé que dans n'importe quel pays européen qui tolère mieux l'usage de psychotropes, être suspecté dans une affaire de drogues équivaut à une sanction en soi, avec l'ostracisme du public", a-t-il expliqué.
C'est un "meurtre social", a fustigé Yu Hyun-jae, professeur de communication à l'université Sogang de Séoul, qui a pointé du doigt la responsabilité partagée des médias, de la police et du public, dans l'"immense humiliation" que l'acteur a dû endurer. Le chef de la police d'Incheon, Kim Hui-jung, a défendu jeudi ses équipes, qui ont conduit l'enquête "en accord avec les procédures légales", sans donner d'informations confidentielles à la presse.
L'annonce de la mort soudaine de l'acteur star a suscité une vive émotion. Une cérémonie privée dans un hôpital de Séoul a réuni vendredi sa femme, l'actrice Jeon Hye-jin, et leurs deux garçons, ainsi que d'autres noms du cinéma coréen. Le réalisateur de Parasite Bong Joon-ho s'était rendu jeudi au funérarium, devant lequel des fans en deuil ont déposé des messages de recueillement. "Les œuvres que vous avez créées avec vos efforts et votre sincérité ont sauvé tellement de personnes", "Nous sommes désolés que nous n'avions rien pu faire pour vous quand vous traversiez une période difficile", pouvait-on lire sur ces mots. Plusieurs événements en lien avec les divertissements en Corée du Sud ont été annulés pour respecter la mémoire du comédien.
Tolérance zéro face aux drogues
La Corée du Sud a adopté une politique de "tolérance zéro", l'actuel président Yoon Suk Yeol ayant déclaré une "guerre contre les drogues" à son arrivée au pouvoir l'an dernier. Les différents scandales liés aux stupéfiants et aux personnalités du monde du spectacle désignent le quartier branché de Gangnam, où les appartements de luxe font face aux boîtes de nuit et aux cliniques de chirurgie esthétique.
Lee Sun-kyun avait été soupçonné d'avoir pris des substances illégales chez une hôtesse d'un bar fastueux de ce district de la capitale Séoul. Il avait nié avoir consommé en connaissance de cause ces produits, et assurait avoir été "piégé" par cette femme, contre laquelle il avait déposé plainte pour chantage et extorsion d'argent selon Yonhap. L'acteur avait récemment passé deux tests de détection de drogues, tous négatifs, a précisé l'agence de presse sud-coréenne.
La kétamine au cœur de scandales
La police a annoncé vendredi qu'elle avait déféré au parquet un chirurgien esthétique exerçant à Gangnam, actuellement détenu pour avoir prétendument fourni des drogues illégales à l'hôtesse de bar impliquée dans l'affaire. La kétamine, l'une des drogues que M. Lee aurait consommées, a également été mise en cause dans le scandale de la discothèque Burning Sun, à Gangnam, tenue par une star de K-Pop, condamnée à de la prison pour avoir notamment proposé des femmes en vue de relations sexuelles à de potentiels investisseurs.
Cette année, un homme a été condamné à la prison à perpétuité pour avoir organisé l'enlèvement et le meurtre d'une femme, sur fond de crash du marché des cryptomonnaies et de kétamine, l'arme du crime que le criminel a réussi à obtenir via sa femme, infirmière dans une clinique de chirurgie plastique.
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