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Dans le Yémen en guerre, le cinéma envers et contre tout

Une salle de banquet d'Aden transformée en cinéma de fortune dans le Yémen en guerre. Le soir de la première de son film, le cinéaste Amr Gamal retient son souffle, craignant que personne ne soit au rendez-vous. Finalement, les spectateurs sont venus nombreux, comme les soirs suivants.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Avant la première projection à Aden de "10 jours avant le mariage", film d'Amr Gamal tourné dans le Yémen en guerre
 (Saleh al-Obeidi / AFP)

Avec "10 jours avant le mariage", hommes, femmes et enfants ont renoué avec le plaisir du cinéma à Aden, deuxième ville du Yémen, un pays plongé dans une guerre dont on ne voit pas la fin.
 
Ce film, l'histoire d'un couple qui se bat pour se marier sur fond de conflit, est le premier long métrage d'Amr Gamal et l'un des rares films yéménites produits ces deux dernières décennies.
 
"Notre plus grande crainte était d'abord que personne ne vienne voir le film", a-t-il déclaré à l'AFP après une projection début septembre. "Nous pensions que c'était impossible d'avoir une forte participation, tant les gens ont peur", a-t-il ajouté. "Mais l'impossible est arrivé".

Deux jeunes Yéménites dont la guerre repousse le mariage

"10 jours avant le mariage" raconte la vie de Rasha et Maamoun, deux jeunes Yéménites dont le mariage a dû être reporté en 2015 quand l'Arabie saoudite et ses alliés sont venus appuyer militairement le gouvernement contre des rebelles qui s'étaient emparés d'une bonne partie du pays.
 
Après un apaisement du conflit dans le bastion gouvernemental d'Aden, le couple tente une nouvelle fois de se marier mais se heurte aux conséquences de la guerre, notamment la pauvreté, les assassinats et les affrontements sporadiques. "Il y a toujours une guerre parallèle après la fin officielle", estime le cinéaste. "Malheureusement, tant d'ambitions, de rêves sont détruits par la guerre dans le monde arabe", ajoute-t-il.
 
L'histoire a visiblement touché les spectateurs. "Le film est incroyable. C'est fidèle à la réalité, celle de nos vies, ici à Aden, une ville qui souffre vraiment", a confié l'un d'eux. Un autre, sa petite fille dans les bras, a qualifié le film d'"indescriptible".

Tous les cinémas ont fermé

Le film, entièrement tourné au Yémen en temps de guerre, a été produit avec un budget estimé à 33.000 dollars seulement, selon Amr Gamal.
 
Une fois le film achevé restait le problème de la salle, les cinémas d'Aden ayant fermé soit parce qu'ils ont été détruits ou endommagés, soit pour des difficultés budgétaires. Amr Gamal et son équipe ont ainsi aménagé une salle de banquet, installant des chaises de velours rouge et un écran.
 
Lors du tournage, l'équipe du film a également dû faire face aux difficultés quotidiennes du Yémen, comme des pannes d'électricité ou des interruptions du réseau des téléphones portables. "Nous avons dû nous rendre chez les acteurs en voiture pour les informer d'un changement d'horaire ou de lieu car il n'y avait pas de réseau la moitié du temps", explique Amr Gamal.
 
Selon lui, c'est grâce aux habitants d'Aden que son film a été rendu possible. En voyant les caméras et les acteurs dans les rues, les gens leur ont apporté de l'eau, les ont encouragés et, dans certains cas, ont proposé gratuitement leurs magasins ou leurs maisons comme cadre pour le tournage.

Une poignée de films sortis au Yémen

"C'était insensé de produire un film au Yémen maintenant, dans les conditions actuelles", estime le cinéaste. "Mais (...) c'était une façon de défier (la réalité), et je crois que l'audience l'a perçu. Les gens ont eu le sentiment que ça les représentait."
 
Les réalisateurs yéménites se battent depuis des décennies pour représenter leur pays et son peuple au grand écran. Après l'unification en 1990 du Nord et du Sud, autrefois indépendants, les cinémas au Yémen ont progressivement disparu en raison des fatwas religieuses, de la pauvreté ou de la guerre. Mais les cinéastes du pays ont refusé d'abandonner, avec une poignée de films sortis ces dernières années.
 
"Karama Has No Walls" ("La dignité n'a pas de limite"), un court métrage de Sara Ishaq nominé aux Oscars, raconte l'histoire de manifestants désarmés qui sont descendus le 18 mars 2011 dans les rues de la capitale Sanaa, où ils ont été abattus par les forces de l'ordre.
 
La documentariste Khadija al-Salami a également été saluée en 2014 avec son film "Moi Nojoom, 10 ans, divorcée", qui raconte l'histoire d'une fillette qui veut divorcer de son mari.

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