De "La Vie d'Adèle" à "L'Amour ouf", comment Adèle Exarchopoulos s'est fait un nom dans le cinéma français

Article rédigé par Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié
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Adèle Exarchopoulos est à l'affiche de "L'Amour ouf", en salles le 16 octobre 2024. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)
Révélée par le film d'Abdellatif Kechiche, Palme d'or à Cannes en 2013, l'actrice s'est tournée au fil d'une décennie bien remplie vers un cinéma plus populaire. Elle est aujourd'hui la tête d'affiche du long-métrage de Gilles Lelouche au casting cinq étoiles.

Elle a d'abord été un prénom. Parce qu'il fallait s'y reprendre à deux fois pour ne pas écorcher le patronyme d'Adèle Exarchopoulos, d'origine grecque par son arrière-grand-père. Et surtout parce qu'elle était l'héroïne de La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche, qui a fait sensation à Cannes en 2013. En une prestation, Adèle Exarchopoulos a fait irruption comme une météorite dans le cinéma français. Une décennie plus tard, elle est plus que jamais installée dans le paysage avec, à 30 ans, deux César en poche. Elle est la tête d'affiche du nouveau film de Gilles Lellouche, L'Amour ouf, en salles mercredi 16 octobre, avec un casting XXL réunissant  François Civil, Vincent Lacoste, Elodie Bouchez ou encore Alain Chabat. Retour sur les moments charnières de sa carrière.

"La Vie d'Adèle" bouleverse la sienne

Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux dans "La Vie d'Adèle", d'Abdellatif Kechiche. (7E ART/ALCATRAZ FILMS)

Adèle Exarchopoulos explose devant la caméra d'Abdellatif Kechiche, face à Léa Seydoux dans cette histoire d'amour entre deux adolescentes, inspirée de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh. "Ce rôle, je le voulais grave, j'ai tout donné", confie-t-elle à L'Express. Avant de l'obtenir, cette Parisienne, qui a débuté le théâtre à 9 ans, en avait eu d'autres, dans Boxes de Jane Birkin (en 2006), Les Enfants de Timpelbach de Nicolas Bary (2008), La Rafle de Roselyne Bosch (2010) ou encore Tête de Turc de Pascal Elbé (2010).

Des troisièmes rôles qui la mènent à Adèle, premier premier rôle de sa carrière. Elle a 19 ans et tout va basculer. Elle passe cinq mois sur le plateau et découvre les méthodes de travail du réalisateur, critiquées par les techniciens. "Abdel aime travailler dans l'épuisement et le relâchement, mais il ne réalise pas qu'il y a des gens pour lesquels, c'est dur de s'abandonner autant", raconte-t-elle dans Libération. Le film bouleverse la Croisette. Steven Spielberg, président du jury cette année-là, demande une dérogation pour que les deux actrices reçoivent également la Palme d'or décernée au film.

La promotion qui suit est chaotique, Léa Seydoux relatant un tournage "horrible" dans le quotidien américain The Daily Beast. Sa camarade, elle, est moins critique, mais raconte tout de même que Léa Seydoux l'a "frappée de nombreuses fois, pendant que [Kechiche] criait 'Frappe-la ! Frappe-la encore !" Elle tente bien d'éteindre l'incendie dans les interviews suivantes, mais le mal est fait. "Abdel, il a une passion dévorante, débordante. (...) Bien sûr qu'il est difficile à suivre. (...) Oui ses méthodes donnent des résultats et ce n'est pas de la torture. Faut pas exagérer", précise-t-elle dans Le Journal du dimanche.

"J'ai gagné cinq ans en maturité, je connais mes faiblesses, mes forces, j'assume mes doutes. En cinq mois, Abdel m'a éduquée comme on ne m'a jamais éduquée en dix-huit ans à l'école."

Adèle Exarchopoulos

dans "Le Monde"

Sean Penn l'emmène à Hollywood

Adèle Exarchopoulos et Sean Penn, au Festival de Cannes, le 20 mai 2016. (VALERY HACHE / AFP)

Après son rôle dans La Vie d'Adèle, tout le monde apprend à prononcer son nom. Son père n'a plus besoin de faire un scandale. Sur un tournage, un imprudent avait ainsi soumis l'idée à l'actrice de changer de nom par commodité sur les affiches. "Mon père a appelé la production et a pété un câble. Il a dit : 'Ma fille, elle est mineure, personne ne lui dit de changer de nom. Elle a un nom grec, ça reste comme ça'", se souvient-elle dans l'émission "Sept à huit" sur TF1.

Sean Penn ne bégaye pas au moment de réclamer une rencontre. L'acteur-réalisateur américain est tombé sous le charme à Cannes et profite de la venue de l'actrice à Los Angeles, où elle doit recevoir un prix, pour demander une rencontre. Une éventualité qui fait oublier à la Française son stress au moment de recevoir sa récompense, se rappelle-t-elle dans "C à vous". Sean Penn lui propose un rôle dans The Last Face, où elle joue une volontaire dans une association humanitaire aux côtés de Javier Bardem et Charlize Theron.

Elle revient à Cannes pour ce film trois ans après le triomphe de La Vie d'Adèle, mais l'accueil est nettement moins enthousiaste. "J'ai appris ce que c'était que de se prendre une grosse claque", observe-t-elle dans l'émission de France 5, même si elle trouve les critiques sévères. Si elle a signé un contrat avec l'agence d'artistes CAA (Creative Artists Agency) dans la foulée de La Vie d'Adèle, cette expérience américaine reste la seule à ce jour pour celle qui ne "fait pas une fixation sur Hollywood", comme elle l'assure à Allociné.

Elle fait une pause sandwich dans sa carrière

Adèle Exarchopoulos à un défilé de la Fashion Week, à Paris, le 7 mars 2017. (CHEN YICHUAN / IMAGINECHINA)

Sa carrière va connaître un coup d'arrêt. A 23 ans, elle tombe enceinte du rappeur Doum's et doit abandonner deux projets qu'elle "kiffait grave", assure-t-elle dans Paris Match, "parce que le tournage avait lieu hors de France et ne pouvait pas du tout [l']attendre". L'actrice se cherche une occupation. "J'avais besoin de banalité, faire quelque chose de très concret", détaille-t-elle dans Libération. Elle se tourne donc vers son père, qui est "chef des stands des sandwichs" à l'Accor Arena, précise-t-elle dans "Sept à Huit". Il la prévient, selon des propos rapportés par Vanity Fair : "Si c'est juste pour te prouver à toi-même que tu peux être quelqu'un de simple, c'est ridicule."

"J'ai besoin d’être dans un monde sain et normal, de me dire qu'il n'y a pas que le cinéma. Je vais devenir maman et ça me stresse."

Adèle Exarchopoulos, actrice

dans "Vanity Fair"

Les clients qu'elle sert lui trouvent une ressemblance avec "la fille Popoulos, là, celle qui était à Cannes", raconte Le Monde. L'expérience va durer deux mois. Mais les plateaux lui manquent et à la naissance de son fils, en avril 2017, elle comprend qu'actrice est devenu son métier "avec un revenu, des obligations".

Ses singeries dans des comédies font hurler de rire

Adèle Exarchopoulos interprète Agnès dans "Mandibules" de Quentin Dupieux. (MEMENTO DISTRIBUTION)

Depuis La Vie d'Adèle, le cinéma français voit en elle une actrice sérieuse. "J'ai reçu énormément de propositions de films très naturalistes et réalistes", déclare-t-elle dans Paris Match. Un malentendu qui a duré, alors qu'Adèle Exarchopoulos a toujours aimé rire et faire rire. Elle voue ainsi un culte à Jim Carrey et a grandi devant Louis de Funès, Charlie Chaplin ou encore la série Seinfeld.

Au début de sa carrière, elle regrettait dans Le Monde que les comédies françaises "ne soient pas vraiment drôles" ou dans Les Inrocks que "les cinéastes ne [l']imaginent pas comme quelqu'un de drôle". Il y avait bien eu un aperçu de son talent pour la comédie dans Sybil de Justine Triet en 2019, mais ce sont les rôles d'Agnès dans Mandibules de Quentin Dupieux en 2021 et de Soraya dans la série La Flamme qui vont tout changer.

Hasard ou pas, juste avant, à l'automne 2018, elle quitte son agent historique Denis Planat, qui la conseillait depuis 2006 pour rejoindre Grégory Weill, un des grands noms du milieu, et l'agence Adequat. "J'attendais vraiment qu'on me projette dans ce genre d'univers", savoure-t-elle dans Madame Figaro, à propos de Mandibules. Elle y hurle les dialogues d'Agnès, un personnage qui est tombé sur la tête au ski.

"Toutes les phrases étaient écrites en majuscules et en gras, et Quentin Dupieux me disait : 'Vas-y, joue faux !'"

Adèle Exarchopoulos, actrice

dans "Madame Figaro"

Dans la série La Flamme, entourée de ses proches (Leïla Bekhti, Jonathan Cohen, Géraldine Nakache...), elle interprète Soraya, jeune femme à qui on a greffé un cœur de singe. "J'ai osé improviser, essayer des choses un peu folles, car je me sentais en famille. Mais j'ai été la plus coupée au montage, car je n'arrivais pas à contenir mes fous rires !" sourit-elle dans Le Journal du dimanche. Elle en garde le souvenir du "meilleur tournage de toute [sa] vie !", au point qu'elle rempilera pour la suite, avec Le Flambeau.

Elle est couverte de lauriers avec un deuxième César

Adèle Exarchopoulos reçoit le César du meilleur second rôle féminin pour "Je verrai toujours vos visages", le 23 février 2024, à Paris. (JULIEN M. HEKIMIAN / GETTY IMAGES EUROPE)

Déjà sacrée pour La Vie d'Adèle dans la catégorie du meilleur espoir féminin aux Césars en 2014, Adèle Exarchopoulos récolte une deuxième récompense dix ans plus tard dans la catégorie du meilleur second rôle féminin pour sa prestation dans Je verrai toujours vos visages. Son personnage dans le film de Jeanne Henry sur la justice restaurative, victime d'inceste, la confronte à un défi : "Jouer que des face-à-face et devoir faire vivre des événements du passé, non dans l'action, mais dans la discussion", explique-t-elle dans Le Figaro.

Lors de son discours de remerciements, elle "pense à toutes les Chloé de ce monde qui essaient de réparer l'irréparable" et salue "les travailleurs sociaux, les bénévoles, les gens qui essaient de réparer l'autre et la société avec le peu de moyen qu'ils ont". Onze ans après son premier César, elle mesure le chemin parcouru "avec de la chance, des très belles rencontres, une bonne étoile, beaucoup de bienveillance", énumère-t-elle pour Ouest-France.

"Le premier, tu te dis que c'est un coup de poker. Le deuxième, tu commences à y croire et à te dire que c'est peut-être du travail."

Adèle Exarchopoulos, actrice

dans "Ouest-France"

Pour autant, le syndrome de l'imposteur n'a pas totalement disparu. "Avant un film, avoue-t-elle dans Vanity Fair, j'ai peur et je sens que c'est ce qu'il y a de plus constructif."

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