Décès du réalisateur engagé René Vautier
Il est mort à l'hôpital, en Bretagne où il résidait, a annoncé à l'AFP sa femme Soazig Chappedelaine Vautier. Ce réalisateur à la vie mouvementée, qui a connu la fuite, la prison, la grève de la faim, les menaces et les condamnations, se considérait comme "le cinéaste français le plus censuré".
Né le 15 janvier 1928 à Camaret-sur-Mer (Finistère), cet éternel révolté à l'oeil pétillant et à la tignasse blanche, se revendiquait comme "le cinéaste français le plus censuré", ses films dérangeants ayant souvent été interdits. "René Vautier était un cinéaste engagé s'il en fut, à une période où la censure veillait. C'était un juste", a déclaré à l'AFP Gilles Jacob, ex-président du Festival de Cannes.
"Il a marqué toute son oeuvre du combat contre le racisme et l'injustice"
La ministre de la Culture Fleur Pellerin a rendu hommage à un "cinéaste sans concessions, à contre courant et souvent censuré". "Toujours à l'avant-garde des luttes sociales, il a marqué toute son oeuvre du combat contre le racisme et l'injustice", a-t-elle souligné. Cet homme d'images à la vie mouvementée, qui a connu la fuite, la prison, la grève de la faim, les menaces et les condamnations, a notamment réalisé des dizaines de films et de documentaires sur la guerre d'Algérie.
Parmi eux, "une Nation l'Algérie" (1954), qui lui valut d'être poursuivi pour "atteinte à la sécurité intérieure de l'État" car il y déclarait que "l'Algérie sera de toute façon indépendante" et "Algérie en flammes" (1958), tourné dans le maquis. Il formera ensuite la première génération de cinéastes algériens. Reparti en Algérie en 1962, René Vautier a en effet créé le Centre audiovisuel d'Alger, dont la mission était de former les futurs réalisateurs algériens.
Mais son oeuvre la plus célèbre sur le sujet reste "Avoir vingt ans dans les Aurès", une charge anticolonialiste retraçant le parcours d'appelés bretons dans le bourbier algérien. Basé sur les auditions de 600 appelés du contingent, il sera récompensé au festival de Cannes en 1972 par le prix international de la critique.
"Afrique 50", un court métrage censuré pendant 40 ans
Il était aussi le réalisateur d'"Afrique 50", un court-métrage réalisé à 20 ans, devenu le premier film anticolonialiste du cinéma français alors qu'il s'agissait au départ d'une commande destinée à promouvoir la mission éducative des Français dans les colonies. Le brûlot, qui dénonce le manque de professeurs et les crimes commis par l'armée française, est censuré pendant quarante ans et vaut à son auteur une condamnation à un an de prison.
"Amis, la colonisation c'est le règne des vautours", y lance d'une voix rageuse René Vautier, qui s'est ensuite caché dans le pays Dogon pour sauver les bobines du film de la censure avant d'être emprisonné. En 1997, le ministère des Affaires étrangères lui remettait officiellement la copie confisquée d'"Afrique 50" désormais projeté à l'étranger, avait-il raconté à l'AFP. A la télévision française, le film n'a été diffusé qu'en 2008.
Défenseur de la cause ouvrière
En janvier 1973, le cinéaste a mené une grève de la faim d'un mois pour protester contre "le jugement sur le contenu politique des films porté par la commission de censure", après l'interdiction du film "Octobre à Paris" de Jacques Panijel, sur la répression sanglante, le 17 octobre 1961, d'une manifestation pour l'indépendance des Algériens à Paris.
René Vautier a également porté son regard sur les luttes ouvrières, s'intéressant notamment en 1973 dans "Transmission d'expérience ouvrière", aux ouvrières licenciées des forges d'Hennebont (Morbihan). L'engagement politique de René Vautier, qui vivait à Cancale (Ille-et-Vilaine), remonte à sa participation, à 15 ans, à la Résistance dans le Finistère. "Amené à utiliser une grenade, je m'étais dit que jamais plus je ne me servirai d'une arme", racontait-il à l'AFP en 2008.
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