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"American Factory" : une usine rachetée par des Chinois au cœur du premier film soutenu par le couple Obama

Ce documentaire sera la première oeuvre jamais distribuée par la société du couple Obama, Higher Ground Productions. Il sera diffusé sur la plateforme Netflix et dans certains cinémas le 21 août. 

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Image du documentaire American Factory, distribué par la société du couple Obama. (NETFLIX)

Plongée sociale dans le quotidien d'une usine de l'Ohio rachetée par des Chinois, le documentaire American Factory a conquis Barack et Michelle Obama, qui en ont fait la première acquisition de leur société de production.

"Ils nous appellent les étrangers", lâche un employé désabusé d'une usine de pare-brises de l'Ohio, où des centaines d'ouvrier chinois sont venus travailler, loin de leurs familles. Mais l'ouvrier en question est américain, pas chinois, et il a bien du mal à s'adapter aux changements apportés par le milliardaire Cao Dewang, qui a racheté en 2014 l'usine de Moraine, abandonnée six ans plus tôt par le constructeur emblématique des Etats-Unis, General Motors. Pour les réalisateurs du film American Factory, Steven Bognar et Julia Reichert, il s'agit ni plus ni moins de "mondialisation inversée". Le couple avait été sélectionné aux Oscars pour son documentaire sur la fermeture de l'usine GM en 2008 et il a souhaité revenir pour y filmer la reprise de la production sous la direction de la société chinoise Fuyao.

Plongée dans la vie de l'usine

American Factory dépeint la joie initialement suscitée par la reprise de l'activité et le retour de milliers d'emplois dans une zone sinistrée, puis la colère et les désillusions devant les exigences et la sévérité de la direction chinoise. Cette plongée dans la vie de l'usine, des ouvriers aux cadres supérieurs, tant américains que chinois, a séduit l'ancien président Barack Obama et son épouse Michelle lorsque le film a été présenté en janvier au prestigieux festival Sundance, dans l'Utah. Le couple a aussitôt acheté le documentaire et le diffusera sur la plateforme Netflix et dans certains cinémas le 21 août, la première oeuvre jamais distribuée par leur société Higher Ground Productions.

Deux ouvrières de l'usine de Moraine dans le documentaire American Factory. (NETFLIX)

"Mme Obama a dit que ça lui parlait, car son père a travaillé très dur pendant des décennies pour faire vivre sa famille, et elle a senti ce côté Midwest du film lorsqu'elle l'a vu", confie à l'AFP Steven Bognar. "Elle a retrouvé sa famille dans le film, et je pense que le président y a trouvé un certain nombre de questions politiques et de sujets liés à la mondialisation", ajoute Julia Reichert. La compétition entre les Etats-Unis et la Chine pour la maîtrise de l'économie mondiale est un facteur déterminant de la géopolitique du 21e siècle. Les réalisateurs ont cherché à en explorer les aspects humains à travers la vie de cette usine de l'Ohio, à laquelle le propriétaire leur a donné libre accès.Cao Dewang, président et fondateur du groupe Fuyao, "est un franc-tireur, quelqu'un de très indépendant, un homme d'affaires qui s'est fait tout seul", analyse Steven Bognar. "Il avait vu notre précédent film (sur l'usine) et il l'avait aimé, donc il a décidé de tenter sa chance avec nous".

Montée des tensions

Les premières scènes du nouveau documentaire montrent les efforts sincères des ouvriers américains et chinois pour apprendre à se connaître et établir des liens.  Parties de pêche, leçons de tir et fêtes de Thanksgiving semblent porter leurs fruits. Les choses se gâtent lorsque la nouvelle direction s'inquiète de lourdes pertes financières. Elle commence alors à licencier les cadres américains pour les remplacer par des chinois, bombardés d'exhortations patriotiques pour obtenir des rendements toujours plus importants. Malgré les promesses, les salaires restent bien inférieurs à ceux offerts à l'époque par General Motors, tandis que tout est fait pour décourager les tentatives d'organiser des syndicats ou d'endiguer la détérioration des critères de sécurité. "Le fossé culturel était plus large que les gens ne le pensaient", estime Steven Bognar, relevant que les propriétaires chinois étaient tout aussi déboussolés et déçus que les ouvriers américains."Ils ne nous ont pas mis dehors alors que la pression montait, il faut mettre ça à leur crédit", relève le réalisateur.

L'usine de Moraine n'est pas un cas isolé. Des investisseurs chinois ont racheté de nombreux sites industriels dans le Midwest ou le sud des Etats-Unis, dont les emplois avaient été délocalisés au Mexique voisin ou ailleurs. Le président Donald Trump a abondamment joué de ces désillusions pour asseoir sa victoire en 2016. Il a réalisé de très bons scores électoraux dans l'Ohio ainsi que dans le Michigan et le Wisconsin voisins, en promettant que les ouvriers licenciés retrouveraient un emploi grâce à sa politique économique. Avec American Factory, "vous avez un petit goût de ce que donne la mondialisation au niveau humain. Je pense que le film vous laisse un sentiment de malaise", résume Susan Reichert.

Affiche du film American Factory. (NETFLIX)

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