Jean-Michel Bertrand : "'La Vallée des Loups' est un plaidoyer pour le sauvage"
Ne demandez pas à Jean-Michel Bertrand où se trouve cette vallée des loups qu'il a arpentée pendant trois ans, il ne vous le dira sous aucun prétexte. Il a dû faire oeuvre de patience et d'une discrétion remarquable pour pouvoir filmer au plus près l'animal sauvage : "Vous, vous ne me voyez pas (sur le terrain) mais eux me captent complètement donc le but c'est d'être très rituel et de finir par faire partie du paysage, du décor".
Pour cela Jean-Michel Bertrand a une technique affinée au fil du temps : "Circuler toujours selon les mêmes itinéraires, les mêmes horaires sans croiser les loups, donc aux heures où ils ne bougent pas trop, en pleine journée". Il faut aussi marquer son passage. Pour cela il faut faire comme les loups "laisser des pipis partout où l'on passe". Pour faire complètement partie du décor il faut aussi "toujours dormir en montagne en sachant que les loups passent leur temps à contrôler leur territoire". C'est pour cela que Jean-Michel Bertrand a mis trois ans à faire son film.
Le réalisateur a dû patienter quatre mois avant de voir le premier loup et à nouveau un an avant de voir une louve, puis la meute le lendemain.
C'est un coup de poing ultra puissant que je reçois dans l'estomac.
Jean-Michel Bertrand a connu des hauts et des bas pendant sa quête. "Quand on aperçoit l'animal c'est colossal. Mais quand vous restez une année entière sans le voir le doute s'installe et quand ils apparaissent... c'est colossal. On est dans la réalité de l'émotion."
Le réalisateur s'est approché à 60, 80 mètres, mais en fait, "ce sont eux qui choisissent", précise-t-il.
Il les a approchés suffisamment près pour avoir la confirmation que les loups ne sont pas agressifs envers l'homme. Il en est la preuve vivante.
Le loup est besogneux
Ce séjour dans "La Vallée des Loups" a permis à Jean-Michel Bertrand de découvrir que, quand la meute se déplace c'est la femelle qui marche toujours devant. Et puis partager le quotidien de cet animal qui suscite tant de fantasmes permet de relativiser beaucoup de choses. Ainsi, il apparaît que les loups sont plutôt besogneux et comme nous, leur truc à eux c'est de s'occuper des petits puis de les lâcher dans la vie dans les meilleures conditions possibles.A ceux qui voient dans "La Vallée des Loups" un plaidoyer pour le loup, Jean-Michel Bertrand préfère élargir le propos : "C'est un plaidoyer pour le sauvage. Le loup est un stigmatiseur et le symbole de la nature sauvage. Alors est-ce qu'on veut une "nature gérée" ou est-ce qu'on est capables, dans nos sociétés, de vivre avec le sauvage ?"Toute l'activité de la meute est concentrée sur la réussite de la reproduction et des petits qui doivent partir avec leurs armes dans la vie.
Question essentielle à laquelle Jean-Michel Bertrand apporte des pistes de réponses dans son film et dans son livre. En les présentant dans son tour de France il essaie d'élever le débat entre pro-loups et anti-loups. Un débat qu'il juge stérile. "Un débat de postures".
La fiche
"La Vallée des Loups" réal. Jean-Michel Bertrand. Sortie le 4 janvier 2017.
Synopsis:
Il existe encore aujourd’hui en France des territoires secrets. Ce film est une quête personnelle, l’histoire d’un pari fou tenté par un passionné rêveur, un anti-héros capable de briser toutes les barrières pour parvenir à son but : rencontrer des loups sauvages dans leur milieu naturel. Après trois années passées sur le terrain à bivouaquer en pleine nature par n’importe quel temps, le réalisateur parvient à remonter la piste des loups. Petit à petit, il observe, se rapproche et finit par se faire accepter par la meute. Contre toute attente les prédateurs magnifiques offrent alors un peu de leur intimité à ce drôle de personnage. Mais le film pose aussi la question des limites de cette intimité.
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