Le documentaire "Miyazaki, l’esprit de la nature" sur Arte.tv sonde les ressorts intimes et écologistes du maître de l’animation

Ce film, à voir à sur Arte.tv jusqu'au mois de mars, se penche sur le rapport puissant à la nature qu'entretient le magicien japonais de l'animation. Des convictions écologistes que l'on retrouve au cœur de sa merveilleuse filmographie, bien plus engagée qu'elle en a l'air.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Le Japonais Hayao Miyazaki, maître de l'animation, à Tokyo (Japon), le 6 septembre 2013. (KOJI ITO / YOMIURI / AFP)

Hayao Miyazaki ravit petits et grands depuis des décennies avec ses dessins animés à l’univers riche et singulier, à la fois trouble et enchanteur, entre ombre et lumière. À quelles sources s’abreuve son imaginaire onirique, peuplé d’enfants dégourdis et d'étranges créatures surnaturelles ? Quel est son message ? Et comment travaille ce magicien de l’animation ? C’est à ces questions et à quelques autres que répond le documentaire de Léo Favier Miyazaki l’esprit de la nature, a voir sur Arte.tv jusqu’au 19 mars 2025.

Né en 1941, Hayao Miyazaki a grandi dans un Japon dévasté par la Seconde guerre mondiale. Ses premiers souvenirs sont liés à violence des bombardements dans son pays. Il en est marqué à vie. Or, "mes créations viennent d’idées que j’ai eues durant mon enfance", explique le maître dans ce film riche en archives, en analyses et en témoignages de proches. Une enfance dont il dit regretter de "ne pas avoir profité autant que j'aurais pu". 

Un réalisateur affecté par le chaos du monde

Profondément inquiet sur l’état du monde et pessimiste sur l'humanité et sa capacité à se réformer, le réalisateur a toujours voulu avec ses films réconforter les enfants et leur donner espoir. Cependant, "vu la réalité qu’ils traversent, les encouragements ne suffisent plus", estime-t-il au mitan des années 90.

Ce pessimisme donnera lieu à la formidable fable écologique Princesse Mononoké (1996), qui l’a fait connaître dans le monde entier, après avoir été un succès majeur au Japon, et ce alors que le réalisateur avait dépassé les 55 ans. Dernier animé de cette ampleur entièrement dessiné et peint à la main image par image (144 000 au total !), ce film sombre et violent dans lequel des divinités de la forêt bataillent contre des humains qui menacent de détruire la nature, "contient à la fois ses convictions les plus politiques et ses doutes les plus intimes".

Le documentaire part de ce long-métrage pour nous raconter l’histoire de cet écologiste convaincu de longue date. Dès ses débuts, avec Le château de Cagliostro (1979) et Nausicaä de la Vallée du vent (1984) – dont le succès au Japon a conduit Hayao Miyazaki à créer le studio Ghibli avec Isao Takahata en 1985 -, puis avec les chefs-d’œuvre Le Château dans le ciel (1986), Mon voisin Totoro (1988) et Ponyo sur la falaise (2008), il n’a cessé de sensibiliser les plus jeunes à la nécessaire préservation de la planète.

On voit ici au travail ce perfectionniste, Oscar du meilleur film d'animation en 2003 pour Le voyage de Chihiro (2001), dessiner et rectifier fébrilement ses planches, réfléchir, douter et trouver l'inspiration au fur et à mesure, sans savoir à l'avance comment se concluront ses films, condamnant ses collaborateurs à travailler sans relâche.

Des films qui interrogent notre rapport au vivant

Fasciné par les arbres, Miyazaki pense que "nous sommes tous nés de la forêt" et son œuvre tout entière interroge notre rapport au vivant. Dans ses films, qui sont souvent des fables initiatiques, l’être humain fait partie de la nature et n’est pas différent des autres organismes qui la peuplent, qu’ils soient vivants ou inanimés comme les pierres.

Dans son univers, la nature, des forêts, aux vents et aux océans, possède une âme, et il suggère que l’humanité devrait entretenir avec elle un rapport collaboratif et respectueux, d’égal à égal. Une vision animiste profondément nippone. Car "au Japon, la nature n’existe pas comme entité extérieure aux humains", explique l’anthropologue Philippe Descola, en évoquant "un shintoisme des campagnes".

Bafouée, défigurée par des humains cupides et leur société industrielle, la nature se venge : généreuse, elle peut aussi être féroce. En éclairant le contexte dans lequel les films du maître ont été réalisés, Léo Favier montre d'ailleurs qu’ils ont souvent correspondu à une catastrophe, qu’il s’agisse de la pollution au mercure de la baie de Minamata ou du séisme meurtrier de Kobé.

"J’entends dire que Ghibli est doux et réconfortant. J’ai une envie irrépressible de détruire cette idée, explique Miyazaki. Si on n’aborde pas les problèmes actuels de notre époque, faire des films n’a aucun sens." Ailleurs, il ajoute : "Quel que soit le degré de chaos, nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à vivre". À cet égard, ses merveilleux films nous sont d’un profond soutien.

"Miyazaki, l’esprit de la nature", documentaire (2024) de Léo Favier (1h22) est disponible jusqu’au 19 mars 2025 sur Arte.tv

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