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Manet, ses portraits de la vie se racontent sur grand écran
Ouverte en janvier, l’exposition « Manet : peindre la vie » proposée à la Royal Academy Arts de Londres affiche complet jusqu'en avril. D’où l’intérêt de cette soirée spéciale organisée par les cinémas Gaumont-Pathé le 11 avril. Le public a suivi une visite guidée filmée de cette première rétrospective consacrée à l’art du portrait de Manet. Une façon originale de découvrir l’œuvre du peintre.
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C’est en quelque sorte une visite guidée privilégiée qui était proposée au public le 11 avril. Privilégiée car le musée a été fermé au public lors du tournage de ce film rélaisé par Phil Grabsky. Une visite menée par l’historien de l’art Tim Marlow, connu outre-Manche pour sa chronique sur Channel Five où il parle des œuvres d’art et des expositions de façon abordable.
Et c’est ce qui ressort de ces 90 minutes durant lesquelles Tim Marlow va nous guider dans la vie de Manet en s’appuyant sur quelques œuvres fortes, analysées par des spécialistes, le tout sans se transformer en catalogue qui va « bêtement » de tableaux en tableaux, à l’image de ce que nous faisons la plupart du temps quand nous allons visiter une expo. Le début du film se promène d’abord dans les salles (huit au total), offrant des plans rapprochés sur certaines œuvres. L’image étant d’excellente qualité et « étalée » sur un grand écran, on perçoit vraiment les coups de pinceaux, la matière, les détails infimes des tableaux. Bref, on a la sensation de rentrer dans l’œuvre.
Puis en guise d’introduction, Tim Marlow demande à MaryAnne Stevens, la co-curatrice de l’exposition (un autre terme pour désigner un commissaire d’exposition) en quoi Manet est un artiste moderne, associé à tort au mouvement impressionniste. Cette dernière offre des explications claires, dans un langage simple en s’appuyant sur des exemples concrets.
Le film propose ensuite de voir comment cette rétrospective exceptionnelle a pris vie, en montrant des images du travail effectué en amont entre équipe de la Royal Academy Arts et un designer pour voir comment chaque tableau allait trouver sa place dans les salles. On entre ensuite dans le vif du sujet : la vie d'Edouard Manet, sa naissance à Paris en 1832 dans une famille bourgeoise avec photos à l’appui, le tout étayé par Kathleen Adler, biographe du peintre. L’intérêt du film est de ne pas cantonner le spectateur aux quatre murs du musée. Pour illustrer le parcours du Manet, des images du Paris actuel viennent « aérer » et appuyer le récit, évoquant la capitale de l’époque, les lieux où le peintre a vécu, l’ambiance. Plus tard dans le film, on comprendra ainsi comment l’effervescence et les changements (par exemple les travaux du Baron Haussmann ou la photographie) qui caractérisent le Paris de cette fin du 19ème/début 20è ont pu influencer Manet dans sa carrière et son approche picturale. Pour illustrer chaque grand moment de sa vie, le film s’appuie donc sur des tableaux, (moins d’une dizaine) qui vont nous aider à comprendre l’art de Manet, ses préoccupations, son style et au final son « génie » comme le dit MaryAnne Stevens.
Parmi eux, « Le déjeuner dans l'atelier » (où l'on voit au centre Léon, le fils que Manet aura avec son épouse Suzanne Leenhoff). Interrogé par Tom Marlow, l’artiste et académicien Tom Philips en analyse les personnages, la composition, les symboles avec une justesse et une simplicité qui rendent le tableau «lisible » pour le grand public. Ici, pas de grandes tirades conceptuelles ou de langage technique. Il en sera de même avec tous les intervenants. Xavier Bray, curateur du Duwich Picture Gallery à Londres qui analyse « L’Acteur tragique », un tableau dans lequel Manet rend hommage à son idole, le peintre espagnol Velasquez. L’écrivain Iain Sinclaire nous éclaire sur « La Musique aux Tuileries », une œuvre considérée comme la pièce maîtresse de cette expo, à tel point qu’une salle entière lui est dédiée. C’est l’actrice Fiona Shaw qui décrypte le célèbre « Déjeuner sur l’herbe » de Manet, tableau refusé au Salon de Paris et à l’origine d’une polémique qui aura en tout cas le mérite d’asseoir la réputation de Manet ; l’artiste Jonathan Yeo décrypte le portrait d’Emile Zola, fervent défenseur de Manet qui va lui offrir cette œuvre qui au final n’est pas vraiment un portrait…
Le film explore aussi le rapport entre Manet et les impressionnistes, dont l’artiste a toujours voulu se distinguer tout en étant très ami avec eux (et notamment Monet, dont Manet a fait une toile : « La famille Monet dans son jardin ». Autres œuvres importantes, «The Railway » et « Un Bar aux Folies Bergères ». C’est ce tableau, dernière œuvre de Manet avant sa mort, qui va clore la visite. Tableau énigmatique qui laisse en suspens certaines questions, à l’image de l’oeuvre de Manet, d’une apparente facilité mais pleine de subtilités et de nuances. Au final, on ressort de cette séance avec le sentiment d’avoir mieux appréhendé la vie et les recherches du peintre. Le nombre de toiles expliquées est peut-être un peu élevé mais le rythme des interviews, la qualité des intervenants, les séquences hors-musée rendent le tout très digeste et pas du tout élitiste. De l’avis d’un spectateur présent à la projection, c’est le moyen idéal de découvrir un peintre. « Si j’avais voulu chercher par moi-même toutes ses informations, cela m’aurait demandé beaucoup de temps et de recherches. Là, en 1h30, j’ai pu découvrir, comprendre et je sais qu’il restera quelque chose de tout ce que j’ai vu et entendu… Il faudrait voir ce genre de film avant d’aller visiter une expo. C’est une très bonne entrée en matière ! », nous a confié ce spectateur, pas forcément connaisseur en matière d’histoire de l’art. Filmer une grande exposition et diffuser le tout sur grand écran, l’idée a déjà été testée dans plusieurs cinémas du réseau Gaumont-Pathé. En 2012, l’ opération avait déjà été menée autour de l'exposition consacrée à Léonard de Vinci à la National Gallery de Londres. Le public avait été au rendez-vous. Au Pathé de Lyon Vaise, deux salles avaient été remplies à cette occasion. Pour Manet, l’engouement a été moindre peut-être parce que le peintre est plus difficile d’accès. Un film similaire sur Edward Hopper aurait sans doute eut un plus grand retentissement… Reste que ces retransmissions au cinéma de grands opéras, de spectacles de danse, de pièces de théâtre ou d’exposition doivent être soutenues et maintenues. Parce qu’une salle obscure peut rendre l’art plus lumineux.
Et c’est ce qui ressort de ces 90 minutes durant lesquelles Tim Marlow va nous guider dans la vie de Manet en s’appuyant sur quelques œuvres fortes, analysées par des spécialistes, le tout sans se transformer en catalogue qui va « bêtement » de tableaux en tableaux, à l’image de ce que nous faisons la plupart du temps quand nous allons visiter une expo. Le début du film se promène d’abord dans les salles (huit au total), offrant des plans rapprochés sur certaines œuvres. L’image étant d’excellente qualité et « étalée » sur un grand écran, on perçoit vraiment les coups de pinceaux, la matière, les détails infimes des tableaux. Bref, on a la sensation de rentrer dans l’œuvre.
Puis en guise d’introduction, Tim Marlow demande à MaryAnne Stevens, la co-curatrice de l’exposition (un autre terme pour désigner un commissaire d’exposition) en quoi Manet est un artiste moderne, associé à tort au mouvement impressionniste. Cette dernière offre des explications claires, dans un langage simple en s’appuyant sur des exemples concrets.
Le film propose ensuite de voir comment cette rétrospective exceptionnelle a pris vie, en montrant des images du travail effectué en amont entre équipe de la Royal Academy Arts et un designer pour voir comment chaque tableau allait trouver sa place dans les salles. On entre ensuite dans le vif du sujet : la vie d'Edouard Manet, sa naissance à Paris en 1832 dans une famille bourgeoise avec photos à l’appui, le tout étayé par Kathleen Adler, biographe du peintre. L’intérêt du film est de ne pas cantonner le spectateur aux quatre murs du musée. Pour illustrer le parcours du Manet, des images du Paris actuel viennent « aérer » et appuyer le récit, évoquant la capitale de l’époque, les lieux où le peintre a vécu, l’ambiance. Plus tard dans le film, on comprendra ainsi comment l’effervescence et les changements (par exemple les travaux du Baron Haussmann ou la photographie) qui caractérisent le Paris de cette fin du 19ème/début 20è ont pu influencer Manet dans sa carrière et son approche picturale. Pour illustrer chaque grand moment de sa vie, le film s’appuie donc sur des tableaux, (moins d’une dizaine) qui vont nous aider à comprendre l’art de Manet, ses préoccupations, son style et au final son « génie » comme le dit MaryAnne Stevens.
Parmi eux, « Le déjeuner dans l'atelier » (où l'on voit au centre Léon, le fils que Manet aura avec son épouse Suzanne Leenhoff). Interrogé par Tom Marlow, l’artiste et académicien Tom Philips en analyse les personnages, la composition, les symboles avec une justesse et une simplicité qui rendent le tableau «lisible » pour le grand public. Ici, pas de grandes tirades conceptuelles ou de langage technique. Il en sera de même avec tous les intervenants. Xavier Bray, curateur du Duwich Picture Gallery à Londres qui analyse « L’Acteur tragique », un tableau dans lequel Manet rend hommage à son idole, le peintre espagnol Velasquez. L’écrivain Iain Sinclaire nous éclaire sur « La Musique aux Tuileries », une œuvre considérée comme la pièce maîtresse de cette expo, à tel point qu’une salle entière lui est dédiée. C’est l’actrice Fiona Shaw qui décrypte le célèbre « Déjeuner sur l’herbe » de Manet, tableau refusé au Salon de Paris et à l’origine d’une polémique qui aura en tout cas le mérite d’asseoir la réputation de Manet ; l’artiste Jonathan Yeo décrypte le portrait d’Emile Zola, fervent défenseur de Manet qui va lui offrir cette œuvre qui au final n’est pas vraiment un portrait…
Le film explore aussi le rapport entre Manet et les impressionnistes, dont l’artiste a toujours voulu se distinguer tout en étant très ami avec eux (et notamment Monet, dont Manet a fait une toile : « La famille Monet dans son jardin ». Autres œuvres importantes, «The Railway » et « Un Bar aux Folies Bergères ». C’est ce tableau, dernière œuvre de Manet avant sa mort, qui va clore la visite. Tableau énigmatique qui laisse en suspens certaines questions, à l’image de l’oeuvre de Manet, d’une apparente facilité mais pleine de subtilités et de nuances. Au final, on ressort de cette séance avec le sentiment d’avoir mieux appréhendé la vie et les recherches du peintre. Le nombre de toiles expliquées est peut-être un peu élevé mais le rythme des interviews, la qualité des intervenants, les séquences hors-musée rendent le tout très digeste et pas du tout élitiste. De l’avis d’un spectateur présent à la projection, c’est le moyen idéal de découvrir un peintre. « Si j’avais voulu chercher par moi-même toutes ses informations, cela m’aurait demandé beaucoup de temps et de recherches. Là, en 1h30, j’ai pu découvrir, comprendre et je sais qu’il restera quelque chose de tout ce que j’ai vu et entendu… Il faudrait voir ce genre de film avant d’aller visiter une expo. C’est une très bonne entrée en matière ! », nous a confié ce spectateur, pas forcément connaisseur en matière d’histoire de l’art. Filmer une grande exposition et diffuser le tout sur grand écran, l’idée a déjà été testée dans plusieurs cinémas du réseau Gaumont-Pathé. En 2012, l’ opération avait déjà été menée autour de l'exposition consacrée à Léonard de Vinci à la National Gallery de Londres. Le public avait été au rendez-vous. Au Pathé de Lyon Vaise, deux salles avaient été remplies à cette occasion. Pour Manet, l’engouement a été moindre peut-être parce que le peintre est plus difficile d’accès. Un film similaire sur Edward Hopper aurait sans doute eut un plus grand retentissement… Reste que ces retransmissions au cinéma de grands opéras, de spectacles de danse, de pièces de théâtre ou d’exposition doivent être soutenues et maintenues. Parce qu’une salle obscure peut rendre l’art plus lumineux.
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