"Capitaine Thomas Sankara", le feel good documentaire à la gloire du leader burkinabè
Anti-impérialiste, anticolonialiste, panafricaniste, tiers-mondiste, féministe, écologiste… Thomas Sankara était tout ça à la fois. C'est lui qui, à partir de 1983 et à 33 ans seulement incarne et dirige la révolution burkinabè. Et ce jusqu'à son assassinat lors d'un coup d'État qui amène au pouvoir son ancien ami et bras droit Blaise Compaoré, en 1987. Un marxiste au pays des hommes intègres, le Burkina Faso, comme il a lui-même choisi de l'appeler. Nom issu de la tradition africaine venant remplacer la Haute-Volta, ancien nom du pays issu de la colonisation.
Constitué exclusivement d'images d'archives, ce documentaire dévoile le destin unique du président Sankara pendant cette période de quatre ans. À une époque où le simple fait de penser était risqué. Rêver, carrément prohibé. Le portrait d'un idéaliste qui, en voulant affranchir son pays, transformer les mentalités de ses habitants et contester l'ordre mondial, a marqué durablement l'histoire de l'Afrique.
"Un homme dérangeant"
Harlem, 3 octobre 1983. Date d'un discours mythique de Thomas Sankara, au lendemain de son coup d'état. "Quand le peuple se met debout, l'impérialisme tremble", lance-t-il, arme levée vers l'assemblée en ouverture du documentaire. "Je vous prie de me croire. Ce n'est pas un jouet. Ce sont des balles réelles. Et lorsque nous tirerons ces balles, ce sera contre l'impérialisme. La patrie ou la mort. Nous vaincrons".Sans doute, le chef d'État le plus atypique de la planète à cette époque. "Un homme carrément dérangeant avec qui il n'était pas facile de dormir en paix", disait de lui François Mitterrand. Un président qui va parvenir à transformer l'un des pays les plus pauvres de la planète en défendant la voix des exclus. Il ira même jusqu'à la tribune de l'ONU réclamer l'annulation de la dette africaine. Sankara était cet insoumis. Ce chef d'Etat capable de supprimer les loyers pour relancer l'économie.
Sankara en figure punk
Plus qu'un documentaire, "Capitaine Thomas Sankara" est surtout un hommage du réalisateur Christophe Cupelin à l'ancien président burkinabè. À cette figure punk qu'il en fait, musique de The Ex et montage punchy et nerveux à l'appui. Pas d'interviews, ni de mises en perspective. Le réalisateur complètement sous le charme reprend à son compte les sources qu'il utilise, dont certaines n'ont été disponibles qu'en 2007, à l'occasion du vingtième anniversaire de la mort de Sankara. Mais l'angle choisi de n'utiliser que ces archives, certes étonnantes, a ses limites. Car on en apprend finalement assez peu sur l'homme et sur la réalité des évènements. Et pourtant il y aurait eu pas mal de choses à dire. Car Sankara était aussi controversé.Des erreurs passées sous silence
Derrière le tribun exceptionnel qui nous est présenté, certaines méthodes utilisées sont parfois assez discutables. Par exemple ces tribunaux populaires de la révolution où l'accusé, présumé coupable, devait prouver son innocence. L'élimination de ses opposants lors de sa prise de pouvoir n'est que très légèrement abordée comme ses liens troubles avec le colonel Kadhafi. Des critiques balayées d'un revers de main par un film à la gloire d'un homme, il faut bien le reconnaître, fascinant.Le rendu souffre également de quelques défauts formels. Le réalisateur ayant fait le choix de garder des bandes endommagées par le temps et les mauvaises conditions de conservation. Le visage des présentateurs censés éclairer le propos vire parfois au bleu ou au vert ce qui gêne un peu la lecture mais renforce le côté habilement et volontairement foutraque du documentaire.
Il n'empêche, ce "feel good documentaire" parvient à mettre en lumière l'humanité et la flamboyance d'un chef d'État qu'on aurait aimé côtoyer. Et ce alors même que le rapport d'autopsie du corps présumé de Thomas Sankara venant confirmer la thèse de l'assassinat, vient d'être dévoilé.
Documentaire de Christophe Cupelin - Durée : 1h30. Sortie le 25 novembre 2015.
Synopsis : "Capitaine Thomas Sankara" dévoile le destin du président du Burkina Faso, de son élection en 1983 à son assassinat en 1987. Révolutionnaire, féministe et écologiste, Thomas Sankara a transformé l'un des pays les plus pauvres du monde en défendant la voix des exclus jusqu'à la tribune de l'ONU. Ces archives redonnent la parole à ce leader charismatique qui marquent encore les conscience.
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