Un documentaire sur le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire en juin
Le sujet du film est surtout consacré au poète Aimé Césaire, inséparable de son œuvre littéraire majeure, le Cahier d’un retour au pays natal. Le Cahier est en effet le livre emblématique de l’écrivain martiniquais, un ouvrage qui a eu au fil du temps un retentissement dans le monde entier. La préparation et le tournage du film ont conduit Véronique et Fabienne Kanor en Martinique, en Croatie, où Césaire commença à rédiger son texte, et dans l’Hexagone où le cofondateur du mouvement de la négritude vécut dans sa jeunesse et publia ses livres.
Avec un petit budget de 38.000 euros, les réalisatrices se sont accrochées malgré les galères, et sans rémunération. Le documentaire de 52mn, intitulé « Retour au Cahier », est actuellement en fin de montage. Il sera diffusé à la fin du mois de juin par France Ô et le réseau des chaînes Outremer 1ere, qui l’ont coproduit. Véronique Kanor nous parle de son film.
Pourquoi ce projet de film sur le Cahier d’un retour au pays natal ?
Véronique Kanor : Le Cahier est un livre qui nous a constituées, qui nous a permis de grandir et d’avoir une position dans le monde. Il nous a permis de savoir qui on était par rapport à l’esclavage et la colonisation, par rapport à notre couleur. Ce livre nous a aidées à être debout et libres. Ce poème nous accompagne depuis l’adolescence.
A l’occasion de l’année Césaire, nous nous sommes dit qu’il serait bien d’inscrire notre regard dans cette année-là et de proposer notre vision. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Nous avons choisi de trouver un angle singulier et de parler de ce qui nous importait vraiment. Quand Césaire dit qu’il faut descendre dans les profondeurs de soi-même pour essayer d’en extraire le minerai et de le faire ressurgir au monde d’une manière lumineuse, c’est ce cheminement humain qui nous intéresse. Voilà pourquoi nous avons choisi d’angler le film sur l’aventure de ce texte, le Cahier d’un retour au pays natal.
Quelle est la dimension particulière de ce texte selon vous ?
Véronique Kanor : D’un point de vue martiniquais les gens ne s’en rendent pas vraiment compte, mais c’est un poème universel. Il a été pris par les peuples, par exemple les Africains au moment des indépendances. Plus que lu, ce livre a été vécu et réalisé. Il a accompagné des peuples dans leur lutte pour la libération. Le paradoxe est que certains pays ont réalisé la prophétie du texte, mais pas la Martinique. Ce poème a été offert au monde et à l’humanité, mais les Martiniquais ne s’en sont pas véritablement emparés. Avec Fabienne, il nous importait d’évoquer cette dimension-là et de la mettre en relief.
Au niveau purement formel, il y a aussi la valeur littéraire et esthétique du texte, qui est classé parmi les chefs d’œuvres de la littérature internationale. C’est quelque chose que l’on méconnaît. Il a fallu que Césaire meure et qu’on lui rende un hommage national pour que l’on s’en rende finalement compte. C’est quelqu’un dont la parole aura eu un écho très large.
Quelle a été votre démarche cinématographique durant le tournage du film ?
Véronique Kanor : Faire un film sur un livre, ce n’est pas évident, car ce n’est pas forcément visuel. Mais ce qui nous importait c’était que l’on entende le texte par fragments et dit par plusieurs personnes. Des personnes différentes, des jeunes, des vieux, des femmes, des hommes, des Blancs, des Noirs, des gens d’ailleurs, enfin tout un tas de monde. On a choisi pour eux des extraits du Cahier. On a réalisé cette démarche-là en Croatie, en France et en Martinique. Ces modules nous permettent d’entrer dans l’œuvre.
Autour de cette ossature, nous avons suivi la répétition d’un spectacle autour du Cahier à Fort-de-France, au lycée technologique Joseph Gaillard. Nous avons voulu voir comment le Cahier était mis en chair et en langue, à travers le geste, le mouvement, les corps, la diction… Ensuite, il y a des intervenants, qui vont nous expliquer le Cahier selon la linguistique, la psychologie et la politique, entre autres.
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